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Cambodge & Analyse : L’effondrement du commerce à la frontière Cambodge-Thailande en 2025

En août 2025, le commerce officiel entre le Cambodge et la Thaïlande s’est réduit à une somme dérisoire de dix millions de bahts, un effondrement de 99,9% selon le Département thaïlandais du Commerce extérieur. Ce chiffre est loin d’être une simple erreur comptable ; il symbolise la fin d’une artère commerciale vitale qui autrefois valait des milliards chaque mois.

L’effondrement du commerce à la frontière Cambodge-Thailande en 2025

Le poste frontière de Poipet--Aranyaprathet, jadis bourdonnant de camions et de marchands, semble désormais un cimetière de métal et de poussière. Ce constat amer capture l’essence même de ce que décrit Arnaud Darc dans son analyse :

« Le flux économique entre deux voisins s’est littéralement tari. », écrit-il.

De l’étincelle des conflits à un silence mortel

L’enchaînement dramatique a commencé par des échanges d’artillerie meurtriers en mai 2025 près d’Oddar Meanchey, causant des dizaines de morts et le déplacement de milliers de civils. Puis, l’escalade a culminé avec des frappes aériennes thaïlandaises le 24 juillet, une première depuis des décennies.

Cet engagement militaire a rapidement dévié vers une guerre ouverte, dont les civils ont payé le prix le plus lourd :

« Trente-huit morts et environ 300 000 déplacés ont été recensés, tandis que le grondement des camions a cédé la place aux véhicules blindés » souligne M. Darc.

Dès le 24 juillet, la Thaïlande a commencé à fermer ses points de passage, suivie par le Cambodge, qui invoqua la violation de souveraineté et les menaces sécuritaires.

Une guerre économique sans précédent

Le blocus commercial est devenu une stratégie officielle : le Cambodge interdit importations de produits essentiels en provenance de Thaïlande, et des campagnes de boycottage anti-thaï sont lancées dans les grandes villes cambodgiennes. De l’autre côté, les entreprises thaïlandaises dénoncent des contrôles douaniers punitifs ciblant les marchandises cambodgiennes.

Par cette logique hostile, « l’interdépendance a cédé la place à l’arithmétique de l’escalade » note Arnaud Darc.

Les pertes économiques sont colossales. Des entrepôts cambodgiens voient leurs récoltes de manioc pourries sous la chaleur, tandis que les durians thaïlandais destinés aux marchés chinois s’abîment dans les dépôts.

Les disruptions affectent les chaînes d’approvisionnement, les exportateurs et les détaillants. Le coût estimé dépasse les milliards de dollars, soit environ 11,8 millions de dollars par jour d’activité gelée, un montant qui représente près de la moitié du budget national cambodgien.

Cette calamité touche aussi bien les propriétaires d'entreprises thaïlandaises, qui immobilisent leurs flottes, que les agriculteurs cambodgiens confrontés à la dégradation de leurs produits :

« Le poids tangible des récoltes gaspillées est devenu une métaphore pour la confiance perdue » exprime M. Darc avec force.

Une frontière marquée par l’histoire et la méfiance

Ce désastre commercial ne surgit pas pour autant dans un vide historique. Cette frontière, loin d’être une simple ligne, est une « cicatrice », vestige des traités franco-siamoises des années 1904 et 1907, lesquels ont configuré la région dès l’époque coloniale.

L’arrêt de la Cour internationale de justice de 1962, attribuant le temple de Preah Vihear au Cambodge, puis une nouvelle série de conflits en 2008-2011, témoignent d’un passé lourd de tensions. Un protocole signé en 2000 instaurait une commission conjointe visant à aboutir à un bornage précis du territoire. Vingt-cinq ans plus tard, un progrès existe, mais des lacunes demeurent.

Comme le rappelle Arnaud Darc, « L’histoire ne se répète pas, mais elle rime ».

La politique au service du nationalisme

Selon Darc, la dégradation récente s’explique autant par des facteurs politiques internes que par un différend frontalier. En Thaïlande, la gestion des points de passage incombe largement aux forces militaires régionales, exercant une autonomie significative sur les questions de sécurité.

Au Cambodge, les dirigeants justifient les fermetures et restrictions économiques comme des moyens de défense de la souveraineté nationale, sachant que « le nationalisme reste un argument de poids pour les gouvernements ».

Malgré un sommet extraordinaire des ministres des Affaires étrangères de l’ASEAN en juillet 2025, dédié à cette crise, aucune avancée politique majeure n’a vu le jour, laissant un commerce languissant face au silence.

L’effondrement du commerce à la frontière Cambodge-Thailande en 2025

L’homme derrière les statistiques

Les chiffres assourdissants cachent des destins individuels marqués par la crise. Darc donne la parole à trois figures emblématiques : Somchai, chauffeur de camion thaïlandais, conserve dans sa cabine la dernière facture officielle d’un convoi, celle d’une cargaison de pastèques, devenue symbole d’un commerce assassiné ; Sophea, une productrice cambodgienne de manioc, témoigne de ses mains craquelées par le travail acharné et les pertes immenses ; Vannak, vendeur au marché de Poipet, vend à perte, incarnant la spirale déclinante d’une économie locale à bout de souffle.

Vers quelle résolution ?

Malgré l’absence de solutions immédiates, Arnaud Darc expose des mesures pragmatiques. Il prône la reprise rapide du bornage technique par la commission conjointe, l’instauration de couloirs verts pour les produits essentiels, administrés avec transparence par les douanes, et le retour de petits observateurs ASEAN pour surveiller les incidents sans s’immiscer dans la politique.

« Le commerce est bien plus que des marchandises, c’est la confiance rendue visible », insiste Arnaud Darc.

Or, en août 2025, cette monnaie fondamentale a disparu, plongeant les économies voisines dans une arithmétique aussi simple que dévastatrice : « Dix millions de bahts, et plus rien à échanger ».

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