Cambodge : Les tarifs américains, un risque géré mais inégal pour l’économie du Royaume
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Le 1er août 2025, les États-Unis ont imposé un tarif de 19% sur l’ensemble des produits importés du Cambodge, marquant un tournant majeur dans la politique commerciale bilatérale. Cette mesure, négociée après des mois de tensions, a été saluée par le gouvernement cambodgien comme une victoire relative, évitant le scénario catastrophe d’un tarif de 36% qui aurait pu paralyser l’économie exportatrice du pays.

Pourtant, derrière cette apparente stabilité, les risques restent réels et inégalement répartis, selon une récente analyse de la Banque asiatique de développement (BAD), qui met en lumière les vulnérabilités structurelles du secteur exportateur cambodgien.
Un choc externe mesuré, mais pas anodin
La BAD a modélisé trois scénarios possibles : un tarif bas (10%), un tarif moyen (19%) et un tarif élevé (36%). Les résultats sont sans appel : le tarif actuel de 19%, bien que douloureux, reste gérable pour l’économie cambodgienne. Il devrait avoir un impact négligeable sur la croissance, l’emploi et la pauvreté dans les prochaines années. En revanche, une escalade vers 36% aurait des conséquences désastreuses : une baisse de près d’un point de pourcentage du taux de croissance, la suppression de plus de 100 000 emplois et une hausse du taux de pauvreté de plus d’un point. Ces chiffres, issus de modélisations économiques rigoureuses et de données récentes de l’Institut national de statistiques du Cambodge, montrent que la marge de manœuvre est étroite.
Le textile, au cœur de la tempête
Le secteur du textile et de l’habillement, qui représente environ 45% des exportations cambodgiennes et emploie plus de 900 000 personnes, est le plus exposé. Les exportations de vêtements vers les États-Unis ont atteint 1,89 milliard de dollars en 2023, soit près d’un cinquième des exportations totales du pays vers ce marché. Le tarif de 19% pèse sur la compétitivité des fabricants cambodgiens, qui voient leurs marges se rétrécir et leurs commandes diminuer progressivement. Les marques américaines, à la recherche de coûts plus bas, pourraient se tourner vers le Vietnam (20% de tarif), le Bangladesh ou l’Indonésie, réduisant la part de marché du Cambodge.
Les conséquences sociales sont déjà perceptibles : les contrats de travail se raccourcissent, les avantages sociaux sont réduits et certains ouvriers envisagent de quitter le pays à la recherche d’emplois plus stables. Les syndicats cambodgiens alertent sur le risque d’une précarisation accrue des conditions de travail, à l’image de ce qui s’est produit pendant la pandémie de COVID-19.
L’électronique, un secteur en croissance mais fragile
Le secteur de l’électronique, qui a connu une croissance spectaculaire ces dernières années, représente désormais près de 14% des exportations cambodgiennes. Les exportations de matériel électrique et électronique vers les États-Unis ont atteint 1,01 milliard de dollars en 2024, selon les données de la base COMTRADE des Nations Unies. Ce secteur, moins dépendant du marché américain que le textile, bénéficie d’une diversification des marchés, mais reste vulnérable à toute nouvelle hausse des tarifs ou à des restrictions sur les chaînes d’approvisionnement régionales.
Une diversification accélérée, mais...
Face à la contraction du marché américain, les exportateurs cambodgiens sont contraints d’accélérer leur diversification. Les projections montrent que le chiffre d’affaires total des exportations pourrait chuter de 13,6% en 2025, soit une perte d’environ 2,8 milliards de dollars, principalement en raison de la baisse des ventes vers les États-Unis. Les fabricants doivent donc chercher de nouveaux débouchés, notamment en Asie, en Europe ou en Afrique, mais cette transition n’est pas sans risques : elle nécessite des investissements importants en logistique, en marketing et en conformité réglementaire.
Les recommandations de la BAD : Protection sociale et compétitivité
La BAD recommande au gouvernement cambodgien de renforcer les mesures de protection sociale en cas d’escalade tarifaire, notamment par des transferts sociaux, des services d’emploi et des programmes de formation professionnelle. À long terme, il est essentiel d’investir dans la compétitivité économique, en améliorant les infrastructures, le capital humain et les réformes d’affaires, afin de renforcer la résilience du pays face aux chocs externes.
Le tarif américain de 19%, bien que gérable, place l’économie cambodgienne dans une situation d’équilibre précaire. Les secteurs les plus exposés, comme le textile, doivent s’adapter rapidement pour préserver leur compétitivité, tandis que les secteurs émergents, comme l’électronique, doivent poursuivre leur diversification. La BAD insiste sur la nécessité d’une politique proactive, combinant protection sociale et investissements stratégiques, pour garantir la stabilité et la croissance du Cambodge dans un contexte international incertain.
Sources : Asian Development Bank (BAD), Policy Brief, 2025, Reuters, 2025 The Global Statistics, 2025, ASEAN Briefing, 2025







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