L’ambassadeur de France au Cambodge, Jacques Pellet, rencontrait hier une vingtaine de journalistes locaux à la Résidence de France. L’intention était de s’exprimer au sujet de la visite en cours du Premier ministre cambodgien. Une visite officielle qui marque, selon le diplomate, un « grand tournant » dans les relations franco-cambodgiennes, au niveau bilatéral, mais aussi dans un cadre plus international.
C’est donc un diplomate plutôt réjoui de voir que les efforts de rapprochement entre les deux pays commencent à porter leurs fruits. Au cours de son exposé préalable à la discussion avec les journalistes, M. Pellet n’a pas manqué de souligner les efforts de la France - que ce soit au niveau local à travers les initiatives de l’ambassade, de la communauté d’affaires locale et plus largement dans le cadre de partenariats institutionnels - pour développer une relation qu’il aimerait voir évoluer dans un cadre encore plus ambitieux.
Grandes lignes de l'intervention de M. Pellet
Une relation particulière
Il va sans dire que la relation entre la France et le Cambodge est quand même particulière. Nous avons fêté l’an passé le 70e anniversaire de l’indépendance, puis peut-on dire, le 160e anniversaire de notre rencontre en mai 1863. C’est une histoire quand même très particulière. D’ailleurs, nous avons tenu à marquer ce 70e anniversaire d’indépendance au mois de novembre, parce que cela a été un moment assez particulier à la fois d’indépendance pour le Royaume du Cambodge et d’accroissement de nos relations. L’indépendance du Cambodge n’a pas signifié un départ de la France, mais plutôt un accroissement de nos relations et de notre présence.
Renforcer le dialogue et la relation politique
Et je le souligne parce que je crois qu’une des particularités de notre relation est que nous n’avons pas de contentieux mémoriel et que nous partageons une histoire commune.
« Et dans ce contexte, il me parait important de renforcer le dialogue et la relation politique entre le Cambodge et la France. La rencontre entre l’ancien Premier ministre Hun Sen et le Président Emmanuel Macron à Paris l’an dernier a été un moment assez fort qui a permis de bien relancer la relation politique. »
C’est pour cette raison que nous avons eu ensuite la visite du ministre délégué auprès de la ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, chargé du commerce extérieur, de l’attractivité et des Français de l’étranger : Olivier Becht. Il s’agissait de la première visite ministérielle depuis 2015. Nous avons également accueilli une escale navale, la première depuis 2016, avec la régate de surveillance « Vendémiaire » à Sihanoukville.
Et ensuite, bien sûr, il y a eu la visite de Sa Majesté le roi à Paris en novembre dernier, à l’occasion d’une part avec son passage à l’UNESCO, mais aussi d’une rencontre avec le Président de la République.
Diversité de la relation avec le Cambodge
Nous avons célébré en 2023 le 30e anniversaire de la présence de l’Agence française de développement, le 70e anniversaire de l’Institut Pasteur du Cambodge et toute une série d’événements.
« Et puis, je me félicite de l’attractivité du parc de la Résidence de France, puisque nous avons accueilli pour le marché français 13 000 visiteurs en une seule journée. Et nous ouvrirons de nouveau le parc à d’autres occasions. »
Dans le cadre de cette dynamique, le Premier ministre Hun Manet a exprimé le souhait de passer par Paris lorsqu’il a été invité à participer au sommet de Davos. Et, sa visite s’inscrit dans cet élan. Nous nous félicitons de ce premier voyage hors d’Asie du Premier ministre, qui se déroule en France. Rappelons que c’est aussi sa troisième visite officielle bilatérale après la Chine et le Vietnam.
Donc, voilà, nous sommes très honorés que cette visite puisse avoir lieu. Je voudrais aussi annoncer que la Présidente de l’Assemblée nationale du Cambodge, Son Excellence Khuon Sudary, se rendra à Paris au mois de mars 2024 à l’invitation de notre Présidente de l’Assemblée nationale, Madame Yaël Braun-Pivet, qui organise une réunion des femmes Présidentes d’Assemblée nationale à travers le monde. Elles seront une quarantaine et S.E. Khuon Sudary a tout de suite répondu positivement.
Et comme vous le savez aussi, nous aurons deux grands événements majeurs en France qui sont l’ouverture des Jeux olympiques à Paris le 26 juillet et ensuite les Jeux paralympiques. Le 4 octobre 2024, le Sommet de la francophonie se tiendra en France et le Cambodge s’est positionné et souhaite pouvoir organiser ce Sommet en 2026.
Visite et économie
La visite du Premier ministre Hun Manet débute en fait aujourd’hui lundi à Paris par un séminaire franco-cambodgien, un séminaire des affaires qui se tient au MEDEF international et qui déroule donc ce jour-ci au moment du déjeuner.
Ce forum a pour objectif de mieux faire connaître le Cambodge aux entreprises françaises.
« La relation économique est bonne, mais soyons honnêtes, nous manquons d’investissements français au Cambodge, et donc c’est aussi bien le rôle de notre ambassade, mais aussi des autorités cambodgiennes de tout mettre en œuvre pour convaincre plus d’entreprises françaises à venir investir au Cambodge. »
Et le Premier ministre cambodgien s’entretiendra avec des représentants de grands groupes français présents au Cambodge. Donc, cela traduit tout de même un intérêt croissant du côté des entreprises françaises pour le Cambodge.
Visite officielle
Le PM cambodgien rencontrera aussi la Secrétaire Générale de la Francophonie, Mme Louise Mushikiwabo, pour justement s’entretenir à propos de la candidature cambodgienne. Ensuite, M. Manet partira en Suisse le mardi et le mercredi pour revenir sur Paris le mercredi soir, et la visite officielle commence réellement par un accueil le soir du 17 janvier, par une cérémonie aux Invalides, qui est le protocole généralement suivi quand on s’inscrit dans une visite officielle de ce niveau.
S.E. Hun Manet rencontrera le président de la République lors d’un déjeuner de travail. Il sera ensuite reçu au Palais de l’Élysée et, dans l’après-midi, il rencontrera le président du Sénat, M. Gérard Larcher, et la présidente de l’Assemblée nationale, Madame Yaël Braun-Pivet. Le lendemain, le PM cambodgien devrait s'entretenir avec son homologue français, M. Gabriel Attal. Toutefois, cela reste à confirmer, car il y a eu un changement de gouvernement en France. Et les agendas sont en train de se caler. En tout cas, c’était prévu et j’espère que cet entretien aura lieu.
Au-delà
Concernant le contenu de la visite, je souhaiterais souligner la volonté, de part et d’autre, d’aller au-delà de notre relation purement bilatérale, de travailler mieux ensemble, y compris à l’international, sur un certain nombre de sujets.
« Nous souhaitons nous engager davantage sur des enjeux sur lesquels nous travaillons ici, que ce soit la lutte contre le changement climatique, la protection de la biodiversité, la santé mondiale. »
Nous avons beaucoup d’opérations bilatérales, mais nous voulons être partenaires sur des initiatives à l’international. Nous avons pris note des engagements du Cambodge à la COP 28. Ce sont des sujets qui tiennent à cœur à notre président et je pense qu’il y aura une série de discussions autour de ces sujets-là.
Développement
Il y a aussi évidemment le volet que nous menons depuis 30 ans, le partenariat avec le Cambodge à travers l’aide au développement. Et l’Agence française de développement (AFD) signera trois engagements majeurs dans le domaine de l’eau, de l’énergie et de la formation. L’AFD s’est engagée à hauteur de 200 millions d’euros par an. C’est ce montant-là à peu près, ou même légèrement supérieur, qui sera signé à Paris dans quelques jours. Il y aura aussi des accords entre certaines entreprises.
Culture et dialogue
À la demande du roi du Cambodge, la France s’engagera et financera une étude pour l’extension et la rénovation du musée national.
Évidemment, la relation avec le Cambodge est diversifiée. Nous entretenons un dialogue, je dirais, « ancien et confiant ». Donc tous les sujets sont abordés, y compris les sujets de gouvernance, les sujets de droits de l’homme, sur lesquels nous avons pu nous exprimer par le passé, et qui feront aussi l’objet de discussions.
« Je pense qu’il y a la volonté de part et d’autre d’élever le niveau de nos échanges à un niveau plus stratégique, et évidemment avec la volonté d’aborder tous les sujets, y compris ceux qui sont parfois les plus difficiles. »
Je rappelle qu’en l’espace de 13 mois, les plus hautes autorités du pays ont été reçues trois fois à l’Élysée. Donc, cela démontre l’intérêt que nous portons au Cambodge.
Présence régionale
Je voudrais aussi rappeler que notre démarche de partenariat plus étendu s’inscrit dans une volonté plus large de la France d’être plus présente dans la région, en particulier dans le cadre de ses relations avec l’ASEAN, avec laquelle nous sommes devenus partenaires de développement en 2021. Nous souhaitons réellement approfondir cette relation.
Mentionnons également cette « stratégie de l’Indo-Pacifique », qui est portée par l’Union européenne. Personnellement, je suis convaincu que dans cette stratégie et cette nouvelle diplomatie, le Cambodge a sa place.
« Ce n’est pas le plus grand pays de la région, ce n’est pas celui qui a la plus grande puissance économique, mais il a beaucoup d’atouts. »
Et je pense que nous devons, dans cette optique, être plus présents, non seulement au Cambodge, mais dans la région. Je pense que depuis le Cambodge, nous pouvons faire beaucoup de choses, car nous y sommes très présents, sur de nouveaux enjeux.
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