Crise Humanitaire à la Frontière avec la Thaïlande — Des dizaines de milliers de déplacés face à l'incertitude
- La Rédaction
- il y a 1 jour
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Le Cambodge traverse une crise humanitaire majeure à la suite d’une flambée des combats entre les forces militaires cambodgiennes et thaïlandaises, qui ont ravivé une vieille querelle frontalière.

Depuis le 24 juillet 2025, plus de 150 000 Cambodgiens ont été contraints de fuir leurs foyers, cherchant refuge principalement dans cinq provinces principales situées le long de la frontière : Siem Reap, Oddar Meanchey, Banteay Meanchey, Preah Vihear, et Pursat, selon le dernier rapport publié par le Humanitarian Response Forum (HRF) le 8 août 2025.
Une évacuation massive causée par l’escalade du conflit
L’escalade des tensions militaires a causé un déplacement massif de populations, culminant à près de 172 000 personnes déplacées fin juillet. Au 6 août, on recense environ 153 910 déplacés, répartis entre 120 sites officiels de refuge et des hébergements auprès de familles et proches. Parallèlement, plus de 755 000 Cambodgiens sont revenus du territoire thaïlandais vers leur pays d’origine.
Le contexte sécuritaire reste fragile malgré un accord de cessez-le-feu conclu le 7 août dernier lors d’une réunion extraordinaire des Comités généraux frontaliers tenue en Malaisie. Cet accord comprend un cadre en 13 points garantissant l’arrêt des hostilités, la protection des civils, et le gel des positions militaires, sous stricte surveillance de mécanismes d’observation temporaires menés par l’ASEAN, dirigés par la Malaisie.
Conditions de vie précaires dans les camps de déplacés
Malgré le calme fragile, les conditions de vie dans les camps de déplacés sont alarmantes. Les installations sont surpeuplées et en inadéquation avec les standards humanitaires internationaux. Le manque d’hygiène, la faiblesse des installations sanitaires, l’insuffisance des services de santé et d’éducation et la menace constante des munitions non explosées (UXO) affectent gravement les populations déplacées.
Les écoles sont notamment très touchées, avec 281 établissements fermés, privant plus de 86 000 élèves et près de 3 000 enseignants d’accès à l’éducation. La capacité d’adaptation est limitée, avec peu d’espaces d’apprentissage temporaires fonctionnels, ce qui provoque un décrochage scolaire inquiétant des enfants, souvent aussi victimes de stress et de trauma liés à la violence et la déstabilisation.
Réponse humanitaire multisectorielle
Face à cette crise, les acteurs humanitaires organisés autour du HRF, en collaboration avec des ministères gouvernementaux, des ONG, et la société civile, ont mis en place une réponse coordonnée couvrant plusieurs secteurs essentiels :
Sécurité alimentaire et moyens de subsistance : Des distributions de vivres (notamment du riz, nouilles instantanées, conserves) ont été réalisées, mais la question de la qualité nutritionnelle et de la durabilité de l’approvisionnement reste critique. Les perturbations liées au déplacement pendant la saison agricole impactent les moyens de subsistance locaux, ce qui augure d’une crise prolongée.
Santé : Les interventions incluent la mise en place de cliniques mobiles et de campagnes de vaccination, notamment contre la rougeole et d’autres maladies infantiles. Toutefois, les besoins en santé mentale sont particulièrement aiguës, avec de nombreuses personnes souffrant de troubles psychologiques ou de stress post-traumatique. L’accès aux traitements pour les patients atteints du VIH est également compliqué par le contexte instable.
Protection : L’augmentation des risques pour les enfants (violence, exploitation) et les femmes (violence basée sur le genre) alarme les humanitaires. L’absence de sanitaires séparés par genre et l’aménagement des camps génèrent des vulnérabilités accrues. Les personnes en situation de handicap et celles avec des identités de genre ou orientations sexuelles diverses doivent également faire face à l’exclusion.
Eau, assainissement et hygiène (WASH) : Des efforts importants sont déployés pour assurer l’approvisionnement en eau potable, l’installation de latrines adaptées, et la distribution de kits d’hygiène. La sensibilisation aux bonnes pratiques reste un défi majeur dans ces contextes.
Un contexte régional sensible exige une mobilisation internationale continue
Cette crise humanitaire survient dans un contexte régional complexe où les tensions entre le Cambodge et la Thaïlande nécessitent une résolution politique urgente pour sécuriser durablement les territoires frontaliers. La présence des observateurs de l’ASEAN et les accords récents doivent être accompagnés d’un soutien accru des partenaires internationaux pour répondre aux besoins immédiats et prévenir une détérioration humanitaire.
Des acteurs tels que l’UNICEF, le Programme Alimentaire Mondial (PAM/WFP), l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), World Vision International, Plan International, ActionAid, et bien d’autres se mobilisent sur le terrain pour apporter assistance et expertise technique.
Une crise humaine au cœur des communautés cambodgiennes
Au-delà des chiffres, la situation reflète une souffrance humaine profonde touchant des familles entières, des enfants privés d'école, des patients confrontés à l’insécurité sanitaire, et des femmes exposées à des violences. La crise met en lumière la nécessité d’une approche intégrée, avec la participation active des communautés affectées, pour garantir que les réponses soient adaptées, dignes et durables.
Perspectives et défis
La peur persistante des UXO et l’état des infrastructures endommagées freinent les retours massifs.
Le renforcement des capacités locales, y compris des travailleurs sociaux et des acteurs religieux, est essentiel pour fournir un appui psychosocial durable.
La continuité des services de santé, notamment pour les populations vulnérables, et l’accélération des campagnes de vaccination sont des priorités.
Une attention spéciale doit être portée à la protection contre la violence, en particulier envers les femmes, les enfants et les groupes marginalisés.
Le Cambodge fait face aujourd’hui à un défi humanitaire qui implique non seulement la gestion d’une crise immédiate, mais aussi la construction d’une résilience à long terme pour ses populations affectées, au cœur d’un territoire marqué par des tensions géopolitiques lourdes. La solidarité internationale et la coordination efficace des acteurs humanitaires sont indispensables pour éviter que cette crise ne s’aggrave davantage.
Ce rapport est produit par le Humanitarian Response Forum (HRF) en collaboration avec les partenaires humanitaires sur le terrain, avec des contributions du ministère cambodgien de la Défense et des organisations internationales œuvrant sur le terrain du 4 au 8 août 2025.
Note : Cette analyse intègre également des informations clés issues des récentes communications de l’UNICEF, de l’OMS, du PAM, et de plusieurs ONG actives dans la région pour dresser un tableau complet et actuel de la situation des déplacés au Cambodge.
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