Conflit frontalier : Le vrai visage de la Thaïlande par Raoul Marc Jennar
- Chroniqueur
- il y a 18 heures
- 4 min de lecture
Raoul Marc Jennar, expert en histoire et géopolitique du Cambodge, dévoile dans cet article les tensions historiques entre la Thaïlande et le Cambodge. Son texte remet en question l'image pacifique de la Thaïlande relayée par la presse internationale basée à Bangkok.

La manière dont la presse internationale rend compte du conflit infligé par la Thaïlande au Cambodge m'amène à rappeler un certain nombre de faits qui ne sont pas contestables.
Le discours officiel des autorités thaïlandaises, complaisamment relayé par la presse internationale dont les correspondants sont basés à Bangkok, est d’offrir l’image d’un pays aimable et pacifique, respectueux des règles qui président aux relations internationales. En ce qui concerne les rapports de ce pays avec le Cambodge, rien n’est plus faux.
Toute l’histoire des relations entre Thaïs et Khmers est une histoire de haine et de conquête des premiers à l’encontre des seconds. Depuis le XIIe siècle, les Thaïs, dont le pays s’appelait alors le Siam, n’ont pas cessé d’attaquer et d’envahir le territoire des Khmers. Ils ont occupé successivement toutes les capitales du royaume khmer. Ils ont même annexé le pays de 1829 à 1833.
Il a fallu la protection de la France pour stopper la soif de conquête des Thaïs. Et ce fut tout l’effort de la diplomatie française de négocier avec le gouvernement siamois les modalités de la détermination de la frontière acceptées dans la Convention franco-siamoise de 1904 et le traité de 1907. Le résultat fut l’adoption par les deux parties d’un tracé frontalier défini en commun et accepté à de multiples reprises par Bangkok dans des actes officiels, ainsi que l’a souligné la Cour Internationale de Justice dans son Arrêt de 1962.
Mais dès que le Cambodge a retrouvé son indépendance en 1953, la Thaïlande s’est comportée en pays hostile. Après 1953 et le retour du Cambodge dans la communauté internationale, elle n’a pas cessé de contester la frontière née des traités qu’elle a signés et dont la validité juridique a été soulignée par la Cour Internationale de Justice. Il a d’ailleurs fallu l’intervention énergique du Président US John Fitzgerald Kennedy pour empêcher, en 1962, que l’armée thaïlandaise envahisse le Cambodge après ce jugement.
De 1953 à 1970, la Thaïlande a refusé de reconnaître la neutralité et l’intégrité territoriale du Cambodge. Elle a aidé et soutenu les actes terroristes d’une milice khmère qui voulait renverser le régime du Prince Norodom Sihanouk. C’est de 1964 que date le début de la pose sur la frontière de mines antipersonnel par l’armée thaïlandaise. En 1970, elle a apporté son soutien militaire aux auteurs du coup d’État qui a plongé le Cambodge dans la tragédie qui a marqué les années 70. Elle fut, en 1975, le premier pays à reconnaître le régime génocidaire de Pol Pot. Lorsque celui-ci fut renversé en 1979, elle a refoulé sur des champs de mines des dizaines de milliers d’hommes, de femmes, d’enfants, de vieillards qui fuyaient un pays sans avenir, commettant un véritable crime contre l’humanité.
Signataire des Accords de Paris sur le Cambodge, la Thaïlande s’est empressée de les violer. Pendant l’opération des Nations Unies chargée de mettre en application ces Accords, elle a soutenu les Khmers rouges dès qu’ils ont renié leur signature. Son armée a capturé des Casques bleus. Elle a procédé à des déplacements de bornes frontalières au détriment du Cambodge. Elle a exploité les ressources naturelles (le bois, les pierres précieuses) de la zone contrôlée par les hommes de Pol Pot permettant à celui-ci de financer ses activités terroristes.
Après que l’armée thaïlandaise ait lancé plusieurs attaques dans la région du Temple de Preah Vihear à partir de 2008, tuant de nombreux civils cambodgiens et n’hésitant pas à utiliser des armes à sous-minutions interdites par le droit international, le Cambodge n’a pas eu d’autre choix que de retourner devant la Cour Internationale de Justice où il a obtenu gain de cause une nouvelle fois en 2013.
Tels sont les faits historiques et ils ne sont pas contestables.
Depuis le 28 mai de cette année, c’est l’armée thaïlandaise qui attaque le Cambodge. Les services de renseignement des grandes puissances, comme ceux de certains pays de l’ASEAN, le savent. Il y a un agresseur et un agressé, en dépit des discours mensongers de la Thaïlande qui croit pouvoir effacer son rôle hostile et agressif depuis des siècles. La Thaïlande se moque du droit international ; elle se moque des accords et des traités signés ; elle se moque des cessez-le-feu qu’elle a signés. Comme tous les régimes dominés par une armée qui entend imposer sa loi, sa signature ne vaut rien.
Le drame du Cambodge, c’est qu’il n’a ni la superficie, ni la population, ni le développement économique, ni la puissance militaire de son voisin. Et qu’il pèse donc très peu dans le regard des grands acteurs de la politique internationale qui s’empressent de renvoyer dos à dos agresseurs et agressés.
Les propos lénifiants et hypocrites de la diplomatie internationale permettent de ne pas avoir à défendre le faible face au fort et de se laver les mains de toute responsabilité.



