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Cambodge & Tradition : Enseigner l'art du phloy aux jeunes générations

Le pays possède de nombreuses traditions musicales qui sont propres au royaume. L’un des problèmes récurrents du Cambodge d’après-guerre est de trouver des moyens de préserver et de perpétuer ces traditions afin qu’elles ne disparaissent pas au fur et à mesure que le pays se modernise et que les générations d’enfants grandissent plus habitués à la musique hip-hop américaine ou à la K-Pop coréenne de BTS qu’aux mélodies envoûtantes d’un instrument de leur patrimoine culturel local.

Des étudiants s’exercent sur l'instrument. Photo fournie
Des étudiants s’exercent sur l'instrument. Photo fournie

Un instrument cambodgien confronté à de réels défis est le phloy, originaire du peuple Chong de la région d’Areng, située au sud des Cardamomes. Les phloy sont fabriqués à partir de bambou et de calebasse collés ensemble par une laque naturelle.

Ils ont un son très particulier parfois comparé à celui des bourdons visitant les fleurs et ils sont généralement utilisés pour accompagner les chanteurs, souvent lors des mariages.

Duong Nhek, 87 ans, de la communauté Areng Chong du village Pek Svay de la province de Koh Kong
Duong Nhek, 87 ans, de la communauté Areng Chong du village Pek Svay. Photo Centre Bophana

Selon l’équipe de recherche du programme Khmer Magic Bus du Cambodia Living Arts (CLA) et le Centre Bophana, aujourd’hui, il ne reste plus qu’un seul endroit au Cambodge abritant un Cambodgien sachant vraiment jouer de cet instrument : Duong Nhek, 87 ans, de la communauté Areng Chong, du village Pek Svay, province de Koh Kong,

Livre

CLA a publié un livre sur le sujet grâce à l’aide financière de l’ambassade des États-Unis au Cambodge. Début 2022, le livre de 60 pages intitulé « Phloy » a été publié en khmer et en anglais. Outre des informations sur l’histoire et le contexte culturel de l’instrument, il propose également des mélodies et des paroles de chansons composées pour le phloy.

L’équipe de recherche est composée de quatre membres : Thorn Seyma et En Sormanak, tous deux animateurs, Va Bophary, chercheur, et Thon Dika, photographe.

Rôle

Chaque instrument de musique traditionnel au Cambodge a un rôle différent selon le rituel concerné ou la composition de l’ensemble qu’il accompagne. Le phloy est un type d’instrument à vent traditionnellement utilisé par le peuple Chong dans des provinces telles que Pursat, Kampong Chhnang, Kampong Speu et Koh Kong.

Les phloy sont utilisés lors de cérémonies traditionnelles telles que la cérémonie des esprits Neak Ta, les offrandes d’esprits, les rituels de possession et de transe, le piégeage des éléphants et le rite de l’éléphant.

La région d’Areng, dans la province de Koh Kong, est habitée par la tribu des Chong, qui pratique toujours les rituels spirituels annuels en utilisant le phloy dans leurs cérémonies une fois par an.

Trois étudiants talentueux
Trois étudiants talentueux. Photo Centre Bophana

Menace

Malheureusement, le phloy et sa musique sont menacés de disparition totale en tant en raison du manque de nouveaux joueurs intéressés par l’apprentissage de l’instrument et du manque d’occasions de se produire avec le phloy en public lors de divers événements.

Quant à la production de nouveaux phloys, il devient de plus en plus difficile au fil des années de trouver les matières premières nécessaires à leur fabrication.

Fabrication

Pour fabriquer le phloy, il faut cinq tuyaux en bambou, une courge séchée, de la résine de l’arbre Koki (Hopea ferrea), de la résine des abeilles sans dard (Meliponini) et des lianes en rotin. Les parties essentielles de l’instrument sont les tubes sonores, la caisse de résonance et ses anches.

Il est extrêmement difficile d’extraire la résine, car on ne la trouve que dans certains grands arbres au fond de la forêt. Dans certains cas, elle peut être extraite de trous dans le sol près des arbres, mais sa qualité n’est pas aussi bonne. Une fois la résine extraite des troncs d’arbres, elle est rincée à l’eau pour éliminer tous les débris.

L’instrument est assemblé à partir du bambou, de la calebasse et des lianes, en utilisant les résines comme colle et comme vernis, ce qui lui donne sa sonorité particulière.

Esprit

Malgré le manque de joueurs de phloy ces dernières années, la musique de la cérémonie de l’esprit Neak Ta exige que les Chongs la pratiquent régulièrement afin d’apprendre avec précision mélodies et chansons.

Le peuple autochtone Chong ainsi que celui de Por à Pursat croient que le phloy a été inventé par l’esprit Neak Ta, c’est pourquoi l'instrument n’est jamais conservé dans une maison individuelle, il est toujours tenu à l’abri dans une hutte spéciale réservée à l’esprit Neak Ta.

Cérémonie dans la forêt. Photo Centre Bophana
Cérémonie dans la forêt. Photo Centre Bophana

Outre cette cérémonie dédiée à l’esprit Neak Ta, le phloy joue également un rôle particulier dans celle organisée avant de partir cueillir de la cardamome pour les habitants du district de Veal Veng, dans les montagnes.

Poursuivre les recherches

« Pour cette recherche et cette compilation musicale, notre équipe a étudié l’histoire du phloy, les mélodies et les chansons utilisées pour le rituel spirituel de Neak Ta et d’autres cérémonies pratiquées à Areng, ainsi que la façon de fabriquer le phloy. Malheureusement, lors du voyage de recherche en 2021, grand-père Duong Nhek était le seul à savoir jouer de l’instrument et il était trop vieux etplus en mesure de se produire. Sans aucune autre option disponible, nous n’avons pu qu’enregistrer ses élèves jouant du phloy », explique Seyma, cofondateur du Khmer Magic Bus.

« Il est urgent de poursuivre les recherches et la documentation sur le phloy. La mélodie du phloy est courte, mais certaines parties des chansons ont deux sons entendus simultanément, comme le son de la musique du Ken. »

« Cependant, le Ken produit une paire de notes apparentées sur plusieurs octaves, alors que le phloy produit deux ou trois notes séparément et distinctement. La transcription musicale est écrite en notation musicale occidentale et, dans certaines chansons, il y a jusqu’à quatre changements de tonalité. Lorsqu’il fabrique le phloy, grand-père Duong Nhek n’accorde pas les instruments, si bien que chacun d’eux a un son unique ».

« Grand-père pensait que la musique était plus belle lorsque chaque instrument avait un son incongru », ajoute-t-elle.

Heureusement, grâce au travail du programme Khmer Magic Bus de Cambodian Living Arts, à une subvention par le biais du Fonds américain pour la préservation culturelle, et à une aide supplémentaire de l’association d’écotourisme communautaire de Steung Areng, un programme d’enseignement du phloy a commencé en 2018.

Grand-père Duong Nhek transmet ainsi joyeusement toutes ses connaissances sur le jeu du phloy, le chant traditionnel et ses compétences en matière de fabrication d’instruments à ses trois étudiants talentueux, dont deux filles.

Ces trois élèves doivent chacun se rendre loin de chez eux pour apprendre le phloy dans la maison de Nhek. Ses cours ont commencé en 2018 et se poursuivent jusqu’à aujourd’hui.

Le maître forme les élèves à jouer de la musique phloy et interpréter des chansons traditionnelles. Ils apprennent également à fabriquer leurs propres instruments.

« Les élèves de Grandpa continueront à éduquer les autres et à promouvoir largement la musique phloy dans d’autres régions. Nous espérons tous que ce patrimoine artistique de la région d’Areng sera sauvegardé pour les générations à venir, car les arts et la culture sont des éléments irremplaçables de l’identité d’une nation ou d’un groupe ethnique », conclut Seyma.

Pann Rethea avec notre partenaire The Phnom Penh Post

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