Cambodge–Thaïlande : Phnom Penh alerte l’ONU sur la fragilité du cessez-le-feu
- La Rédaction

- 29 sept.
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À New York, à l’occasion de la 80e session de l’Assemblée générale des Nations Unies, le vice-Premier ministre et ministre des Affaires étrangères du Cambodge, S.E. Prak Sokhonn, a exprimé la reconnaissance de son pays envers la médiation internationale ayant permis la conclusion d’un cessez-le-feu récent avec la Thaïlande. Tout en saluant l’initiative facilitée notamment par les bons offices des États-Unis, il a averti que cette trêve demeurait précaire et qu’elle pourrait s’effriter si la confiance n’est pas consolidée par des actes concrets sur le terrain.

Une paix encore chancelante
Dans son intervention du 27 septembre, le chef de la diplomatie cambodgienne a insisté sur le caractère "fragile et délicat" du cessez-le-feu conclu après plusieurs semaines de tension frontalière. Selon lui, les engagements affichés de part et d’autre ne sauraient suffire sans un respect scrupuleux des mécanismes convenus et des traités internationaux qui encadrent le tracé de la frontière.
« La sincérité ne peut se mesurer qu’aux actions, a-t-il déclaré, rappelant que des initiatives unilatérales de la part de Bangkok pour imposer sa souveraineté territoriale, appuyées par l’usage de cartes contestées et de moyens militaires, sapent les efforts de rétablissement de la confiance. »
L’épineuse question des évictions
Le ministre a également dénoncé les expulsions massives de civils cambodgiens vivant depuis des décennies dans les zones frontalières disputées. Selon Phnom Penh, ces déplacements forcés contreviennent non seulement aux termes du cessez-le-feu mais aussi aux accords bilatéraux conclus auparavant pour régler pacifiquement le différend. Il y voit une atteinte grave à la souveraineté du Cambodge et une violation des droits fondamentaux des populations locales.
Une retenue affichée malgré les incidents
Prak Sokhonn a souligné que Phnom Penh continuait de respecter scrupuleusement la trêve : « Nos forces armées n’ont recouru à aucune riposte, même après des attaques non provoquées près de sites sensibles. Nous avons fait preuve de la plus grande retenue, privilégiant la paix et la transparence dans l’application des conditions du cessez-le-feu. »
Cette attitude s’inscrit, a-t-il rappelé, dans l’esprit de réconciliation nationale qui avait permis, dans les années 1990, de tourner la page de la guerre civile. Le Cambodge en appelle aujourd’hui, comme hier, à un règlement pacifique des contentieux par le dialogue et la diplomatie.
Appel à un soutien multilatéral
Face à cette persistance des tensions, le Cambodge exhorte la communauté internationale à maintenir son engagement. Phnom Penh sollicite notamment l’appui du président en exercice de l’ASEAN, des États membres de l’organisation régionale, ainsi que du secrétaire général de l’ONU et des grandes puissances. L’objectif : désamorcer les tensions, empêcher une reprise des affrontements et favoriser l’émergence d’un climat de confiance durable le long de la frontière.
« Nous sommes un petit pays, tourné vers la reconstruction économique et le bien-être de notre peuple. Nous ne menaçons la souveraineté d’aucun voisin », a tenu à rappeler le ministre. Il a toutefois précisé que le Cambodge resterait ferme dans la défense de son indépendance et de son intégrité territoriale, tout en privilégiant le dialogue et la coopération.
Des enjeux dépassant le strict cadre frontalier
Le conflit entre Phnom Penh et Bangkok ne se limite pas à une rivalité territoriale. Comme le soulignent plusieurs experts, la maîtrise des zones frontalières s’accompagne d’enjeux économiques importants : contrôle des terres agricoles, exploitation des ressources naturelles et sécurisation des routes commerciales régionales.
Selon l’Institut ISEAS-Yusof Ishak de Singapour et des analyses récentes de l’International Crisis Group, les différends frontaliers en Asie du Sud-Est, quand ils ne sont pas gérés par des procédures internationales ou bilatérales solides, ont tendance à s’envenimer par des recours à la force et à alimenter le nationalisme. Le précédent du temple de Preah Vihear, classé au patrimoine mondial de l’UNESCO et théâtre de heurts armés entre 2008 et 2011, demeure dans toutes les mémoires.
Vers une « zone de paix et d’amitié » ?
Prak Sokhonn a insisté sur la volonté du Cambodge d’aller au-delà de la logique conflictuelle pour imaginer une coopération transfrontalière bénéfique aux deux pays. Il a évoqué la perspective de transformer ces zones disputées en espaces de "paix, d’amitié et de prospérité partagée", en écho à certaines initiatives déjà expérimentées ailleurs en ASEAN, notamment entre la Thaïlande et le Laos.
Mais pour parvenir à ce scénario optimiste, encore faut-il que la trêve actuelle se consolide et que les engagements bilatéraux se traduisent concrètement sur le terrain. La balle est désormais entre les mains du dialogue politique et de la médiation régionale et internationale.
Dans un contexte marqué par des tensions géopolitiques globales, le différend cambodgiano-thaïlandais incarne une réalité persistante : la fragilité des équilibres frontaliers en Asie du Sud-Est et la nécessité toujours renouvelée de mécanismes de coopération pour éviter l’escalade militaire.







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