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Cambodge–Thaïlande : La guerre des récits et les oubliés de la frontière

La plainte du Comité cambodgien des droits de l’homme (CHRC) contre le journaliste Matt Hunt de France 24, conjuguée aux chiffres alarmants du ministère de la Défense sur les civils déplacés, révèle un moment de tension aiguë à la frontière . Elle met en lumière un double enjeu : la bataille du récit médiatique et la réalité humanitaire d’un conflit qui déborde largement le cadre diplomatique.

Keo Remy, président du Comité cambodgien des droits de l’homme
Keo Remy, président du Comité cambodgien des droits de l’homme

Un conflit frontalier sous haute tension

Selon le CHRC, l’escalade récente entre le Cambodge et la Thaïlande, marquée par des échanges militaires et des frappes aériennes, a provoqué des pertes humaines, des destructions d’infrastructures et des déplacements massifs de population dans les zones frontalières.

La lettre insiste sur le fait que des unités thaïlandaises auraient, à plusieurs reprises, initié les hostilités en territoire cambodgien, entraînant des représailles présentées par Phnom Penh comme de la légitime défense. Dans ce contexte déjà explosif, chaque mot employé dans les médias internationaux devient un facteur de désescalade ou, au contraire, de surenchère.

La cible : un reportage de France 24

Le cœur de la plainte vise un reportage diffusé par France 24 et signé par le journaliste Matt Hunt, accusé de véhiculer une narration « jugée partiale et sensationnaliste » du conflit. Le CHRC reproche en particulier une légende présentant les frappes cambodgiennes comme des opérations menées « en légitime défense » face à des affrontements à la frontière, sans mise en perspective suffisante du contexte ni vérification croisée des faits.

Pour le Comité, cette formulation reposerait sur des « prétextes fabriqués » qui ignoreraient des éléments de preuve concernant le déclenchement des hostilités par les forces thaïlandaises et leurs conséquences pour les civils cambodgiens.

Une accusation de désinformation aux conséquences graves

Le CHRC dénonce un reportage qui « désinforme le public international » et risque d’alimenter davantage les tensions régionales au lieu de les apaiser. L’organisation explique que la diffusion d’un récit unilatéral, qui minimiserait les souffrances des communautés frontalières cambodgiennes, revient à manipuler l’opinion dans un moment de crise.

Elle estime qu’un tel traitement médiatique porte atteinte au droit du public à une information exacte, équilibrée et vérifiable, principe central des normes journalistiques internationales et des engagements de la France en matière de droits humains.

La dimension humanitaire : civils déplacés et infrastructures détruites

En parallèle, les informations issues du ministère cambodgien de la Défense révèlent une autre facette du conflit : celle des civils pris au piège. Les autorités rapportent que le nombre de Cambodgiens déplacés par les combats a dépassé la barre des 50 000 personnes, contraintes d’abandonner leurs villages et leurs terres pour rejoindre des camps temporaires ou des zones plus sûres en intérieur du pays. Les témoignages recueillis évoquent des habitations détruites, des routes et des infrastructures endommagées, ainsi qu’un climat de peur qui bouleverse la vie quotidienne des communautés rurales dépendantes de l’agriculture et du petit commerce.

Appel à la responsabilité médiatique et diplomatique

Conscient de l’influence de France 24, média public français à vocation internationale, le CHRC demande à l’ambassadeur de France d’intervenir auprès de la chaîne pour que les éléments « trompeurs et infondés » du reportage soient revus et corrigés.

Le Comité souhaite que la rédaction de France 24 prenne en compte les sources officielles et indépendantes côté cambodgien, afin d’éviter les narrations à sens unique qui renforcent les perceptions d’injustice. Il appelle également à une couverture future qui respecte scrupuleusement les règles de vérification des faits, notamment sur les implications humanitaires et les responsabilités des différentes parties.

Entre diplomatie, image et souffrances humaines

Au‑delà d’un simple conflit éditorial, cette affaire illustre la manière dont la bataille pour le récit se superpose à la bataille sur le terrain. Pour Phnom Penh, l’enjeu est double : défendre sa version des faits sur la scène internationale et faire reconnaître les souffrances de ses citoyens, en particulier des dizaines de milliers de déplacés qui vivent dans l’incertitude. La plainte contre France 24 apparaît ainsi comme un message adressé à l’ensemble des médias internationaux : dans les zones de conflit, les mots, tout comme les bombes, peuvent laisser des cicatrices durables.

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