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Cambodge & International : Décès de Kissinger, diplomate à l’héritage très controversé

Conseiller à la sécurité nationale, puis secrétaire d’État sous les présidents Richard Nixon et Gerald Ford, la politique internationale ultra-interventionniste de Kissinger a fait et continue de faire l’objet de nombreuses controverses, notamment à propos de la guerre du Vietnam et du bombardement massif du Cambodge.

Kissinger dans l'aile ouest, conseiller à la sécurité nationale en avril 1975. Photo Maison Blanche (cc)
Kissinger dans l'aile ouest, conseiller à la sécurité nationale en avril 1975. Photo Maison Blanche (cc)

L’influence de Kissinger n’a jamais été aussi douloureusement ressentie qu’au Cambodge, où son rôle dans la prolongation de la guerre du Vietnam par le biais d’une campagne de bombardements secrets en 1969 et d’une incursion terrestre des forces américaines l’année suivante laisse encore aujourd’hui des plaies ouvertes.

Beaucoup se souviennent de la colère du roi Sihanouk devant les caméras françaises quelque temps avant la prise de Phnom Penh. « Nixon et Kissinger sont des criminels », clamait-il haut et fort en référence aux bombardements américains qui avaient frappé le Cambodge durant la tristement célèbre « Opération Menu », qui causera la mort de plusieurs centaines de milliers de civils cambodgiens entre 1969 et la chute de Phnom Penh en 1975.

Quête de puissance

Selon une enquête très récente, publiée à peine quelques jours après son décès par le magazine The Independent,  « Kissinger s’est rangé du côté des dictateurs et des régimes génocidaires dans sa quête de puissance américaine face à l’URSS pendant la guerre froide ».

Kissinger, qui est décédé à l’âge de 100 ans à son domicile du Connecticut mercredi dernier, laisse derrière lui un héritage extrêmement controversé, qui n’apparaîtra qu'au fur et à mesure que les archives américaines seront déclassifiées et que les régimes qu’il a soutenus seront démantelés. Des survivants cambodgiens du bombardement qui se sont déroulés entre 1969 et 1973 ont révélé plus tard des massacres non signalés qui auraient également coûté la vie à des centaines de civils pendant le mandat du diplomate américain.

Cambodge bombardé

Les États-Unis ont largué plus de 540 000 tonnes de bombes dans le cadre d’une campagne que Kissinger et le président Nixon de l’époque ont menée en secret, sans le soutien du Congrès américain dans le « but d’anéantir les Khmers rouges et d’éviter l’expansion communiste ».

Les États-Unis n’étaient pas en guerre contre le Cambodge, mais Kissinger estimait que cette opération était absolument nécessaire pour empêcher les Khmers rouges de se rallier à l’armée communiste nord-vietnamienne. Les dégâts causés par cette campagne de bombardements ont directement conduit à une guerre civile de huit ans entre le gouvernement cambodgien et les Khmers rouges. Cette guerre civile a provoqué la mort de plus de 300 000 morts et des millions de civils ont fui les campagnes pour se réfugier dans la capitale.

Tout ce qui bouge

Dans des transcriptions déclassifiées de conversations téléphoniques datant de 1970, Kissinger aurait parlé à Nixon de la situation au Cambodge avant de transmettre l’ordre suivant à son adjoint Alexander Haig :

« Il veut une campagne de bombardement massif au Cambodge… C’est un ordre, il faut le faire. Tout ce qui vole, sur tout ce qui bouge. Vous avez compris ? »

Bien des années plus tard, à l’âge de 90 ans, et malgré les preuves accablantes, Kissinger affirmait encore que les bombardements aériens américains de l’opération Menu avaient eu lieu dans des régions du Cambodge qui « n’étaient essentiellement pas peuplées ».

Plus tard, il a également été découvert que Kissinger aurait volontairement saboté les pourparlers de paix entre les États-Unis et le Vietnam alors qu’il conseillait l’administration de Lyndon B. Johnson ces pourparlers à Paris en 1968.

Kissinger a malgré tout reçu le prix Nobel de la paix en 1973 pour avoir négocié la fin de la guerre, ce que beaucoup ont qualifié de grotesque, scandaleux ou indécent au regard des conséquences désastreuses de sa politique ultra-interventionniste et conduite dans le plus grand mépris de la vie de populations innocentes.

Selon des experts, dont l’historien Greg Grandin, de l’université de Yale, auteur de Kissinger’s Shadow, l’architecte des efforts américains pour contenir l’Union soviétique pendant la guerre froide a privilégié l’idéologie sur la morale et a été responsable de la mort de trois à quatre millions de personnes entre 1969 et 1976.

Dans son livre The Trial of Henry Kissinger (2001), le légendaire auteur britannique Christopher Hitchens a méthodiquement exposé les raisons pour lesquelles le « grand homme d’État américain » devrait être poursuivi pour conspiration en vue de commettre des meurtres, des enlèvements et des actes de torture.

Hommages

Malgré ce bilan très lourd en vies humaines, et qui s’étend bien au-delà du Cambodge et du Vietnam, Kissinger est resté jusqu’à sa mort une figure respectée, voire vénérée dans les cercles de politique étrangère des États-Unis.

Les politiques américains ont lancé de vibrants hommages au diplomate. Le président Joe Biden a déclaré : « Je n’oublierai jamais la première fois que j’ai rencontré M. Kissinger. J’étais un jeune sénateur et il était secrétaire d’État - il faisait un exposé sur l’état du monde. Tout au long de notre carrière, nous avons souvent été en désaccord. Et souvent avec force. Mais dès ce premier briefing, son intelligence féroce et sa profonde orientation stratégique étaient évidentes. Longtemps après sa retraite du gouvernement, il a continué à offrir ses points de vue et ses idées dans les discussions politiques les plus importantes à travers plusieurs générations. Jill et moi adressons nos condoléances à sa femme Nancy, à ses enfants Elizabeth et David, à ses petits-enfants et à tous ceux qui l’aimaient ».

L’ancien président George W. Bush a déclaré : « L’Amérique a perdu l’une des voix les plus fiables et les plus originales en matière d’affaires étrangères avec le décès d’Henry Kissinger. J’admire depuis longtemps cet homme qui a fui les nazis alors qu’il était un jeune garçon issu d’une famille juive, puis qui les a combattus dans l’armée américaine ».

« Lorsqu’il est devenu secrétaire d’État, sa nomination en tant qu’ancien réfugié en disait autant sur sa grandeur que sur celle de l’Amérique. Il a travaillé dans les administrations de deux présidents et en a conseillé beaucoup d’autres. Je lui suis reconnaissant de ses services et de ses conseils, mais je lui suis surtout reconnaissant de son amitié. »

« Laura et moi regretterons sa sagesse, son charme et son humour. Et nous serons toujours reconnaissants de la contribution d’Henry Kissinger ».

Tout est dit.

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