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Boycott des produits thaïlandais au Cambodge : Premières conséquences

La colère a enflé comme une vague sur les réseaux sociaux cambodgiens. Le cri s’est répandu comme une traînée de poudre : #BoycottThaiProducts. Mais derrière cette ferveur apparente, quelles sont les véritables répercussions économiques et sociales, quelques jours après l’appel ? Un tableau nuancé, loin des certitudes affichées en ligne.

La colère a enflé comme une vague sur les réseaux sociaux cambodgiens. Le cri s’est répandu comme une traînée de poudre : #BoycottThaiProducts. Mais derrière cette ferveur apparente, quelles sont les véritables répercussions économiques et sociales, quelques jours après l’appel ? Un tableau nuancé, loin des certitudes affichées en ligne.

Une Tempête dans un Verre d'Eau Économique ?

Les chiffres officiels, analysés par le CCPS, rappellent une réalité cruciale. La Thaïlande est certes un fournisseur important (environ 12% des importations totales du Cambodge), mais loin d’être vital dans la plupart des secteurs.

Les produits thaïlandais visés (boissons, cosmétiques, produits laitiers, snacks) représentent une fraction de ces importations. Le Cambodge importe massivement de Thaïlande des biens plus stratégiques et difficiles à remplacer à court terme : carburants, matières premières pour l’industrie (notamment textile), pièces détachées automobiles, et produits chimiques agricoles. Ces secteurs-là ne sont pas l’objet du boycott.

Premières victimes : Les petits commerçants cambodgiens

La véritable douleur se ressent dans les épiceries locales et les supermarchés de quartier. "J’ai des rayons entiers de produits Thai qui ne se vendent plus", se lamente Srey Mom, gérante d’une épicerie à Phnom Penh, dans le Khmer Times. "Je les ai payés, maintenant ils prennent la poussière. C’est mon argent qui est bloqué." Des images de produits thaïlandais isolés ou bradés circulent sur les groupes Facebook de commerçants, illustrant ce gâchis immédiat. L’Association des Distributeurs Cambodgiens a exprimé en coulisses ses inquiétudes sur les pertes d’exploitation et le gaspillage des stocks.

Effet boomerang ?

Des experts économiques soulignent le risque d’un retour de bâton. La Thaïlande est aussi un marché d’exportation majeur pour le Cambodge, notamment pour les produits agricoles (maïs, manioc, fruits) et les textiles. Une escalade ou une réponse thaïlandaise ciblée pourrait pénaliser ces secteurs clés de l’économie cambodgienne et les travailleurs qui en dépendent. La Chambre de Commerce appelle prudemment au calme et au dialogue.

Patriotisme, performativité et fractures

Réseaux sociaux

Le boycott trouve son épicentre dans le monde numérique. Les posts se multiplient : vidéos de consommateurs jetant des produits thaïlandais à la poubelle, listes de marques à éviter, appels virulents à la résistance économique.

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Cette activité intense crée une impression de mouvement massif. Cependant, comme le note un observateur des médias cité par VOD English, il s’agit souvent d’un "activisme de clic" ou d’une démonstration performative, concentrée dans une frange urbaine et connectée de la population. L’impact réel sur les habitudes de consommation profondes reste difficile à quantifier à grande échelle.

Un ciment national temporaire... et ses limites

Dans l’immédiat, le boycott sert de catalyseur à un sentiment nationaliste partagé. Il offre un exutoire à la frustration liée au contentieux frontalier et permet de réaffirmer une identité cambodgienne face au voisin historique souvent perçu comme dominant. Les médias proches du pouvoir relayent cette ferveur patriotique. Cependant, cette unité est fragile. Elle risque de s’émousser rapidement une fois l’émotion retombée, sans résolution concrète du différend sous-jacent.

La fracture socio-économique

Le mouvement révèle une fracture. L’élite et la classe moyenne urbaines, qui consomment davantage de produits importés de luxe ou de marque thaïlandais, sont les plus visibles dans le boycott. Cependant, pour une grande partie de la population rurale ou moins aisée, les alternatives locales aux produits thaïlandais d’usage courant (certains aliments transformés, produits ménagers bas de gamme) sont soit inexistantes, soit trop chères. Leur capacité et leur volonté de participer durablement au boycott sont beaucoup plus limitées, créant une dissonance entre la rhétorique en ligne et la réalité du terrain.

Une passe d'armes aux conséquences incertaines

À ce stade, les conséquences économiques tangibles du boycott des produits thaïlandais au Cambodge apparaissent davantage comme une péripétie localisée et douloureuse pour les commerçants de détail que comme une arme économique décisive contre la Thaïlande.

Le véritable coût est social et symbolique : il se niche dans les pertes des petits entrepreneurs locaux, dans la performativité parfois vaine des réseaux sociaux, et dans les fractures que ce mouvement patriotique révèle plus qu’il ne les comble.

L’appel au boycott fonctionne comme un exutoire émotionnel puissant, un ciment national temporaire dans le creuset du ressentiment historique. Mais son efficacité réelle à infliger des dégâts significatifs à l’économie thaïlandaise semble un mirage. Sa durabilité est incertaine, tributaire de la persistance de la colère en ligne face à la dure logique des besoins quotidiens et des réalités économiques interconnectées des deux royaumes.

Le contentieux du Preah Vihear, lui, demeure, bien plus profond et complexe qu’un rayon de supermarché vidé sous les applaudissements des réseaux sociaux. L’économie cambodgienne, quant à elle, retient son souffle, espérant que cette tempête ne se transforme pas en un conflit commercial aux conséquences bien plus graves.


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