Élégie pour Citta Uong : Une voix cinématographique du Cambodge s’est éteinte

Le monde du cinéma cambodgien pleure la perte de Citta Uong (également connue sous le nom d’Uong Kanthouk), cinéaste pionnière dont l’œuvre captivante et profonde a marqué l’âge d’or du cinéma cambodgien des années 1960-1970.

Citta Uong s’est distinguée parmi les premiers réalisateurs cambodgiens, et particulièrement parmi les femmes dans un milieu majoritairement masculin, comme une figure qui osait explorer avec audace les émotions humaines complexes. Son parcours artistique illustre une volonté de représenter la réalité cambodgienne, au-delà des habituels scénarios fantaisistes dominants l’industrie nationale.

Parmi ses films majeurs, Thavary Meas Bong (1969) reste une œuvre phare, un drame romantique d’une richesse psychologique rare où les obsessions et les amours non partagés de ses personnages plongent le spectateur au cœur des dilemmes intimes de l’Homme. Ce long métrage, qui se déroule dans Phnom Penh contemporain, illustre avec finesse les contradictions et les tensions entre héritage social et émotions profondes, avec un casting d’exception comprenant Som Van Soudany, Kong Som Oeun et Vichara Dany.

Uong a également marqué les esprits avec Mouy Meun Alay, un film marquant qui va plus loin dans la narration en traitant du traumatisme engendré par la guerre. Alors que l’industrie préférait les contes de mondes magiques et fictifs, elle a choisi de montrer l’impact du conflit sur l’individu, passant ainsi un message fort et profondément humain, reflet fidèle de l’histoire cambodgienne de cette époque.

Son œuvre ultime, Pel Del Trov Youm (1972), est une véritable déclaration d’amour au cinéma lui-même, ainsi qu’à sa muse et égérie, l’actrice Vichara Dany. Ce film se distingue par sa narration méta-cinématographique, qui explore la frontière floue entre vie personnelle et vie professionnelle au cœur même de l’industrie du cinéma cambodgien, avec des thématiques d’amour tragique et de lutte contre la corruption et le népotisme. Cette œuvre reste un témoignage poignant de son engagement cinématographique et de sa sensibilité artistique.

Son travail a fait l’objet d’un regain d’attention grâce aux recherches et interventions de la sociologue Dr. LinDa Saphan, qui a notamment présenté des analyses approfondies de ses films dans des séminaires et publications comme Faded Reels: The Art of Four Cambodian Filmmakers, 1960-1975.

Cette œuvre permet de redécouvrir la richesse de la production cinématographique cambodgienne d’avant la tragédie des années 70, valorisant enfin la contribution essentielle de Citta Uong parmi les grands réalisateurs de cette époque d’or.

La disparition de Citta Uong représente la perte d’une héritière cruciale du cinéma cambodgien qui, avec sensibilité et courage, a habilement mêlé les questionnements personnels aux grandes turbulences historiques de son pays.

Son regard passionné sur les relations humaines, couplé à une maîtrise artistique certaine, continueront à inspirer les nouvelles générations de cinéastes et d’amateurs d’art visuel.

Puissent ses films continuer à vivre et éclairer la mémoire culturelle du Cambodge, tout en rappelant l’importance vitale de préserver et de valoriser le patrimoine cinématographique national.

Filmographie principale de Citta Uong :

• Thavary Meas Bong (1969)

• Mouy Meun Alay

• Pel Del Trov Youm (1972)

Cet hommage a été rédigé à partir d’informations de sources variées et fiables, notamment les analyses et recherches de la spécialiste LinDa Saphan, des archives et présentations cinématographiques, ainsi que des documents issus de festivals et webinaires spécialisés sur le cinéma cambodgien.