top of page
Ancre 1

Ultranationalisme en Thaïlande : Origines, montées et violences contre les travailleurs migrants cambodgiens

L’ultranationalisme en Thaïlande trouve ses racines dans une conception exclusive de l’« identité thaïe », promue de façon continue depuis le XXe siècle par l’État et certaines élites. Cette idéologie s’incarne dans la promotion d’une nation unifiée autour de la royauté, du bouddhisme et de la langue thaïe, excluant les minorités ethniques et les migrants.

Des travailleurs migrants bloqués au poste-frontière international de Poipet, dans la province de Banteay Meanchey. Photo : Administration municipale de Poipet
Des travailleurs migrants bloqués au poste-frontière international de Poipet, dans la province de Banteay Meanchey. Photo : Administration municipale de Poipet

Depuis les années 2000, le gouvernement a relancé des campagnes officielles de « Thai Niyom » (Thaïisme), insistant sur une vision de la Thaïlande comme rempart d’une identité sans mélange et s’engageant à « régénérer le patriotisme » via des films d’État et des programmes éducatifs centrés sur la supériorité nationale.

Des mouvements de masse, tels que les « Yellow Shirts » ultra-royalistes, mais aussi une nouvelle vague de nationalisme en ligne portée par la jeunesse, alimentent des formes diverses d’ultranationalisme.

Cela va parfois jusqu’à des rivalités culturelles virulentes avec les pays voisins – et en particulier le Cambodge, autour de questions territoriales, patrimoniales ou économiques.

Xénophobie et violence structurelle : l’exemple des travailleurs cambodgiens

Dans ce contexte, les travailleurs migrants cambodgiens en Thaïlande, qui seraient près d’un million selon les estimations, se retrouvent en ligne de mire. Utilisés principalement dans des secteurs peu régulés — agriculture, pêche, textile, services — ils subissent de multiples formes de discriminations structurelles et de violences : confiscation de papiers, chantage de la police, exploitation salariale, accès difficile aux droits sociaux, intimidations, passage à tabac, voire meurtres dans certains cas extrêmes.

D’après une enquête de Winrock International menée en partenariat avec l’USAID en 2022, près de 40% des travailleurs migrants cambodgiens présentaient des signes d’exploitation ou de traite, dont 1,3% ayant vécu une violence physique ou sexuelle directe, 18% sous menace, 27% ayant subi des pratiques abusives, et jusqu’à 23% privés partiellement de liberté.

Ces réalités sont aggravées par l’absence d’intégration sociale et juridique : les migrants restent dans une « précarité permanente », sans perspective de citoyenneté ou d’intégration socio-économique.

Exacerbation depuis 2025 : nationalisme, conflit frontalier et flambées de violence

Le conflit frontalier au nord-ouest du Cambodge, initié par un regain de tensions militaires, a servi de catalyseur à une nouvelle montée de la xénophobie en Thaïlande. De nombreuses vidéos viralent sur les réseaux sociaux où l’on voit des groupes extrémistes thaïs humilier, agresser et battre des travailleurs cambodgiens sur leur lieu de travail ou dans la rue. Dans certains cas, des groupes détruisent des symboles cambodgiens ou harcèlent des migrants au quotidien en raison de leur nationalité présumée.

En réaction, le ministère cambodgien du Travail a appelé ses ressortissants à quitter la Thaïlande, dénombrant près de 400,000 retours en seulement cinq jours fin juillet 2025. Les autorités cambodgiennes, relayant des témoignages et des vidéos, ont saisi la communauté internationale et appelé les marques suscitant en Thaïlande à agir face à la montée des actes haineux et à garantir la sécurité des travailleurs migrants. L’armée cambodgienne a aussi mis en garde contre les dérives de l’ultranationalisme des deux côtés de la frontière.

Dimension systémique : impunité, négation officielle et mobilisation internationale

Face à ces exactions, les autorités thaïlandaises minimisent ou nient les faits, tout en assurant que des mesures de contrôle sont prises. Cependant, des ONG, l’OIT, et les autorités cambodgiennes soulignent la sous-déclaration, la peur des représailles, et l’absence de mécanismes effectifs de plainte ou de protection pour les migrants.

De nombreux experts dénoncent l’instrumentalisation du nationalisme par les élites thaïlandaises, tout en appelant à une réforme des systèmes d’accueil, plus inclusifs, et à une sanction effective des violences racistes. Enfin, la société civile cambodgienne, notamment la CUMW, s’organise pour accompagner les travailleurs et exposer les abus à l’opinion internationale.

L’ultranationalisme thaïlandais, mâtiné de xénophobie, reste un facteur de fractures sociales et de violence dans la région, faisant des travailleurs migrants cambodgiens les victimes collatérales d’une idéologie d’exclusion et de peur.

Si les migrations sont vitales aux économies thaïlandaise et cambodgienne, seule une prise de conscience régionale et internationale, alliée à une action politique ferme, permettra de protéger durablement les droits et la dignité de ces travailleurs vulnérables.

  • Télégramme
  • Youtube
  • Instagram
  • Facebook Social Icône
  • X
  • LinkedIn Social Icône
bottom of page