Khieu Sina possède et exploite la boutique en ligne nommée Somros Tombanh, qui vend des articles en soie fabriqués dans le district de Prey Kabbas, province de Takeo.
Après avoir obtenu son diplôme universitaire et commencé une carrière de fonctionnaire au ministère de l’Économie et des Finances, Khieu Sina, 23 ans, a trouvé le temps de créer une entreprise plus proche de sa véritable passion : l’artisanat cambodgien de qualité.
Sa ligne de produits, connue sous le nom de Banteay Srei, est actuellement considérée comme l’une des marques les plus luxueuses du Cambodge. Sa boutique se concentre sur la vente de produits tissés de luxe. Elle vise à promouvoir la soie khmère tissée à la main à trouver de nouveaux débouchés pour cette filière, tout en offrant des possibilités d’emploi aux vieux tisserands. Selon Sina, le district de Prey Kabbas, dans la province de Takeo, est réputé pour la qualité de son tissage :
« Je me suis rendue dans le district de Prey Kabbas où j’ai rencontré de nombreux tisserands. Après plusieurs discussions, j’ai réalisé qu’ils produisaient le genre de belles choses que je voulais commercialiser. »
Sina publie souvent des images de ses produits sur les médias sociaux, et ses superbes articles ont reçu beaucoup d’attention de la part du public. Elle confie que beaucoup de ses clients commandent des modèles personnalisés, bien qu’elle stocke également les créations originales de ses tisserands..
Sa clientèle va des salons de beauté — qui achètent souvent ses produits pour les fêtes de mariage — aux clients ordinaires, en passant par des personnalités cambodgiennes.
« Je pense que si tant de clients me commandent, c’est grâce à mon excellente présence en ligne. Je mets régulièrement à jour mon profil avec des images de bonne qualité », dit-elle.
En plus de son activité de vente au détail, elle fait également office de courtière pour nombre de ses tisserands, en vendant leurs produits à des grossistes. Sina précise que son marketing en ligne est actuellement centré sur les clients locaux, mais qu’elle souhaiterait attirer davantage de clients de l’étranger.
« À l’avenir, j’envisage d’introduire le tissu khmer tissé à la main à l’étranger, presque comme une forme de diplomatie économique. Lorsque les femmes du monde entier verront sa qualité, je suis sûre qu’il deviendra populaire », clame-t-elle.
Par le passé, ces produits en soie fine étaient réputés pour être difficiles à nettoyer, car les teintures s’effaçaient au lavage. Ce n’est plus un problème, car le processus de coloration n’utilise que des produits de qualité. Elle explique également que les ventes ont été lentes au début :
« Au cours du premier mois qui a suivi le lancement de mon entreprise, je vendais environ 50 ensembles par mois, soit à peu près la moitié du volume d’affaires que je réalise à présent ».
Bien que son entrée sur le marché soit due à sa passion pour la soie khmère, elle admet qu’au départ, elle en savait très peu sur le processus de tissage proprement dit :
« J’ai commencé à en apprendre davantage lorsque j’ai commencé à les commercialiser. Auparavant, je ne comprenais même pas quelle était la différence entre un cadre de tissage à quatre et douze arbres ! »
« La soie tissée est traditionnellement plus chère que n’importe quelle matière. Autrefois, si une femme portait une robe en soie, il était certain qu’elle était riche. Aujourd’hui, il existe de nombreux produits en soie importés et bon marché », explique-t-elle.
Pour la jeune femme, de nombreux consommateurs ne sont pas conscients de la différence entre les produits cambodgiens faits à la main et les articles moins chers fabriqués en usine à l’étranger.
« À première vue, certaines personnes sont séduites par la texture lisse et uniforme des produits fabriqués à la machine, mais ils n’ont certainement pas le caractère unique de ceux fabriqués à la main de manière traditionnelle », précise-t-elle.
Selon Sina, un ensemble jupe et chemisier importé peut coûter entre 20 et 100 dollars, alors que les articles faits à la main commencent aux alentours de 100 dollars et peuvent atteindre 300 dollars pour les modèles personnalisés. En raison de cet écart de prix, la demande de soies traditionnelles a diminué. En conséquence, de nombreux tisserands se sont éloignés de leurs métiers à tisser pour travailler dans des usines de confection.
Prum Chanthou, 34 ans, tisserande de troisième génération dans le village de Pei, près du district de Prey Kabbas, fournit l’entreprise de Sina.
Cette Cambodgienne, qui a cinq frères et sœurs, tous tisserands, avance que si elle travaille seule, il lui faut jusqu’à un mois pour achever chaque étape du processus, c’est-à-dire le tissage, la teinture, le séchage, etc. Si elle travaille avec d’autres personnes, elle peut terminer une blouse — avec la jupe correspondante — en une semaine.
« À l’avenir, il se peut qu’il n’y ait plus personne pour tisser. Les jeunes vont à l’école, et il n’y a que les personnes âgées qui restent à la maison avec les métiers à tisser pendant la journée. Le travail est difficile et nous ne gagnons que 50 000 à 60 000 riels par mois, alors les ouvriers d’usine gagnent plus », confie-t-elle.
Chanthou ajoute que le nombre de tisserands vivant dans sa région est en déclin, en grande partie à cause de l’abondance des importations bon marché. Elle demande que les institutions gouvernementales aident à promouvoir les produits nationaux en réduisant les importations de l’étranger.
Oum Saroeun, directeur du bureau culturel de l’administration du district de Prey Kabbas, admet les raisons de ce déclin.
« Le prix du marché pour les produits faits à la main est bas, et c’est pourquoi de nombreux Cambodgiens travaillent désormais dans les usines de confection. Aujourd’hui, seules les personnes âgées continuent à tisser. Ils restent à la maison pour s’occuper de leurs petits-enfants et font un peu de tissage », explique-t-il, ajoutant qu’à l’époque où il y avait peu d’usines dans le district, il y avait environ 5 000 métiers à tisser en activité.
Aujourd’hui, il estime que moins de 3 000 sont en service. Il pense que les produits cambodgiens sont moins attrayants pour les consommateurs que les articles moins chers produits en masse :
« Dans le passé, la Thaïlande a engagé nos meilleurs tisserands pour former les gens dans leur pays. Maintenant, ils ont industrialisé nos dessins et les produisent sur des machines. »
Sina encourage ainsi les Cambodgiens à soutenir les produits en soie tissés à la main dans le royaume, ainsi que les tisserands qui travaillent dur pour perpétuer cette ancienne tradition.
« Lorsque les clients comprendront qu’ils n’achètent pas seulement des vêtements, mais des pièces qui représentent l’héritage culturel de ce que signifie être Khmer, je pense qu’ils seront prêts à payer les prix que nous demandons », conclut-elle.
Hong Raksmey avec notre partenaire The Phnom Penh Post
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