Photo Phnom Penh 2025 : Quand la Mémoire Croise la Création Contemporaine
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La capitale cambodgienne au rythme de la photographie
Du 19 novembre au 19 décembre 2025, Phnom Penh se métamorphose. Entre ruelles vibrantes et sites patrimoniaux, la ville vibre au son des déclencheurs et se couvre de regards pluriels, portés par la 16e édition d’un festival désormais incontournable en Asie du Sud-Est.
Né en 2008 à l’initiative du Centre culturel français – aujourd’hui Institut français du Cambodge –, Photo Phnom Penh s’impose comme une véritable plateforme de dialogue entre l’Europe et l’Asie, un espace d’innovation où se côtoient artistes émergents, photographes confirmés et public curieux.
"L’image ouvre ici la porte non seulement à la mémoire mais aussi à l'action et au rêve", explique Christian Caujolle, co-fondateur du festival. Car cette édition, fidèle à l’esprit d’échange et de découverte, se déploie sous le signe du passage : entre générations, entre territoires, entre mémoire et avenir.
Un programme à la croisée des mondes
Festivals, tables rondes, expositions, projections, ateliers, lectures de portfolios et performances animent pendant un mois les lieux emblématiques de la ville : le Musée National, le Centre Bophana, l’ambassade de France, la Maison de la Photographie, la galerie SraArt, ou encore la célèbre maison Vann Molyvann.
L’événement encourage la circulation décomplexée des idées et des personnes, rassemblant une centaine de photographes venus du Cambodge, du Vietnam, de France, de Suisse et d’ailleurs.
Dès l’ouverture, le public est invité à participer activement grâce au projet « Photo is your memory » qui propose de scanner, restaurer et imprimer gratuitement des photographies de famille collectées dans les villages, offrant ainsi une passerelle entre histoire individuelle et mémoire collective.
Hommage à Micheline Dullin : Phnom Penh des années 1960
L’un des sommets de cette édition réside dans la présentation exceptionnelle du travail de Micheline Dullin, photographe officielle du roi Norodom Sihanouk entre 1958 et 1964, qui immortalisa l’élan moderniste d’une capitale en mutation. Ses photographies, exposées au Musée National pour la première fois, révèlent le Phnom Penh des grands chantiers – Stade olympique de Vann Molyvann, pont japonais – mais aussi celui de l’intime, des visages saisis dans la rue, des scènes rurales baignées d’un noir et blanc sensuel.

Dullin, rare femme photographe de cette époque, s’attache, avec une tendresse rare, à restituer la présence humaine, qu'elle documente ou qu'elle surprend, offrant un témoignage unique sur la transformation urbaine et l’esprit d’une nation en quête de modernité.
Entre tragédie et renaissance : la mémoire vivante à l’épreuve du temps
2025 marque également le 50e anniversaire de la prise de Phnom Penh par les Khmers rouges. La photographie se fait alors instrument fondamental de mémoire et de transmission. Une soirée spéciale de projections réunit les œuvres bouleversantes de Roland Neveu, unique photographe occidental à avoir documenté la chute de la capitale, Philip Blenkinsop, chroniqueur du Cambodge de l’après-guerre, Yukari Chikura et Sylvie Lget, tous questionnant, chacun à leur manière, la notion d’archive, de preuve, de réparation.

Kim Hak, né à Battambang peu de temps après la chute du régime, expose au Centre Bophana « Alive », un travail de mémoire exceptionnel : chaque photographie met en scène un objet du quotidien, chargé de l’histoire familiale et nationale, sauvés de l’exil, transmis ou enfouis, porteurs de douleur, de rédemption et d’espoir. Ce projet, sensible et universel, vise à rendre justice à la parole des survivants et à inscrire le Cambodge contemporain dans la grande histoire des diasporas et des résiliences humaines.
Mythologies et Beautés : le regard poétique de Letizia Le Fur
Sur les murs de l’ambassade de France, les visiteurs découvrent « Mythologies », la fresque monumentale de Letizia Le Fur. Entre photographie retravaillée, peinture, et couleur réinventée, ses images invitent à pénétrer dans un univers sensible, où la nature, omniprésente, s’offre comme matière à rêver, à penser, à s’émouvoir.

Empruntant à l’iconographie antique et au mythe, Le Fur détourne la photographie de toute visée documentaire pour en faire un espace poétique, propice à la réflexion sur le présent et sur la quête de beauté comme forme de résistance aux épreuves du temps.
Écologie en alerte : Aletsch Negative de Laurence Bonvin
Toujours dans une veine où le contemporain dialogue avec l’actualité des enjeux, l’installation vidéo « Aletsch Negative » de Laurence Bonvin transporte le visiteur au cœur du plus grand glacier des Alpes, menacé de disparition.
Réalisée dans une économie de moyens mêlant film d’animation expérimental et enregistrements sonores bruts, l’œuvre s’aborde comme une méditation immersive sur le temps qui passe, la fragilité de la nature et l’urgence climatique qui caractérise notre époque.

Bonvin, photographe et cinéaste suisse reconnue, concentre sa pratique autour des territoires marginaux et en mutation et invite ici le public cambodgien à repenser, à l’aune de ses propres enjeux environnementaux, la relation entre l’homme et ses paysages, entre disparition et mémoire file:1.
Cambodge, fleuves et villages : dialogues engagés
L’exposition « Metis : à la découverte des liens entre l’humanité et l’océan », née de l’appel à projets de l’Agence française de développement, met à l’honneur les regards croisés de Khiev Kanel, Khun Vannak et Sovan Philong. Le trio s’est immergé dans le quotidien d’un village de pêcheurs isolé au sud, à la frontière thaïlandaise.

Leur démarche, nourrie d’ateliers avec les enfants, de créations et de restitutions sur place, explore l’attachement vital des habitants à la mer : l’océan comme horizon, source d’activités, enjeu de survie, miroir des fragilités humaines et écologiques.
Florent Meng Lechevallier, lauréat du programme « Route des Résidences », creuse la question de la personnalité juridique du Mékong, fleuve traversant six nations mais sans identité légale unifiée.

Ses photographies, oscillant entre documentaire et fiction, interrogent la façon dont sociétés, cultes, traditions et modernités cohabitent, parfois se heurtent, toujours s’entremêlent, sur les rives du grand fleuve.
Portraits d’un Cambodge contemporain
La Galerie SraArt propose, dans une exposition collective, un portrait foisonnant du Cambodge aujourd’hui, mêlant artistes locaux et internationaux. Temples, pagodes, savoir-faire artisanaux, villages et paysages composent une mosaïque de regards témoignant de la richesse du patrimoine culturel et spirituel national, mais aussi de ses transformations récentes. Les sculpteurs de lumière dialoguent avec la rue, la nature avec l’urbain, l’ordinaire avec le merveilleux.

La maison Vann Molyvann, joyau architectural des années 1960, se réinvente cette année en pôle d’innovation communautaire et artistique : café, espace d’archives, bibliothèque, scène d’événements autour de l’art et de la construction offrent un nouvel écrin à la transmission des savoirs architecturaux et à la vitalité créative de la jeunesse cambodgienne.
Ouverture sur l’international et renouveau régional
Pour la première fois, Photo Phnom Penh dialogue avec le festival Photo Hano du Vietnam. Les images de Thanh Hue, jeune photojournaliste engagée, installée aujourd’hui à Ho Chi Minh Ville, plongent le spectateur dans l’intimité du vieux Hanoï, ses ruelles, ses lacs, ses jeux d’enfants, ses signes de continuité et de transition dans l’espace public et privé.

Cette perspective croisée, où œuvre aussi la VII Academy, rappelle la dimension transnationale du projet artistique et de la photographie documentaire contemporaine.
Création, rencontre et transmission : la jeunesse à l’honneur
Le Studio Images, première école de photographie du Cambodge, n’a ouvert ses portes que récemment et déjà, ses élèves exposent dans le cadre du festival, affirmant un désir nouveau de professionnalisation, de prise de parole et de création locale.
Ateliers, lectures de portfolios, projections, concerts en plein air, workshops pour petits et grands, visites en tuk-tuk photoguidées… le festival s’inscrit dans la ville, la vie et l’avenir.
Photo Phnom Penh 2025 se donne ainsi pour ambition de tisser, à travers la photographie, une mémoire vivante, un dialogue fécond entre générations, territoires, styles, en rendant hommage à la richesse d’un passé et à l’énergie créative d’un présent résolument tourné vers demain. Que l’on soit amateur, connaisseur, simple curieux ou acteur du monde visuel, ce festival offre à tous le bonheur d’explorer et de partager, dans une capitale-caméra, mille et un visages du Cambodge et du monde.



