La Propriété Intellectuelle au Cambodge : Un enjeu stratégique pour l'innovation et le développement économique
- La Rédaction
- 25 sept.
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Le Cambodge fait face à un défi majeur : renforcer la protection de la propriété intellectuelle (PI) pour accompagner son développement. Mardi 16 septembre 2025, un événement décryptant ce concept s’est tenu à Phnom Penh.

Un contexte encourageant mais complexe
Le Cambodge connaît une croissance économique soutenue accompagnée d’un dynamisme entrepreneurial certain. L’innovation et la recherche se développent notamment dans les secteurs technologiques et industriels. Toutefois, la protection de la propriété intellectuelle y reste fragile. La législation cambodgienne en la matière, bien que conforme aux normes internationales telles que celles définies par l’Accord sur les Aspects des Droits de Propriété Intellectuelle qui touchent au Commerce (ADPIC) de l’OMC, peine à s’appliquer pleinement dans la pratique.
Selon les experts, la PI est encore un concept mal connu et sous-utilisé par la majorité des entreprises locales et même au sein de la communauté universitaire.
Cette situation est notamment due à des obstacles juridiques, économiques et sociaux. Le cadre légal existe, mais l’efficacité des mécanismes de protection – qu’il s’agisse de brevets, de marques ou de droits d’auteur – est limitée par un manque de sensibilisation, de ressources institutionnelles et d’applications rigoureuses.
La contrefaçon demeure un problème particulièrement présent en Asie du Sud-Est, y compris au Cambodge, impactant négativement la valorisation et la commercialisation des innovations nationales.
L’importance de la propriété intellectuelle pour le Cambodge
Lors de la conférence du 16 septembre, Charles Julliard, Directeur exécutif de la CCIFC, a souligné dans son discours d’ouverture que la PI devait être perçue comme un levier stratégique essentiel dans un contexte de mondialisation et de révolution technologique. L’innovation ne peut s’épanouir sans un système qui protège les créations et les inventions.
Le Professeur Nicolas Maïnetti, Directeur régional de l’AUF Asie-Pacifique, a également insisté sur le rôle de la PI dans la valorisation de la recherche et l’accompagnement des mutations économiques rapides. Il a rappelé que la création protégée stimule la compétitivité et encourage les investissements, des éléments indispensables au développement durable.
Une collaboration exemplaire pour sensibiliser et former
L’événement organisé par la CCIFC fut l’illustration d’une synergie entre institutions internationales et acteurs locaux fortement engagés. Outre la CCIFC, l’Agence Universitaire de la Francophonie (AUF), l’Institut National de la Propriété Industrielle (INPI France) et l’Alliance Francophone de la Propriété Intellectuelle (AFPI) ont participé activement à cet échange. Des intervenants experts tels que Fabrice Perrono, Nicolas Mainetti, Ang Pich, Yasmine Benkoula, Nith Nitikar, Vichet Ny et le Dr Djamel El Akra ont partagé analyses spécialisées et expériences pratiques sur les outils et stratégies de protection.
La conférence, qui s’est tenue aussi à l’Institut Français du Cambodge, a permis aux participants – plus d’une centaine d’étudiants, chercheurs et entrepreneurs – d’acquérir des connaissances pointues sur les mécanismes d’enregistrement, de défense des droits et de lutte contre la contrefaçon. Les bonnes pratiques, les erreurs à éviter et les réflexes à adopter pour sécuriser la valorisation des actifs immatériels ont ainsi été largement abordés.
Les défis persistants à relever
Malgré les cadres légaux, la mise en œuvre effective de la propriété intellectuelle au Cambodge fait face à plusieurs difficultés. Comme le montrent les études et les avis d’experts, la sensibilisation reste une étape clé. De nombreuses PME ne protègent pas leurs inventions, et l’accès à une justice spécialisée est encore limité. En outre, la régulation et la surveillance du marché sont insuffisantes pour freiner la contrefaçon, source majeure de préjudice pour les innovateurs.
Le renforcement des capacités des institutions, la formation des acteurs économiques et le développement d’un écosystème favorable à la recherche et à l’innovation apparaissent indispensables. L’OMPI (Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle) et d’autres partenaires régionaux appuient le Cambodge dans cette voie, notamment par des plans d’action et des programmes de formation destinés aux micro, petites et moyennes entreprises (MPME) et aux créateurs.
Enjeu fondamental
La conférence du 16 septembre 2025 à Phnom Penh a mis en lumière un enjeu fondamental pour l’avenir économique du Cambodge. La propriété intellectuelle, souvent perçue comme un concept distant, est au contraire un puissant levier d’innovation, de compétitivité et de croissance. Si les défis sont encore nombreux, l’engagement des acteurs institutionnels et privés associés à une meilleure sensibilisation permettent d’entrevoir une évolution positive. Pour que le Cambodge puisse pleinement tirer parti de son potentiel créatif, la protection des droits de propriété intellectuelle doit devenir une priorité nationale, soutenue par des actions concrètes et un dialogue international renforcé.
La propriété intellectuelle désigne l'ensemble des droits exclusifs accordés sur les créations de l'esprit : œuvres littéraires et artistiques, inventions, marques, dessins industriels, etc. Elle vise à protéger les auteurs, inventeurs et créateurs en leur assurant un droit d'exploitation exclusif sur leurs créations, encourageant ainsi l'innovation et la créativité.
En savoir plus
Au Cambodge, la propriété intellectuelle est régie par plusieurs textes législatifs principaux qui ont été mis en place pour se conformer aux obligations internationales, notamment celles de l'OMC et de l'OMPI :
La "Loi sur le droit d'auteur et droits connexes" adoptée en 2003, qui protège les œuvres littéraires, artistiques et les droits voisins, avec des dispositions précises sur la durée des droits et les modalités de protection.
La "Loi sur les marques commerciales, les noms commerciaux et les pratiques de concurrence déloyale" de 2002, qui encadre l'enregistrement et la protection des marques au Cambodge.
La législation sur les brevets, modèles d'utilité, dessins et modèles industriels, notamment les modifications législatives récentes (ex. loi de 2017).
Le Cambodge applique aussi le principe du droit de priorité conformément à la Convention de Paris, permettant de demander la protection dans plusieurs pays sur la base d’une première demande.
Des mécanismes de protection et d'application de ces droits, ainsi que des procédures de règlement des litiges (ex. arbitrage, médiation) existent, mais la mise en œuvre pratique reste encore en développement au Cambodge.
Ces lois visent à protéger les droits des titulaires de propriété intellectuelle, tout en s'intégrant dans le cadre juridique international, afin d'encourager le développement économique et culturel du pays dans un contexte de mondialisation.
Protection d’une œuvre artistique
La protection des œuvres artistiques au Cambodge se fait principalement par le droit d’auteur, couvert par la Loi sur le droit d’auteur de 2003. Cette loi accorde au créateur des droits exclusifs sur son œuvre sans formalité obligatoire d’enregistrement, mais un dépôt auprès du Département des Droits de la Propriété Intellectuelle (DIPR) est possible pour renforcer la preuve de la titularité. Le Cambodge est également adhérent à la Convention de Berne, qui protège les œuvres littéraires et artistiques selon des normes internationales.
Protection d’une invention
Pour protéger une invention au Cambodge, il faut déposer une demande de brevet auprès du Département de la Propriété Industrielle du Ministère de l’Industrie et de l’Artisanat. Le dépôt est obligatoire pour obtenir un brevet, qui confère le droit exclusif d'exploiter l'invention pour une durée de 20 ans à partir de la date de dépôt. Le processus d’enregistrement prend généralement 4 à 5 ans. Il existe aussi des protections pour les modèles d’utilité (7 ans) et les dessins industriels (5 ans, renouvelables).
Procédures et administration
Le dépôt des marques, brevets, dessins industriels, et œuvres peut être fait via un système électronique récent, rendant les démarches plus accessibles. La protection juridique permet d’agir contre la contrefaçon et d’exercer des droits exclusifs d’exploitation. Des mécanismes alternatifs tels que la médiation et l’arbitrage existent aussi pour régler les litiges.
En résumé, protéger une œuvre ou une invention au Cambodge passe par l’enregistrement auprès des autorités compétentes (DIPR et Ministère de l’Industrie) selon le type de propriété intellectuelle, avec un cadre légal aligné aux normes internationales pour garantir les droits du créateur ou inventeur.
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