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Histoire & Hommage : Ballet royal, Le Temps des Découvertes

En amont de l’exposition « Le voyage du roi Sisowath : une découverte réciproque », dont l’inauguration est prévue au début du mois d’octobre au Musée SOSORO, l’Institut français du Cambodge et le Musée SOSORO proposent une conférence du professeur Olivier de Bernon sur le récit qu’à fait de ce voyage l’Oknha Veang Thiounn, ministre du Palais du Roi Sisowath. L'occasion de revenir sur la fabuleuse histoire du Ballet.

Bas-reliefs d'Angkor Wat
Bas-reliefs d'Angkor Wat

Tradition millénaire

« Le Ballet royal est l’héritier d’une tradition qui remonte à plus de mille ans. Étroitement lié à la cour royale, il a subi tous les contrecoups de l’histoire mouvementée du Cambodge et a bien souvent failli disparaître. Il a toujours fini par renaître de ses cendres. À la fois parce que ses souverains, s’ils ont souvent dû abandonner leur capitale, ne se sont jamais séparés de leurs danseuses, et parce qu’il s’est toujours trouvé de jeunes filles désireuses de se faire danseuses et de servir leur roi ».

Au début des temps

Le Royaume du Cambodge, un pays qui évoque tant de souvenirs et tant d’émotions. Pour les Occidentaux, il évoque parfois la fascination de l’Asie, la nostalgie de l’Indochine ou parfois la grande douleur de ses récentes tragédies.

Pour le peuple khmer, le Royaume du Cambodge, c’est aussi l’époque des grands rois, des grandes aventures et des danseuses célestes que nous racontent les vestiges des temples de la cité d’Angkor. La légende raconte qu’au début des temps, les dieux et les démons s’affrontaient pour dominer le monde.

Bas-reliefs d'Angkor Wat

Les dieux demandèrent l’assistance de Vishnou qui proposa aux rivaux d’unir leurs forces afin d’extraire l’amrita, le nectar d’immortalité de la mer de lait. Dieux et démons devaient alors jeter des herbes magiques dans la mer, renverser le mont Mandara de façon à poser son sommet sur la carapace de la tortue Akûpâra, un avatar de Vishnou. Ils devaient utiliser le serpent Vâsuki, le roi des Nâga pour remuer la mer de lait.

« Après mille ans d’effort, le barattage produisit alors un certain nombre d’objets extraordinaires et d’êtres merveilleux tels l’arbre du paradis, l’éléphant blanc, et surtout les apsaras ou nymphes célestes »

Cette légende est représentée sur les gravures et les bas-reliefs des temples de la cité d’Angkor. Ce serait le roi Jayavarman II, le fondateur de la monarchie angkorienne, qui aurait pris l’habitude de s’entourer de danseuses délicatement vêtues et exécutant des chorégraphies inspirées des légendes anciennes du Reamker, la version cambodgienne du Ramayana, le livre de la création.

C’est ainsi que serait né le ballet royal khmer, la plus ancienne forme d’art vivant encore dansée de nos jours.

Comprendre les temples de la cité d’Angkor

Danse absolument unique et caractérisée par la lenteur et la grâce de ses gestes, le ballet royal est un art difficile qui obéit à un certain nombre de règles strictes et incontournables. Il y a un vocabulaire de cette danse, chaque geste a sa signification. Mais pour comprendre le ballet royal et ses danseuses mythiques, il faut comprendre les temples de la cité d’Angkor.

La cité des temples compte plus d’une centaine de monuments. Alors qu’en Europe les rois bâtissaient des cathédrales, les Khmers construisaient au même moment une des plus étonnantes capitales de l’humanité : l’extraordinaire cité d’Angkor.

Angkor par Henri Mouhot
Angkor par Henri Mouhot

Le roi Javayarman et ses successeurs bâtiront des citadelles en hommage aux dieux. Se sentant alors tout puissants, ils négligeront d’édifier des fortifications pour protéger la cité. Quelques envahisseurs tenteront d’en profiter et les siècles de grandeur seront parfois assombris par les tentatives d’invasion. Mais à chaque fois, Angkor est reconstruite, toujours plus belle, toujours plus grande. Il faut alors imaginer à l’époque, autour des temples, une véritable fourmilière humaine, un roi tout puissant et sa cour gracieusement distraite par ces danseuses célestes appelées Apsaras.

Découverte

Les Occidentaux auraient visité la cité des temples depuis le 16e siècle. Les Portugais Do Couto et Antonio de Magdalena produisirent les premiers écrits de leurs visites en 1586. Ce n’est que vers 1850 que l’on retrouve des traces de visites d’Occidentaux à Angkor Wat.

Henri Mouhot
Henri Mouhot

C’est pourtant le naturaliste français Henri Mouhot qui fit découvrir au monde entier la cité d’Angkor par ses dessins et ses écrits. Fin 1859, Mouhot part à la découverte du Cambodge. Il y rencontre l’abbé Sylvestre, qui évoque des ruines enfouies dans la forêt. Intrigué par les descriptions du missionnaire, le naturaliste part en sa compagnie à leur recherche. Lorsqu’il atteint le site d’Angkor, en janvier 1860, il connaît le choc de sa vie.

Henri Mouhot raconte alors :

« À la vue de ces temples, l’esprit se sent écrasé, l’imagination surpassée ; on regarde, on admire, et, saisi de respect, on reste silencieux ; car où trouver des paroles pour louer une œuvre architecturale aussi unique… on peut évaluer à plus de deux mille ans l’âge des plus vieux édifices d’Angkor, et à peu près à deux mille celui des plus récents »

Le roi Sisowath en France

Une des premières rencontres marquantes de l’art cambodgien avec le monde occidental sera le voyage du roi Sisowath en France en 1906. Partis de Phnom Penh le 7 mai 1906, le roi et sa délégation arrivent à Marseille le 10 juin, à l’occasion de l’Exposition coloniale.

Avec sa cour et les danseuses du Ballet royal, il poursuit vers Paris, et rencontre les membres du gouvernement français. Chacune des apparitions publiques du monarque déclencha l’enthousiasme. Sa bonne humeur et ses manières élégantes charmèrent les foules.

Le roi Sisowath
Le roi Sisowath

Un théâtre de style cambodgien avait été aménagé pour recevoir les ballerines, mais le succès qu’elles rencontrèrent obligea de changer de lieu. Les représentations se déroulèrent alors sur la terrasse du Grand Palais de l’Exposition. Chaque soir, plus de trente mille Parisiens se pressèrent autour de l’estrade où les formes idéales des merveilleuses danseuses ondulaient à la lumière des projecteurs.

Ce fut du délire. On ne parla plus que du Cambodge, de son Roi et de ses danseuses. Le célèbre sculpteur français Auguste Rodin est ébloui. Il assiste à leurs spectacles à Paris et à Marseille, les suit partout pour les dessiner. Les petites danseuses, quasiment des enfants, sont capricieuses et Rodin ne cesse de leur faire de petits cadeaux pour les faire tenir tranquilles ne serait-ce que quelques instants.

Auguste Rodin
Auguste Rodin

C’est ainsi que, fasciné par la grâce des danseuses du ballet royal, Rodin exécutera plus d’une centaine de dessins et d’aquarelles à partir des poses des jeunes ballerines. Il dira ces mots restés gravés dans les mémoires :

« Ces Cambodgiennes nous ont donné tout ce que l’antique peut contenir ; leur antique à elles qui vaut le nôtre. Nous avons vécu trois jours d’il y a trois mille ans. Il est impossible de voir la nature humaine portée à cette perfection. Il n’y a eu qu’elles et les Grecs »

Georges Groslier

Georges Groslier
Georges Groslier

Georges Groslier, français né au Cambodge en 1887, premier conservateur du musée Albert Sarraut à Phnom Penh, était aussi un passionné du ballet royal. Certains de ses travaux furent publiés, d’autres ont été découverts bien plus tard. Plus de 800 photos du ballet royal furent restaurées au musée de Phnom Penh en 2014. À l’époque, Bertrand Porte, en charge du projet de restauration des photos racontait :

« Nous sommes en 1927 et le roi Sisowath vient de mourir. Et, selon Georges Groslier, le Ballet royal se portait mal. C’est sans doute ce qui a décidé cette campagne de photographies, cette volonté d’enregistrer un maximum de postures de danses. Nous avons réussi à conduire une enquête sur ces photographies, nous avons pu identifier des séries, des rôles. »

« Grâce à l’article de Georges Groslier, nous avons pu identifier le nom des danseuses. L’article écrit un an après cette série de photographies, paru aux Mercures de France, n’analyse pas les clichés. Je pense que ces documents ont dû disparaître ».

« Par contre, il décrit les séances de pose, il décrit le caractère des danseuses, il parle de leur tenue vestimentaire. Il parle de leur rôle. Cela nous a permis d’identifier et de reconnaître les danseuses. C’était assez émouvant. Ces photos ont été prises de manière très simple ».

Parmi les photographies de Groslier
Parmi les photographies de Groslier

« C’était le même parterre qu’ici avec des petites fleurs, le décor était extrêmement simple. Les ballerines étaient rassemblées tout autour, elles prenaient les postures à tour de rôle. Un appareil photographique très volumineux appelé “chambre” était utilisé. Il y a eu une série de 900 clichés. C’était assez émouvant, car ces photos ont été prises au même endroit où nous travaillons aujourd’hui. C’est un témoignage, mais ce sont aussi des clichés de toute beauté, d’une grande simplicité et d’une grande sobriété. »

Bertrand Porte
Bertrand Porte

« Pour le moment, nous n’avons pas de tirages de bonne qualité. Mais nous allons les numériser et obtenir des tirages de grande qualité, avec beaucoup de détail, beaucoup de précision, qui nous aideront à retrouver la vie de ces danseuses. Elles étaient voisines, elles venaient du Palais Royal et sont venues faire un petit tour au musée à l’initiative de Georges Groslier. Notre souhait serait de pouvoir les exposer ici à Phnom Penh. Plus tard, nous pourrions faire tourner cette exposition en Europe par exemple ».

En observant et photographiant le Ballet royal et ses danseuses, Georges Groslier écrivait alors :

« La danseuse khmère est une actrice, une mime. Elle représente un personnage de légende. Elle exprime les sentiments et représente les actions que chante le chœur. Chaque phrase des chanteuses sollicite un geste ou détermine une attitude de la danseuse, toujours muette. Ces attitudes, ces gestes sont rituels, uniques et se sont transmis de génération en génération sans qu’il en existe une didactique, un modèle écrit et précis »

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