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Archive & Musique : Entretiens avec Philippe Javelle – Que la musique commence...

Avec l'organisation de la Journée Internationale du Jazz au Treellion Park ce samedi, l'occasion de revenir sur le parcours de celui qui est à l'origine de cette manifestation musicale.

Philippe Javelle. Photo C.Gargiulo

Entretien avec Philippe Javelle, musicien professionnel qui anime la scène locale depuis quelques années déjà, sans passer inaperçu, tant par la qualité de ses prestations que par la passion entière qui l’anime. Aussi connu pour être un homme de convictions, Philippe Javelle aime à secouer le cocotier parfois avec des prises de position qui peuvent surprendre. Mais derrière l’homme de spectacle et le passionné se tient un véritable personnage, passionnant, emporté, et sans langue de bois. Dans cet entretien, Philippe Javelle retrace son parcours des jeunes années et son arrivée au Cambodge.

Le public vous connait, à Phnom Penh, comme un musicien professionnel également organisateur événements dans ce même domaine, parlez-nous un peu de votre carrière avant le Cambodge

J’ai eu la chance d’avoir un parcours musical nourri et varié : il a commencé à l’âge de quatre ans par des études de musique classique, jusqu’à l’adolescence où j’ai obtenu les divers Prix de Conservatoire couronnant une formation complète (solfège, harmonie, contrepoint et fugue, direction d’orchestre, musique de chambre, chant-choral, expression scénique, piano, clarinette, percussions classiques, lecture à vue), puis il s’est poursuivi par l’exploration de plusieurs styles musicaux au fur et à mesure de mes découvertes (jazz, pop music, funk, salsa, diverses ethnicités).

Sur le plan professionnel depuis maintenant vingt-cinq ans, ce parcours a été jalonné d’expériences instructives et de réalisations personnelles qui m’ont véritablement épanoui. J’ai dirigé pendant dix ans une agence artistique également organisatrice d’événements pour entre autres le Festival du Film de Cannes, le Festival du Cinéma de Deauville, le Tournoi de Six Nations de Rugby… J’ai plus étonnamment été directeur artistique d’un centre commercial (Val d’Europe, sur les terres de Disneyland Paris, en Seine-Et-Marne) pendant sept ans, dans lequel j’ai programmé des artistes classique et jazz, créé des happenings théâtraux avec un chariot de Thespis, organisé des conférences littéraires et philosophiques, et même un festival Belà Bartok ! J’ai conçu et dirigé avec mes amis Pauline Macia, de la Comédie Française, et Christian Bujeau (l’inoubliable dentiste des « Visiteurs ») l’École de Comédie Musicale Trois Arts, à Paris. Entre ces différentes réalisations, j’ai accompagné en studio ou sur scène nombre d’artistes de Variété Française, j’ai composé quelques chansons pour eux, et j’ai finalement été coach vocal pour Nouvelle Star, la version Française d’American Idol.

Parlez-nous des grands moments de cette carrière, des artistes connus que vous avez côtoyés, professionnellement et amicalement.

Je ne sais que choisir, car ce qu’on peut appeler un « grand » moment dans la Musique n’est pas nécessairement un succès commercial ou une référence show-biz : même si la reconnaissance du public est majoritairement due à l’accompagnement d’une star ou une apparition télévisuelle, ce grand moment pour moi est plutôt un point culminant de partage artistique et émotionnel, avec d’autres artistes, et avec le public.

Fut-ce un meilleur moment d’accompagner un slam improvisé du metteur en scène David Lynch à l’occasion de la sortie de son livre, au Divan Du Monde (salle de spectacles Parisienne en vogue), devant une audience bouche bée, que de suivre André Verchuren, Pape de l’Accordéon, dans un bal musette de cinq heures en plein Massif central, en faisant danser des milliers de sexagénaires enjoués ? Les « grands » moments viennent aussi de plus « petits » autres, à l’image de cette rencontre improbable avec la directrice générale de L’Oréal Professionnel dans un petit restaurant parisien où je jouais du piano pour gagner ma croûte, qui me proposa en quelques minutes à peine l’écriture musicale des shows de mode de sa marque, me confiant qu’elle avait été touchée par la passion avec laquelle je faisais mon métier, même dans une gargote. Je n’ai cessé de répéter à mes élèves artistes combien il était primordial de ne jamais négliger une prestation, si modeste soit-elle : on ne sait jamais qui est dans la salle…

Il serait fastidieux de citer l’ensemble des artistes que j’ai pu accompagner, ou côtoyer. Je ne garderai donc que ces mentions spéciales à quelques endroits, moments et artistes :

La Corse aux saveurs inimitables avec des voix qui vous donnent le frisson, parcourue avec mes amis Antoine Ciosi, Michel Orso, Barthy Raffo et Patrice Bernardini ; la Colombie avec les Gipsy Kings pour un concert très privé chez un certain Pablo E ; une improvisation inattendue au Festival de Cannes avec Clint Eastwood au saxophone ; un anniversaire de Mick Jagger à l’hôtel Plaza Athénée Paris à l’issue duquel je me suis lié d’amitié avec Ron Wood et Charlie Watts ; une tournée Ricard Live Music avec Les Rita Mitsouko ; mes nuits blanches à discuter d’Histoire et de Philosophie avec Lény Escudéro et Patrick Topaloff ; mes fous rires et gueuletons gargantuesques avec le même Topaloff ; mes précieux partages spirituels avec Demis Roussos, le co-créateur et leader d’Aphrodite Child ; mes tournées au Japon avec Paul Mauriat et les incroyables copains musiciens de son Grand Orchestre ; des séances d’enregistrement inoubliables avec Tony Joe White au défunt et légendaire studio Power Station à New York, avec Michel Legrand au studio du Palais des Congrès à Paris pour le remake des Demoiselles de Rochefort, avec Charles Aznavour et Annie Cordy, avec The Brecker Brothers et George Martin à Abbey Road (le studio des Beatles) à Londres pour un film publicitaire ; des coachings vocaux pour Jane Birkin, Renaud, Benoît Poelvoorde (les Belges apprécieront) ; pour faire un lien avec le Cambodge, et non des moindres, l’animation d’une soirée jazz chez le Prince Norodom Sirivudh à l’invitation d’Anne Lemaistre, directrice de l’UNESCO à Phnom Penh, pour la venue secrète d’une légende du style, Herbie Hancock.

Au cours de cette carrière « française », décrivez un peu l’ambiance de travail (tournées, studio) que vous avez connue, serait-elle très différente aujourd’hui ?

Aujourd’hui, beaucoup de productions se font « à la maison », dans ce qu’on appelle à juste titre un home studio. L’évolution de l’informatique musicale permet de réaliser des enregistrements à moindre coût dont la qualité est souvent suffisante à l’écoute d’une musique sur un téléphone cellulaire. Les artistes confirmés, bien entendu, continuent d’enregistrer dans de vrais studios à l’acoustique soignée. Même si au fil des années les budgets ont été restreints, les équipes réduites et les attentes commerciales surmultipliées, l’ambiance en studio reste identique. J’aime cette odeur toute particulière des amplis qui chauffent, le mélange parfumé de la mousse acoustique et des boiseries, l’atmosphère feutrée et le recueillement avant chaque séance d’enregistrement.

Concernant les tournées, j’ai probablement vécu tout un éventail d’ambiances, selon les budgets et les artistes : de la gestion d’un groupe de sacrés numéros tel Gipsy Kings en Azerbaïdjan ou en Islande, la tournée de tous les excès avec Les Rita Mitsouko (y compris l’excès de talent), l’accueil glacial d’Angélique Kidjo au Festival de Kingston en Jamaïque, le luxe feutré et l’accueil exceptionnel des Japonais, jusqu’au bus cradingue de groupes de rock indépendants, aux arrière-salles des fêtes, aux immangeables plateaux-repas … Je ne crois pas que cela ait changé aujourd’hui, même si la musique est plus marketée, et que peut-être les tournées sont plus business et moins folles, un groupe de zicos en ballade réserve toujours des surprises, bonnes ou mauvaises, mais en tout cas gratinées !

Quel est votre regard actuel sur la musique populaire en général, êtes-vous un nostalgique du rock des 60s, du disco / soul / funk des seventies, du new-wave / punk des 80s ?

Je n’aime pas être nostalgique, je considère qu’un artiste doit évoluer avec son époque, que le passé est un enseignement, le présent une réactivité indispensable, et le futur une inspiration. Néanmoins, les productions actuelles me laissent souvent un goût amer. Le music business sacrifie souvent la création et l’émotion au marketing, qui est pour moi une machine de guerre consumériste. La majorité des clips diffusés sur les chaînes musicales sont d’une monotonie plutôt décevante, et elle montre des images aux jeunes générations qui n’ont rien de culturel ou d’éducatif : je n’ai rien contre les jolies filles en bikini qui secouent leurs fesses ou les belles voitures au tarif inaccessible, mais n’y a-t-il rien d’autre à faire découvrir à la Jeunesse, qui puisse motiver autre chose que la cupidité ou le besoin de posséder ?

Je me souviens de soirées en boîte de nuit lorsque j’étais adolescent, où nous dansions sur des rythmes changeants et très gais, depuis, ainsi que vous les citez, le disco / funk jusqu’au pogo punk, entrecoupés pour notre plus grande appréhension parfois d’une série de slows indispensables à l’expression de nos libidos ! Aujourd’hui je sors très peu en club, non pas que Phnom Penh n’en abrite pas de sympathiques, mais parce que la musique qui y est assenée est monocorde, violente et d’une tristesse harmonique affligeante : une nuit entière à un tempo de cent-trente pulsations par minutes, nocif pour le cœur et le foie, matraqué à cent-dix décibels constants au format mp3 agressif ultra-compressé, m’est difficilement supportable. La musique électronique est un univers fascinant, mais le business la rend insipide et abrutissante. Comparativement au disco, dont elle est l’héritière, elle n’a aucune jovialité et n’est jouée que par des machines. Cela m’attriste, j’en conviens.

Le public a pourtant toujours besoin d’émotion intacte et de Beauté. Le dernier d’album d’Adele, ayant réalisé vingt millions de ventes en quelques heures, en est la preuve, bien qu’il ne soit que lointainement associable en termes de créativité aux chefs-d’œuvre de la Pop Music que pouvaient être des opus de Joni Mitchell, Rickie Lee Jones, Kate Bush, ou encore plus récemment Fiona Apple. Quel que soit le style, une bonne chanson restera toujours sur toutes les lèvres. Peu de mélodies subsistent à la masse productive, surtout depuis les vingt dernières années.

Comment êtes-vous arrivé au Cambodge ? Quelles motivations ?

Je suis venu la première fois en janvier 2009 avec mon ami et partenaire musical Richard Boisson, dit Ritchy. Nous devions passer deux semaines de vacances bien méritées, à l’invitation d’Ansiau Laplaneta, le propriétaire du restaurant La Résidence, ami d’adolescence de Ritchy : la motivation était de remonter le cours du Mékong, le long du fleuve, à moto, jusqu’au Laos. À l’issue de notre premier concert à La Résidence, le deuxième jour de notre arrivée, nos vacances se sont transformées en une série ininterrompue de shows, notamment à Chinese House, Open Wine et au défunt Memphis Pub. Bona et Mélanie, les propriétaires, nous ont beaucoup assistés à l’époque, pour trouver des instruments et du matériel technique.

''Phil et Ritchie''

Nous avons visité les temples d’Angkor et joué pour Sofitel à Siem Reap, nous avons visité Kep et joué pour le Sailing Club… Chacun de nos déplacements « touristiques » était accompagné d’une prestation artistique. Après cette expérience, tombés littéralement amoureux du Cambodge, nous sommes revenus en avril et mai de la même année 2009, submergés de demandes de spectacles. Pendant ces deux mois, nous avons tourné dans tout le pays, également au Vietnam et en Thaïlande. À l’occasion d’un concert donné gratuitement pour le Lycée Descartes, nous avons rencontré Arnaud Darc, propriétaire du restaurant Topaz, qui nous a consultés pour développer l’activité du bar au premier étage de son établissement.

Êtes-vous venu avec un projet en tête ou à l’aventure ?

Ma décision de m’expatrier avait pour condition d’avoir un revenu financier garanti au Cambodge. Notre contact avec Arnaud Darc fut l’opportunité dont j’avais besoin : après lui avoir envoyé un projet complet pour l’activité de son bar, je suis revenu m’installer à Phnom Penh pour mettre le projet à exécution. Ainsi est né Studio 182, qui fut d’abord un night-club rétro (dans le style de l’actuel Vito) au succès mitigé, puis surtout le premier club de jazz du Cambodge, où se sont produits des artistes du circuit jazz international : c’est le jazz-club qui est resté dans les mémoires, avec une certaine nostalgie. Je croise souvent des fidèles qui regrettent ces années où le jazz résonnait quotidiennement à Phnom Penh. Ritchy, de son côté, est venu avec l’intention d’écrire des musiques sous un autre horizon. Son contrat avec Universal Music Publishing le lui permettant, il a suivi mon désir d’expatriation. Il m’a rejoint dans l’aventure Studio 182 lors de la transformation de celui-ci en club de jazz.

Comment s’est passé le premier contact, avec le pays, avec la scène musicale ?

Ritchy et moi avons eu la chance de rencontrer des gens de la haute société cambodgienne dès notre arrivée. Nous avons sympathisé avec des membres de la famille Royale, des ministres… La musique a ce pouvoir de charmer l’élite, tout comme elle peut l’inquiéter parfois. Dans le même temps, nous habitions une petite rue chez des propriétaires courageux et simples, et cela nous a permis de nous immerger rapidement dans le mode de vie Khmer. Nous aimons la nourriture locale, les petits restaurants de fortune, nous aimons parler avec les Khmers même si, je l’avoue, ma maîtrise de la langue est encore nettement insuffisante après six ans de présence. Nous avons aimé, et nous aimons chaque jour, les Cambodgiens. Nous sommes des campagnards, élevés dans une tradition d’humilité et de partage, et nous avons retrouvé cela ici.

En ce qui concerne la scène musicale, comme tout un chacun arrivant au Cambodge, nous sommes allés au karaoké, nous avons allumé notre poste de télévision et nous avons vu toutes ces vidéos de chansons lentes, lancinantes, ces scènes de drame amoureux, de suicide, entrecoupées de sponsors de bière et de Lexus… Je dois dire qu’ayant parcouru l’Asie depuis la fin des années 90, je n’ai pas été surpris, si ce n’est que je trouvais le niveau de qualité des interprètes et des arrangements musicaux vraiment bas. J’attribuai cela au fait que le pays renaissait seulement de ses cendres : après avoir travaillé ici et côtoyé des productions locales, je me suis vite aperçu que cela relevait bien plus d’une incompétence de soi-disant producteurs que de manque de talents locaux.

La scène musicale expatriée était et demeure assez hétéroclite à mon sens. C’est par ailleurs ce qui fait sa diversité et son intérêt. Comparativement à d’autres villes d’Asie où la programmation des clubs et autres bars est assez formatée, Phnom Penh offre la possibilité inattendue d’écouter tous styles de musique dans tous genres d’endroits. Certes, la qualité selon les prestations est disparate, mais cela suscite tout de même un enthousiasme peu commun.

Lorsque Ritchy et moi sommes arrivés, nous avons été promus par les premiers endroits où nous jouions comme des phénomènes professionnels sans égal : multi-instrumentistes, expérimentés, producteurs, compositeurs, etc… Nous avions un profil totalement différent des musiciens en majorité amateurs qui montaient des groupes comme au bon vieux temps du rock and roll ! Ce qui a fait notre succès n’est pas, je pense, un niveau technique supérieur : la technique n’a jamais suscité l’émotion, tout juste peut-elle impressionner un temps. Nous avons gagné nos lettres de noblesse grâce à notre côté entertainer, et curieusement, aujourd’hui encore, je suis estampillé musicien de jazz alors que cela n’a jamais été mon fer de lance : ce que les gens aimaient, et nous réclament encore, ce sont ces fameuses soirées où nous mélangions styles et délires, à la façon d’un disc-jockey, et où le public dansait debout sur le bar, chantant à tue-tête.

Malgré ce profil boute-en-train et interactif, les autres musiciens expatriés ne nous considéraient pas vraiment comme des leurs, nous avions peu d’échanges avec eux. Je me souviens d’un bluesman légèrement décati, qui a quitté le pays depuis, me reprochant de ne jouer de la musique que pour les riches. Je me souviens plus volontiers d’un concert punk au Sharky’s, avec The Schkoots, groupe créé par Bob Passion, une figure de la scène musicale alternative ici, où plusieurs personnes s’étonnaient de me voir sur scène : Gildas Maronneaud, fondateur des désormais légendaires Mekong Pirates, m’avait même remercié chaleureusement d’être venu partager la scène avec des musiciens d’un niveau moins élevé que le mien, ce qui pour moi n’avait aucune importance. J’avais adoré l’énergie du groupe, et je m’étais éclaté à l’accordéon et à la clarinette basse, deux instruments que je ne sors pourtant pas souvent de leur étui !

Grâce au Centre Culturel Français (il s’appelait ainsi à l’époque), nous avons pour le Festival de la Photo à Phnom Penh, fin 2009, eu l’opportunité de réaliser un premier concert avec deux musiciens Khmers, sur le thème de la fusion des styles traditionnels local et occidental. Nous avons pour l’occasion suivi le choix de ces musiciens en matière de répertoire, qui s’est avéré être en majorité composé de chansons écrites par le défunt Roi Norodom Sihanouk. Nous avons réarrangé ces titres et cela a beaucoup plus, y compris aux membres de la famille Royale. Le projet s’appelait Khmarang, et par la suite, nous avons initié nos collègues Khmers au jazz Manouche et à la Bossa Nova, ce qui a donné lieu à d’autres concerts dont l’un très réussi au Festival des Créateurs, en 2011. J’ai depuis rencontré beaucoup de musiciens et chanteurs talentueux, avec lesquels j’ai eu le plaisir de partager d’excellents travaux.

Parlez-nous un peu des principales étapes de votre carrière ici, les temps forts, les bons moments

Studio 182, ce club de jazz mené en collaboration avec Arnaud Darc — dont je salue encore le cran et la confiance pour avoir créé cet établissement ambitieux, dont bien des visiteurs étrangers ont vanté la beauté et le confort, ainsi que la qualité de service — fut incontestablement un temps fort, et reste une marque déposée de professionnalisme. Le deuxième temps fort fut Khmarang, que j’ai évoqué auparavant, car c’est une fusion réussie avec des musiciens Khmers de grand talent, et qui a donné lieu à la fabrication du premier xylophone chromatique au Cambodge. L’instrument traditionnel ne jouant que sur une seule gamme, pour élargir le champ des possibilités musicales, Ritchy et moi, en collaboration avec un luthier Khmer, avons élaboré un xylophone permettant de jouer sur toutes les gammes : une innovation fabriquée à deux exemplaires, dont l’un commandé par le cirque Phare Ponleu Selpak à Battambang.

Le troisième temps fort fut ma collaboration à l’album Songkites, une compilation autoproduite présentant dix auteurs-compositeurs-interprètes cambodgiens. Cet opus a commis l’exploit de se vendre à plus de deux mille exemplaires coûtant cinq dollars pièce. Cela paraît dérisoire à l’échelon du show-business international, mais pour le Cambodge, ce fut une première : les productions habituelles sont vendues à la sauvette un demi-dollar aux terrasses des restaurants ou aux marchés de contrefaçon. On pouvait lire sur la page Facebook de Songkites des commentaires de jeunes Cambodgiens affirmant leur fierté d’avoir dépensé cinq dollars pour un CD cent pour cent original.

Quant aux bons moments, permettez-moi d’en choisir quelques-uns parmi les nombreuses joies que m’apporte mon travail ici, qui me reviennent dans le désordre :

Le gala de Saint-Sylvestre l’année dernière à Sofitel Phnom Penh, réunissant seize artistes khmers sur scène pour une célébration de l’Age d’Or de la Pop Music et ses icônes, tels Sin Sisamuth et Ros Sereysothea, qui m’a permis de rencontrer deux stars survivantes de l’époque, Dy Saveth et Sisowath Siengdy ; ma participation à l’émission Superstar de la nouvelle chaîne TV PNN, en tant qu’invité exceptionnel ; des événementiels très réussis, notamment pour le lancement du dernier James Bond, où par bonheur j’ai réussi à réunir sur scène les dix plus belles voix de la scène musicale expatriée ; le concert à Koh Pich de Songkites, devant plus de trois mille personnes de tous horizons ; le concert de Dengue Fever au Parkway, en 2010, où j’ai été embauché en dernière minute en tant qu’ingénieur du son, appelé à dix-sept heures par l’équipe organisatrice de Cambodian Living Arts, désespérée, le groupe attendant d’avoir du son sur scène depuis onze heures le matin !

Vous avez initié quelques projets avec des musiciens/talents khmers, parlez-nous un peu de ces initiatives.

Je ne sais pas s’il s’agit à proprement parler d’initiatives, car je ne suis ni le seul ni le premier à provoquer des échanges artistiques entre Cambodgiens et expatriés, et que je n’ai aucune prétention à initier ou obliger les artistes locaux à une musique made in Western. Outre Khmarang et Songkites, que j’ai décrit ci-avant, j’ai co-écrit des chansons avec de jeunes talents que je suis parfois agréablement surpris d’entendre dans un mini-mart ou un bar, la plus populaire étant « Baby I’m Sorry » chantée par la star montante Jimmy Kiss et qui semble vraiment avoir marqué le jeune public. Il est vrai que les accords et les arrangements de cette chanson n’ont pas d’équivalent dans la musique pop locale, et que la voix de Jimmy a des accents de James Brown et d’Otis Redding qui contrastent grandement avec la couleur locale. J’ai entendu beaucoup de belles voix au Cambodge, et s’il y a une initiative que j’ai prise, c’est celle de proposer des cours de technique vocale gratuits pour que ces interprètes doués puissent à la fois préserver leur voix et lui donner plus d’impact, de nuances, de tessiture. J’ai actuellement deux élèves assidus. C’est peu, mais leurs progrès impressionnants devraient très bientôt inciter d’autres performeurs à rejoindre les rangs.

Merci pour votre envoi !

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