Denis Barre & Convergences : Un regard innovant sur l’évolution des ressources humaines au Cambodge
- Christophe Gargiulo
- il y a 23 heures
- 6 min de lecture
Du Grand Nord canadien aux rizières de Pursat, le parcours de Denis illustre le jeu des trajectoires professionnelles et personnelles qui croisent continents et cultures. Installé aujourd’hui à Phnom Penh où il a fondé Convergences, un cabinet spécialisé en transformation RH, il nous confie ses impressions sur le Cambodge d’hier et d’aujourd’hui, ses expériences professionnelles et ses projets en cours.
Rencontre avec un passionné de ressources humaines qui veut transmettre son savoir-faire au service du développement des organisations locales.
Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Je m’appelle Denis, la cinquantaine, originaire de l’Alberta au Canada et de descendance française. Père de famille, j’ai toujours été animé par la curiosité et le goût de nouvelles rencontres.
Pouvez-vous nous parler de votre parcours professionnel ?
J’ai commencé ma carrière au sein du groupe ACCOR à l’hôtel Sofitel, alors situé au Cambodiana. Après un an et un bref séjour à Jakarta, je suis revenu au Cambodge fin 1993, où j’ai travaillé jusqu’en 2000, principalement comme administrateur dans une organisation internationale. Ces années m’ont permis de voyager à travers le pays et de mieux connaître ses provinces.
Par la suite, je suis rentré au Canada, où mes enfants ont grandi. Rapidement, j’ai décidé de délaisser ma carrière d’expert-comptable pour me consacrer aux ressources humaines. J’ai travaillé une vingtaine d’années dans un groupe pétrolier (Petro-Canada), occupant successivement différents postes en RH.
Cela m’a conduit à passer beaucoup de temps dans le Grand Nord, notamment à Fort McMurray. Il y fait très froid, mais les habitants sont chaleureux !
Une fois mes enfants devenus grands, ma femme et moi avons souhaité revenir au Cambodge pour un projet à la fois personnel et professionnel. C’est ainsi qu’au début de l’année 2024, j’ai fondé Convergences, avec l’objectif de partager mon expérience RH avec les professionnels du pays.
Quelles sont les raisons qui vous ont conduit au Cambodge ?
Ma première opportunité de travail à Phnom Penh aurait pu être brève, mais j’y ai rencontré mon épouse. C’est donc avant tout une histoire de cœur. Nous avons vécu nos débuts professionnels dans un pays qui, avec l’arrivée de l’UNTAC, n’en était qu’aux prémices de son développement.
Notre retour début 2024 est, cette fois, motivé par l’envie de construire quelque chose de nouveau et de partager l’expérience acquise durant ces vingt années au Canada.
Quelles ont été vos premières impressions à votre arrivée ?
Même si je revenais régulièrement, j’ai trouvé le pays transformé. Phnom Penh est devenue une métropole, ses habitants de véritables citadins.
La campagne semble désormais lointaine pour beaucoup de jeunes urbains, alors que dans les régions reculées, les habitants gardent un mode de vie plus simple et proche des valeurs traditionnelles.
Pouvez-vous décrire votre activité professionnelle actuelle ?
Tout le monde nous associe avant tout au recrutement — et en effet, nous en réalisons, une trentaine sur l’année écoulée, allant de postes de direction à des fonctions intermédiaires.
Notre particularité est la capacité de nous appuyer sur notre réseau régional lorsque les profils recherchés ne sont pas disponibles localement. Nous privilégions bien sûr les candidats cambodgiens, mais offrons aux entreprises un accès à un bassin plus large lorsque cela s’avère nécessaire.
Ma réelle passion reste cependant la transformation organisationnelle. Nous proposons des services de conseil RH : mise en place de programmes structurants, planification stratégique et gestion de la performance, afin d’accompagner les entreprises dans leur croissance.
Quels sont vos projets en cours ?
Nous travaillons actuellement avec le groupe cambodgien d’ingénierie DBD, pour formaliser ses processus RH afin de renforcer sa compétitivité et d’harmoniser ses méthodes.Nous accompagnons également Lagardère Travel Retail, nouvel acteur au Cambodge, sur la constitution de ses équipes dans le cadre de l’ouverture du nouvel aéroport.Enfin, nous collaborons étroitement avec le groupe Confluences, pour qui nous avons conçu un programme de planification des objectifs et de gestion de la performance. Ce projet s’inscrit dans une démarche plus large de transformation RH, en phase avec sa croissance rapide.
Convergences propose une offre de services innovante. Qu’est-ce qui, selon vous, distingue votre approche sur le marché cambodgien ?
Convergences a été fondée par trois associés qui réunissent une expertise approfondie en ressources humaines, de solides connexions avec le vivier de talents régional, ainsi qu’une compréhension fine du paysage économique cambodgien.
Cette combinaison nous permet de fournir non seulement des services opérationnels de tout premier plan — tels que la recherche de cadres dirigeants et l’administration de la paie — mais aussi de développer les dimensions plus stratégiques des ressources humaines, souvent négligées localement.
Nous travaillons en partenariat avec nos clients pour identifier les meilleurs talents et mettre en œuvre des programmes RH structurants, tels que des cadres de gestion de la performance, des processus de planification de la relève ou des politiques de rémunération conçues pour soutenir les objectifs organisationnels à long terme.
Ce sont précisément ces composantes qui font souvent défaut sur le marché local, où nombre de prestataires se concentrent essentiellement sur l’aspect tactique du recrutement.
La véritable valeur ajoutée de Convergences réside dans notre capacité à relier les meilleures pratiques internationales en matière de RH aux réalités concrètes des affaires au Cambodge.
Notre compréhension des leviers économiques, combinée à notre expérience pratique et à notre connaissance de la région, nous permet de proposer des solutions sur mesure, orientées vers les résultats, qui vont bien au-delà du simple recrutement — nous contribuons à bâtir des organisations durables.
Enfin, Convergences Executive Search fait partie d’un vaste réseau régional, Executive Search Asian Partners (ESAP), qui offre à nos clients un accès privilégié à un vivier de talents quasi illimité, couvrant l’ensemble des secteurs économiques.
De votre point de vue, comment le paysage des talents exécutifs au Cambodge a-t-il évolué au cours de la dernière décennie ?
Au cours de la dernière décennie, nous avons été témoins de deux évolutions majeures qui redessinent le paysage des talents exécutifs au Cambodge.
Premièrement, on observe des progrès significatifs dans le développement des compétences de la main-d’œuvre locale. On voit désormais émerger des professionnels cambodgiens cumulant 15 à 20 ans d’expérience opérationnelle dans différents secteurs. Bien qu’il reste des marges d’amélioration, cette génération monte progressivement en responsabilité, accédant à des postes de direction et apportant une expertise terrain et une connaissance fine du contexte local, qui étaient jusque-là plus limitées.
Deuxièmement, nous assistons à l’émergence d’un vivier de talents régionaux, mobiles et diversifiés — constitué de professionnels issus des pays voisins ou de Cambodgiens de retour de l’étranger — capables de s’adapter rapidement aux réalités du marché local.
Ces profils apportent une ouverture internationale, des compétences techniques solides et une capacité à s’intégrer harmonieusement dans l’écosystème cambodgien.
La combinaison de ces deux dynamiques est très prometteuse.
Elle permet aux employeurs de s’entourer de véritables experts dotés à la fois d’une compréhension fine du contexte local et d’une compétitivité reconnue à l’échelle régionale, voire mondiale. Cette évolution rend de plus en plus réaliste la constitution d’équipes dirigeantes capables de stimuler l’innovation et de porter une croissance durable depuis l’intérieur du pays.
À votre avis, quelles seront les compétences et qualités les plus importantes pour la main-d’œuvre cambodgienne dans la prochaine décennie ?
Dans les dix prochaines années, les compétences comportementales seront déterminantes. L’intelligence émotionnelle, l’adaptabilité et la communication efficace joueront un rôle clé pour permettre aux collaborateurs de gérer des interactions complexes et de favoriser la collaboration, conditions indispensables dans un environnement mondial en constante mutation. Développer un état d’esprit transformationnel donnera également aux salariés la capacité d’adopter un apprentissage continu et d’encourager l’innovation.
À l’échelle internationale, des compétences telles que la sensibilité interculturelle, la maîtrise du numérique et la pensée stratégique deviennent de plus en plus essentielles.
À mesure que le Cambodge s’intègre davantage aux marchés globaux, il est crucial que les employés cultivent ces aptitudes afin de rester compétitifs et de contribuer efficacement au travail en équipes multiculturelles et aux projets internationaux. Une vision stratégique, en particulier, permettra d’affronter l’incertitude et de soutenir la croissance organisationnelle.
Pour doter les collaborateurs de ces compétences, les organisations devraient mettre l’accent sur des programmes internes dédiés au développement des soft skills. Des ateliers, des formations de coaching et des initiatives de mentorat peuvent contribuer à renforcer l’intelligence émotionnelle et la pensée stratégique, transformant la manière dont les employés appréhendent leurs responsabilités.
Investir dans de tels dispositifs, c’est préparer une main-d’œuvre résiliente, capable de s’adapter aux évolutions du marché et de contribuer de façon décisive au développement national.
Quelles sont vos activités extra-professionnelles ?
Je suis secrétaire-trésorier de CanCham, la Chambre de commerce canadienne au Cambodge. Entre l’arrivée d’un nouvel ambassadeur et la préparation du prochain Sommet de la Francophonie, nous avons un calendrier chargé mais enthousiasmant.
Le week-end, je prends autant que possible le train pour rejoindre notre maison familiale à Krakor, dans la province de Pursat. J’y trouve un cadre idéal pour me ressourcer, en famille ou tout simplement au fil de balades dans des paysages magnifiques.
Qu’est-ce qui vous plaît le plus au Cambodge ? Et le moins ?
J’apprécie avant tout l’esprit de famille et de communauté, qui demeure vivant même dans une ville en pleine expansion comme Phnom Penh.À l’inverse, je regrette l’omniprésence d’outils de communication parfois schizophrènes, qui compliquent les échanges. Je privilégie donc autant que possible les rencontres en personne.