Croissance ralentie et défis persistants : Perspectives économiques régionales ASEAN+3, juillet 2025
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- il y a 6 jours
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L’ASEAN+3, regroupant dix pays de l’ASEAN ainsi que la Chine, le Japon et la Corée du Sud, traverse une période marquée par un ralentissement économique modéré, sous l’effet conjugué de tensions commerciales accrues, de ralentissements mondiaux et d’éléments géopolitiques volatils.

Le dernier rapport d’actualisation de la perspective économique régionale publié en juillet 2025 par le Bureau de recherche macroéconomique de l’ASEAN+3 (AMRO) dresse un tableau nuancé, où persiste néanmoins un fond de résilience face aux incertitudes croissantes.
Une croissance plus modérée mais soutenue
L’économie de la région devrait enregistrer une croissance de 3,8% en 2025, légèrement inférieure aux prévisions antérieures, poursuivant avec 3,6% en 2026. Cette révision à la baisse s’explique largement par la mise en œuvre de droits de douane américains renforcés, programmés pour début août, qui tendent à freiner la demande externe, altérer la confiance des investisseurs et éroder le moral des consommateurs.
En dépit de cette conjoncture, la consommation privée fait preuve d’une rare robustesse, renforcée par des marchés de l’emploi favorables et un contrôle efficace de l’inflation.
Dans cette dynamique, la Chine, moteur économique du groupe, affiche une croissance encore robuste dépassant les 5% au premier semestre 2025, grâce à une politique intérieure accommodante, comprenant un programme élargi de commerce de détail et des mesures ciblées de soutien infrastructurel et financier.
Toutefois, la persistance d’un secteur immobilier en faiblesse continue de constituer un pari délicat pour la vitalité économique à moyen terme.
Inflation contenue et vigilance accrue
L’inflation dans la région demeure un élément sous contrôle, avec un taux modéré d’environ 1% attendu pour 2025 et 2026. Même si une flambée passagère des prix du pétrole liée aux tensions au Moyen-Orient a provoqué un pic temporaire, les pressions inflationnistes fondamentales restent limitées.
La modération des prix des matières premières et le ralentissement global de la demande contribuent à cet apaisement, tandis que les politiques monétaires adoptées dans plusieurs pays ont su limiter toute déviation durable.
Commerce et exportations sous pression
Les exportations régionales ont connu un pic au deuxième trimestre 2025, suite à une anticipation de hausses tarifaires par les entreprises qui ont accéléré leurs expéditions. Mais cette croissance se trouve tempérée par un fléchissement marqué de la demande américaine, principal partenaire commercial, et par un ralentissement des nouveaux ordres dans le secteur manufacturier.
À noter, le secteur des semi-conducteurs, moteur crucial de la fabrication régionale, continue de croître mais à un rythme ralenti — porté par les besoins en intelligence artificielle et infrastructures cloud.
Le tourisme, pilier important des services exportés, montre des signes de ralentissement, notamment dans les économies de l’ASEAN-5 où la fréquentation des touristes chinois et européens décline après un rebond post-pandémique. Si la reprise reste présente dans les économies Plus-3, la croissance des services liés reste plus fragile qu’espéré.
Des risques géopolitiques exacerbant les fragilités
Parmi les principaux risques pèsent encore les mesures protectionnistes américaines, qui, en cas d’escalade, pourraient aggraver le ralentissement économique régional au point de porter la croissance à son niveau le plus bas depuis la crise financière asiatique. À ce tableau s’ajoutent la persistance des incertitudes politiques aux États-Unis, les crises énergétiques potentielles issues du conflit Iran-Israël, et une possible aggravation des conditions financières mondiales avec des taux américains qui pourraient rester élevés plus longtemps, renforçant le billet vert et compliquant la gestion monétaire locale.
Le conflit au Moyen-Orient, en particulier, a démontré la vulnérabilité de la région aux chocs externes, avec un impact potentiel majeur sur les prix et l’approvisionnement en énergie, via le détroit d’Hormuz crucial pour les exportations pétrolières venant du Golfe. Ce facteur pourrait alimenter une inflation importée et déstabiliser davantage les marchés.
Initiatives politiques et intégration régionale
Face à ces vents contraires, les gouvernements de la région ont adopté des mesures préventives, notamment des assouplissements monétaires dans plusieurs pays clés de l’ASEAN+3, ainsi que des programmes fiscaux visant à atténuer l’impact direct des hausses tarifaires. Parallèlement, l’accent est mis sur le renforcement de la coopération interrégionale et l’approfondissement des intégrations économiques internes, dans le but de réduire la dépendance aux marchés extérieurs, diversifier les chaînes d’approvisionnement et améliorer la résilience face aux chocs extérieurs.
Défis structurels et enjeux de long terme
Au-delà des perturbations immédiates, l’ASEAN+3 fait face à des défis de fond dont la résolution est indispensable pour assurer un développement durable et inclusif. Le vieillissement démographique rapide, l’émergence de nouvelles fractures géoéconomiques, l’intensification des rivalités commerciales et l’urgence climatique figurent parmi les enjeux majeurs à adresser. L’absence de réponses concertées pourrait freiner durablement la croissance et accroître les vulnérabilités sociales et économiques de la région.
Le rapport d’AMRO offre une photographie de la région ASEAN+3 à la croisée des chemins, oscillant entre l’inquiétude suscitée par des risques exogènes croissants et l’espoir nourri par des politiques adaptatives et une intégration renforcée. Si le ralentissement économique prévu n’est pas négligeable, il ne doit pas occulter la solidité intrinsèque d’une région qui demeure l’un des foyers majeurs de croissance mondiale, capable de manœuvrer face à une conjoncture complexe et de préparer une trajectoire plus résiliente pour l’avenir.