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Cambodge – Thaïlande : Quand la frontière brûle, le tourisme suffoque

Alors que les autorités s’efforcent de rassurer sur la sécurité des grandes destinations, les acteurs du tourisme, eux, expriment une déception croissante face à la réalité du terrain et aux conséquences tangibles de cette instabilité sur leur industrie.

Quand la frontière brûle, le tourisme suffoque

Choc frontalier : le tourisme régional en voie de paralysie

Depuis le 24 juillet 2025, la série d’affrontements armés sur près de 250km de frontière (de Surin à l’est du Triangle d’émeraude) a plongé les provinces frontalières dans un état d’urgence. Ces hostilités ont fait voler en éclats la fragile paix régionale, aboutissant à la fermeture des postes frontières, l’évacuation de plus de 200,000 civils et la proclamation de la loi martiale dans certaines zones clés comme Chanthaburi et Trat.

L’arrière-pays, reliant temples khmers et parcs nationaux, s’est brutalement vidé.

Les circuits touristiques autrefois florissants dans les provinces de Surin, Si Saket, Oddar Meanchey (côté cambodgien), ont vu les réservations s’effondrer. Les temples frontaliers, hauts lieux du tourisme patrimonial, sont désormais interdits d’accès et surveillés par des unités militaires, privant la région d’une manne essentielle.

L’insuffisance des efforts de communication

Face à l’inquiétude, les autorités touristiques thaïlandaises et cambodgiennes martèlent un message de confiance : « le tourisme se poursuit normalement hors des zones restreintes, la sécurité des visiteurs est notre priorité absolue ». Bangkok, Chiang Mai, Phnom Penh ou Siem Reap continuent effectivement d’accueillir des voyageurs — mais loin de l’effervescence d’avant-crise.

Les professionnels interrogés dénoncent en coulisse une communication institutionnelle « déconnectée » : sur le terrain, l’influx touristique est en chute libre, notamment le long des grands corridors routiers reliant les deux pays.

Cela se double d’un climat de suspicion et d’angoisse alimenté par la prolifération de fake news sur les réseaux sociaux et l’omniprésence des forces de sécurité. De nombreux touristes, notamment européens et asiatiques, ont préféré modifier ou annuler leurs itinéraires balnéaires et culturels de peur d’être pris dans ce « piège géopolitique ».

Les agences de voyages, les guides locaux, ainsi que les hôteliers frontaliers constatent l’annulation massive de réservations et la disparition de la clientèle régionale, pourtant essentielle pendant la saison estivale.

Un effet domino : économie mise à mal, malaise sectoriel

Les conséquences dépassent le secteur touristique : près de 500,000 travailleurs cambodgiens employés en Thaïlande rencontrent désormais d’énormes difficultés à traverser la frontière, exacerbant le stress économique déjà latent depuis la crise COVID. Les villes frontalières perdent les revenus liés aux marchés transfrontaliers, aux casinos, aux services taxi ou guides locaux, et voient s’ajouter la perte de recettes fiscales et l’arrêt de nombreux projets d’infrastructure, parfois majeurs, sur fond de désengagement des investisseurs.

Si les destinations majeures continuent d’accueillir les voyageurs à grand renfort de communication rassurante, la réalité peine à suivre : les chiffres montrent une stagnation, voire un recul du tourisme régional, alors même que la région venait de retrouver un certain dynamisme post-pandémie.

Réactions et malaise des professionnels

Malgré les campagnes officielles, la frustration est palpable chez les opérateurs touristiques cambodgiens et thaïlandais. Certains dénoncent publiquement une « omerta sur l’impact réel du conflit » et regrettent l’absence de mesures de soutien ou de relance. « On a beau répéter que Phnom Penh ou Bangkok sont sûres, le climat général est anxiogène et le public ne s’y trompe pas », confesse un responsable de tour-opérateur francophone de Siem Reap, précisant que « sans rétablissement rapide du dialogue, la saison 2025 pourrait être la plus noire depuis la crise du COVID ».

Entre incertitude et espoir

Tant que la frontière restera militarisée et marquée par la défiance, les professionnels du tourisme de la région ne verront pas la lumière au bout du tunnel. Si la médiation de l’ASEAN à Kuala Lumpur et le cessez-le-feu donnent un mince espoir, la guérison de l’image touristique prendra du temps — et réclamera des mesures concrètes pour regagner la confiance, tant des voyageurs que des acteurs locaux.

En définitive, la résilience du secteur touristique cambodgien et thaïlandais est une fois de plus mise à l’épreuve, mais le désenchantement et le malaise restent profonds, balayant toute rhétorique trop optimiste des autorités. La région, joyau du patrimoine et carrefour économique, rappelle aujourd’hui que la paix n’est jamais acquise, et que l’industrie du voyage, elle aussi, est fragile face au tumulte des États.

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