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Cambodge & Sports : Entretien avec le grand maître du bokator, San Kim Sean

À l’occasion de l’inscription de cet art martial sur la liste du patrimoine culturel immatériel de l’humanité, retour sur l’interview du grand maître San Kim Sean proposée par Ky Soklim, journaliste senior de ThmeyThmey.

le grand maître San Kim Sean
Le grand maître San Kim Sean

Le bokator, qui plonge ses racines dans l’histoire, la tradition et les croyances spirituelles, est devenu une source de fierté pour le Cambodge. Il capte l’imagination de toutes les classes de la société et est reconnu à présent comme patrimoine immatériel par l’UNESCO. Rappelons que le grand maître San Kim Sean, né en 1945 à Phnom Penh, travaille sans relâche pour préserver cet art martial si particulier.

Ky Soklim : grand maître San Kim Sean, vous êtes impliqué dans cet art martial depuis de nombreuses années. Quand avez-vous commencé à apprendre le bokator ? Quel a été le déclencheur de cette passion ?

San Kim Sean : Eh bien, je ne sais pas s’il s’agit une destinée liée à ma vie antérieure. Enfant, j’aimais bien me battre de façon ludique et sportive avec les autres enfants du village. Lorsque j’ai atteint l’âge de 13 ans, je suis allé apprendre le bokator avec mon oncle adoptif, Khem Leak.

Tout en travaillant au chantier naval, il était également entraîneur de bokator dans le district de Moung Ruessei, dans la province de Pusat. Après avoir décelé un certain potentiel avec moi, il a décidé de m’enseigner cette discipline.

Ky Soklim : Khem Leak était-il un maître populaire à cette époque ou était-il simplement un entraîneur parmi d’autres artistes martiaux ?

San Kim Sean : Il me parlait souvent de sa propre vie. Il était originaire d’une famille de combattants dans la province de Pursat.

Ky Soklim : Savez-vous quand est apparu le bokator ?

San Kim Sean : Nous pouvons voir des sculptures de cet art martial sur la galerie des temples d’Angkor Wat et d’Angkor Thom. À première vue, les ancêtres qui ont taillé ces sculptures, en plus d’être des sculpteurs, étaient aussi des artistes martiaux.

« S’ils n’étaient pas des adeptes, ils n’auraient pas pu savoir à quoi ressembleraient les gestes de combat pour pouvoir les graver sur la pierre. Il semble donc cet art martial ait été créé avant même la période d’Angkor »

D’après mes observations, les mouvements de combat du bokator étaient inspirés par des animaux tels que lions, les serpents ou même des sangliers. Dans un passé lointain, nos ancêtres se préoccupaient surtout de la survie.

Ils vivaient de manière primitive et indigène. Ainsi, leur subsistance était étroitement liée à l’art du combat. Ils étaient influencés par les mouvements des animaux sauvages.

Ky Soklim : Combien de mouvements dénombre-t-on dans l’art martial bokator ?

San Kim Sean : Je ne sais pas exactement. Il existe tellement de mouvements et de classifications dans cet art martial, il s’avère un peu difficile de les classer. Pour montrer mes élèves, j’ai créé un système de krama (écharpe traditionnelle khmère tissée), au lieu d’une ceinture, pour représenter les niveaux d’entraînement. Le plus grand honneur, qui se situe au-delà du krama noir, serait le krama d’or.

Ky Soklim : Combien de personnes pratiquent le bokator aujourd’hui ?

San Kim Sean : Le nombre se compte par milliers. Cependant, tous ne peuvent pas s’entraîner suffisamment. Certains peuvent être confrontés à des problèmes personnels et ils doivent abandonner l’entraînement.

Au niveau provincial, nous avons créé une association pour préserver et développer l’art martial. Cette association s’est étendue à sept provinces et villes avec l’aide du ministère de la Culture et des Beaux-Arts.

« Nous prévoyons également d’ajouter l’art martial bokator au programme d’enseignement des étudiants dans tout le pays. Depuis plusieurs années, nous avons rassemblé environ six ou sept mille écoliers qui participent à l’association »

Il existe aussi un lieu d’entraînement dans la province de Kampong Ch'nang où les élèves des écoles primaires sont formés au bokator. Avec plus d’espace, il est plus facile de former les élèves en province qu’en ville.

Ky Soklim : Grand Maître, le bokator sera présent aux jeux d’Asie du Sud-est de 2023 au Cambodge. En outre, la Fédération cambodgienne de bokator prévoit d’étendre cet art martial à certains des pays voisins de l’ASEAN. Sur quelles priorités travaillez-vous ?

San Kim Sean : J’ai beaucoup discuté avec certains des principaux décideurs de la fédération pour rendre l’entraînement au bokator accessible à d’autres artistes martiaux en dehors du Cambodge.

Nous avons effectué une partie du travail depuis 2009, lorsque nous avons présenté notre art martial à l’Union mondiale des arts martiaux à Chungju, en Corée du Sud. Nous avons également organisé de nombreux séminaires dans plusieurs pays tels que le Japon, les États-Unis et la France.

Ky Soklim : Que pensez-vous des ressources humaines au sein de l’art martial ? Les stagiaires sont-ils très déterminés à propos de leur entraînement ? Sont-ils passionnés par leur combat ?

San Kim Sean : Il y a toutes sortes de stagiaires, comme vous l’avez mentionné. Il y a des gens qui s’entraînent pour leur propre santé. Il y a des gens qui s’entraînent pour préserver la culture des arts martiaux, et ainsi de suite.

Cependant, le bokator n’est pas encore une option de carrière professionnelle pour ceux qui s’entraînent. Contrairement au bokator, la boxe libre khmère a suscité un fort engagement de la part de nombreuses personnes.

Ky Soklim : Grand Maître San Kim Sean, combien d’arts martiaux pratiquez-vous ?

San Kim Sean : Le premier art martial que j’ai appris était le bokator. J’ai également réussi à apprendre l’art du combat au bâton et la boxe libre en 1959. En 1960, j’ai commencé à étudier le judo et le karaté par la suite. En 1969, j’ai introduit l’hapkido au Cambodge.

Ky Soklim : Quand avez-vous commencé à enseigner le bokator à Siem Reap ?

San Kim Sean : J’ai commencé à enseigner le bokator d’abord à Phnom Penh. Ensuite, je suis allé l’enseigner dans la province de Siem Reap. Depuis lors, un grand nombre de touristes qui ont visité Siem Reap ont été initiés au bokator.

Ky Soklim : Parmi tous les arts martiaux que vous avez appris, lequel est le meilleur selon vous ?

San Kim Sean : Tous les arts martiaux sont de merveilleuses disciplines, à condition de s’entraîner suffisamment. Techniquement parlant, je pense que l’hapkido est un très bel art martial.

Ky Soklim : Puisque vous enseignez et préservez le bokator et que cet art de combat a été créé bien avant l’époque d’Angkor Wat, avez-vous déjà pensé que vous aidez à maintenir l’esprit de cette époque ?

San Kim Sean : Ma famille et moi-même avons beaucoup sacrifié pour cet art martial pour les générations futures.

« Depuis plus de dix ans, nous essayons de soumettre de la documentation pour l’inscrire patrimoine immatériel de l’UNESCO »

En écrivant mon livre sur cet art martial, je me suis souvent rendu à Angkor Wat pour étudier le bokator sur les murs des temples. Là-bas, nos ancêtres ont taillé toutes sortes de sculptures liées à cet art martial.

Nous avons deux formes de combat. La première est le combat divin et la seconde, le combat humain. Le combat divin peut être décrit sur les galeries d’Angkor Wat où sont représentés les affrontements de Rama ou Hanuman et de nombreux autres êtres mythiques. Les combats humains sont décrits sur les murs d’Angkor Thom, un temple construit pendant le règne du roi Jayavarman VII.

Ky Soklim : L’Association Bokator vous a accordé le titre honorifique de grand maître. Le grand maître San Kim Sean a-t-il déjà pensé à l’avenir de l’association ?

San Kim Sean : J’ai sacrifié beaucoup de mes efforts pour elle depuis que je suis jeune. Mon objectif est de promouvoir le drapeau cambodgien et celui de la Fédération cambodgienne de bokator sur la scène internationale jusqu’à mon dernier souffle.

Je veux partir avec l’esprit en paix. Je veux réaliser mon intention de servir notre nation et notre royaume pour les générations de demain.

Propos recueillis par Ky Soklim — avec l’aimable autorisation de Cambodianess

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