top of page
Ancre 1

Cambodge & Hommage : La grand-mère aux 105 saisons des pluies

Au Cambodge, certains visages deviennent des témoins silencieux de l’Histoire. Celui de Yeay, « grand-mère » Chhorng Samorn, en faisait partie. Cent-cinq saisons de pluies ont marqué son existence, faite de luttes, de pertes et de résilience. À travers elle, c’est tout un siècle de tragédies et d’espérances du peuple cambodgien qui s’incarne, jusque dans son dernier sourire, fragile mais lumineux, tel un héritage de dignité et de courage.

Yeay, « grand-mère » Chhorng Samorn
Yeay, « grand-mère » Chhorng Samorn

Elle s’appelait simplement Yeay, « grand-mère », comme on surnomme affectueusement les aînées au Cambodge. Cent-cinq années de vie, cent-cinq années de souffrance et de résilience. Elle avait traversé toutes les guerres qu’a connues son pays : les bombardements américains, les années noires des Khmers rouges, l’occupation vietnamienne, la guerre civile interminable, les affrontements frontaliers. Son existence n’avait été qu’une succession de fuites, de deuils et de survie.

Quand notre fils Jean la rencontra lors d’une mission humanitaire au camp de la Pagode aux 5000 Banians, il fut bouleversé par sa dignité dans la misère. Elle ne possédait rien, pas même un toit digne de ce nom, seulement quelques bâches pour abriter ses derniers jours. Jean insista pour nous la présenter, et à notre tour nous tombâmes sous le charme de son sourire édenté, si lumineux malgré tant de douleurs.

Yeay, « grand-mère » Chhorng Samorn

Nous avons alors tenté, modestement, de lui offrir un peu de réconfort : quelques vitamines pour raviver ses forces, une bâche neuve pour protéger sa famille de la pluie, un téléphone confié à son petit-fils pour rester en contact. Nous pensions la ramener chez elle prochainement et lui offrir un semblant de repos. Un peu gênée elle s’excusait à l’avance de l’état de sa maison, presque aussi précaire que la tente du camp… Hier encore, nous avions envoyé un petit don pour l’aider à tenir.

La barbarie des hommes en aura décidé autrement. La grand-mère s’est éteinte cette nuit dans le dénuement, emportée dans ce camp de fortune, témoin ultime d’un Cambodge martyrisé par l’Histoire.

Il nous reste son sourire. Un sourire fragile et lumineux, qui résume à lui seul la force d’un peuple meurtri mais debout.

Au Cambodge, certains visages deviennent des témoins silencieux de l’Histoire. Celui de Yeay, « grand-mère » Chhorng Samorn, en faisait partie. Cent-cinq saisons de pluies ont marqué son existence, faite de luttes, de pertes et de résilience. À travers elle, c’est tout un siècle de tragédies et d’espérances du peuple cambodgien qui s’incarne, jusque dans son dernier sourire, fragile mais lumineux, tel un héritage de dignité et de courage.

Son nom était លោកយាយ ឆង សាម៉ន, grand-mère Chhorng Samorn, elle est maintenant auprès des Tévodas !

Texte par Pierre-Yves Clais

Photos par Aurélie Fischer

1 commentaire

Noté 0 étoile sur 5.
Pas encore de note

Ajouter une note
Sieng
25 août
Noté 5 étoiles sur 5.

Merci pour ce bel hommage!

J'aime
  • Télégramme
  • Youtube
  • Instagram
  • Facebook Social Icône
  • X
  • LinkedIn Social Icône
bottom of page