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Cambodge & Histoire : Keo Sam, la rebelle de la guérilla Khmer rouge qui devint soignante

Dans une interview accordée à l’équipe du Centre de documentation du Cambodge, Keo Sam Art, 65 ans, raconte son parcours, depuis son entrée dans la révolution contre le régime de Lon Nol jusqu’à ce qu’elle soit amenée à soigner les blessés et enterrer les morts.

Photo ci-dessus : Un groupe de soignantes préparent des médicaments traditionnels lors du régime du Kampuchéa démocratique (1975-1979). Archives DC-Cam

 

« Le 18 mars 1970, lors du coup d’État qui a renversé le prince Norodom Sihanouk, les habitants de la commune de Chiphuch se sont enfuis dans la forêt de Maki. À cette époque, une dizaine de mes frères et sœurs et moi-même avons rejoint la révolution pour servir la nation et le peuple. Bien qu’étant une femme, j’ai rejoint le mouvement. C’est mon oncle Chap, qui vivait dans le village de Veang, dans la commune de Chiphuch, district de Mesang, qui me parlait de la révolution et m’encourageait à la rejoindre.

Il me disait aussi que tous les villageois de mon âge avaient déjà rejoint la révolution. J’ai d’abord rejoint la résistance dans la commune de Chiphuch dans unité féminine du village. Les unités de guérilla féminines étaient chargées de transporter les malades ou les blessés qui avaient combattu contre l’armée vietnamienne lors de la bataille de Svay Rieng jusqu’à l’hôpital pour y être soignés.

En outre, tous les soirs, de 19 h à 21 h, on nous dispensait des cours sur la révolution avec l’Angkar. Je me souviens encore du chef de groupe qui nous clamait :

« Nous devons travailler ensemble pour construire une révolution pour libérer le pays et le peuple du régime de Lon Nol »

En février 1972, je suis partie travailler au P-101 Eastern Zone 203, un hôpital régional destiné à soigner les soldats blessés sur le champ de bataille. L’emplacement du P-101 se trouvait dans la commune de Trapeang Sre, district de Mesang, province de Prey Veng. L’Angkar souhaitait y recruter des personnes compétentes et responsables. Après avoir évalué mes compétences et mon sens des responsabilités, l’Angkar m’a envoyé travailler auprès d’un chef d’hôpital pour apprendre des notions de chirurgie générale et de soins.

Le premier jour, le chef d’hôpital du P-101 a appris à mon équipe à pratiquer des injections sur des bananiers. Mon équipe et moi avons pu traiter des patients dès le lendemain de notre formation.

En 1973, je suis allé suivre une formation médicale de six mois dans la région de Suong, dans la province de Kampong Cham. Je me souviens du jour où un avion a largué une bombe sur l’endroit où j’étudiais. Heureusement, le bombardement n’a tué aucun médecin et n’a occasionné que des blessés légers. J’ai couru et me suis cachée dans une fosse pour échapper aux tirs. Après le bombardement, l’Angkar a renvoyé le personnel médical pour étudier dans leurs départements respectifs. Je suis retournée étudier au P-101.

Plus tard, j’ai fini par épouser un chirurgien grâce à un mariage arrangé par l’Angkar et je suis allée vivre à nouveau dans le village de Veang. Les invités qui ont assisté à mon mariage étaient des cadres de deux zones, Ta Sai et Ta Sa. Il n’y avait pas de moines présents et seuls quelques « prêtres » sont venus célébrer la cérémonie.

En 1974, j’ai continué à étudier la médecine pendant six mois supplémentaires dans la même région.

« Je me souviens que la première étape de l’apprentissage de la médecine consistait à apprendre « d’abord la politique, puis les compétences médicales »

Après avoir terminé mes études, je suis retourné travailler au P-101 pour soigner les soldats khmers rouges qui combattaient les soldats vietnamiens lors de la bataille de Svay Rieng. La bataille faisait environ 70 soldats victimes chaque jour. Certains mourraient sur le champ de bataille tandis que d’autres décédaient après avoir été transportés à l’hôpital.

Après le 17 avril 1975, le chef de l’unité médicale, Tal, nous a dit que l’Angkar ne nous autoriserait plus à rester dans les régions éloignées parce que nous avions vaincu le régime de Lon Nol. Tous les médecins ont été renvoyés dans les divisions 92 et 147 du district de Peam Ro, dans la région de Neak Loeung. Pendant ce temps, des médecins et des patients ont été envoyés à Neak Loeung.

Photo ci-dessus : Keo Sam Art, 65 ans a rejoint la révolution, puis elle a étudié la médecine, a soigné les blessés et enterré les morts. Pheng Pong-Rasy/Centre de documentation du Cambodge

 

En 1977, l’Angkar a envoyé des troupes de la zone Sud-Ouest pour prendre le contrôle de la zone Est. Plusieurs chefs qui occupaient le poste de Chef B et de Chef C ont été tués par le parti un par un. Mon unité médicale a été envoyée pour soigner les patients à la base médicale du lycée Preah Ang Duong dans la ville de Prey Veng. Là, j’ai vu les Khmers rouges détenir et tuer de nombreux militaires de la zone Est. Les soldats qui étaient jetés en détention n’avaient jamais assez de nourriture.

75 personnes mouraient chaque nuit. Ma tâche consistait à soigner les prisonniers et à enterrer les cadavres dans la partie est du temple, dans la pagode Saing Samey. Il y avait déjà une fosse creusée à cette pagode.

Plus tard, ma mère m’a persuadée de me remarier avec un khmer rouge de l’ancien conseil de district de Mesang. J’ai eu six enfants, mais seuls trois sont encore en vie, et mon mari est décédé. Mes enfants sont aujourd’hui mariés et vivent avec leurs familles. Pour ma part, je vis seule ».

L’auteur, Phea Raksmey, est chercheur au Centre de documentation du Cambodge. truthraksmey.p@dccam.org

Avec son aimable autorisation

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