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Actualité : Ce que le conflit russo-ukrainien signifie pour l'Asie du Sud-Est et le Cambodge

Si la réponse des capitales d’Asie du Sud-est est restée discrète pendant les premiers jours du conflit russo-ukrainien, l’ASEAN et le Premier ministre cambodgien se sont exprimés ce weekend pour manifester leur volonté qu’une issue diplomatique soit privilégiée pour mettre fin à un conflit qui a fait plusieurs centaines de morts chez les civils, dont une quinzaine d’enfants ces derniers jours.

Soldats ukrainiens. Photo MDD (CC)
Soldats ukrainiens. Photo MDD (CC)

Intention russe

Selon Zachary Abuza, professeur au National War College de Washington, l’objectif du président Vladimir Poutine ne serait pas de prendre le contrôle de l’Ukraine. Il souhaiterait un gouvernement docile qui se plie aux exigences de Moscou.

« Poutine veut disposer des atouts politiques et diplomatiques d’États vassaux, sans les inconvénients de leurs économies peu performantes », affirme l’universitaire sur le site pro-américain RFA.

Une position peut-être réductrice et raccourcie qui n’engage que lui tant la situation, les raisons et futurs dénouements de cette crise demeurent extrêmement complexes dans cette région-poudrière.

Il appuie à nouveau son argumentation en affirmant : « Poutine fait revivre le vieux concept soviétique de “souveraineté limitée” : Les grandes puissances sont souveraines, et les États plus faibles, s’ils ne se plient pas aux exigences des grandes puissances, s’exposent à une intervention militaire et politique. », dit-il.

Inquiétude en Asie du Sud-est

Sur le dernier argument avancé par Zachary Abuza, on serait tenté de lui accorder quelque attention tant les excès des grandes puissances en Asie ont provoqué par le passé guerres, drames et conflits interminables. Et la crainte d’un sombre « déjà vu » face à l’incursion du géant russe dans un état « satellite » serait justifiée, particulièrement de la part des états de l’ASEAN comme le Vietnam et le Cambodge qui ont déjà payé un lourd tribut face aux ambitions territoriales et idéologiques des grandes puissances.

Sur le plan économique, la Russie ne figure pas parmi les premiers partenaires de l’ASEAN. Avant la pandémie le montant des échanges commerciaux se situait aux alentours de 20 milliards de dollars alors que ceux entre la communauté de pays et les États-Unis dépassaient les 350 milliards. Toutefois, comme le détaille M.Abuza, la principale source d’influence de Moscou réside dans sa position dominante sur les marchés de l’armement de la région avec des armes et munitions relativement bon marché. La Russie reste un fournisseur clé pour le Laos, le Myanmar et le Vietnam. Le pays a joué un rôle stratégique dans la modernisation militaire du Vietnam en lui vendant des sous-marins, des navires de guerre, des avions de chasse et des missiles sol-air. La Russie demeure aussi le principal fournisseur d’armes à la junte birmane depuis le coup d’État du 1er février 2021, exportant des avions à réaction SU-30MK, des avions d’attaque légère YAK-130, des véhicules blindés de transport de troupes et des systèmes mobiles de défense aérienne.

Bien que la Russie ait manifesté à plusieurs reprises son souhait de développer ses échanges commerciaux avec l’ASEAN, elle n’a certes pas atteint une véritable position stratégique, principalement en raison du rapprochement de plusieurs pays de l’ASEAN avec la Chine, mais possède un levier non négligeable en sa qualité de fournisseur d’armes.

Avec le Cambodge, qui possède des liens historiques avec la Russie liés à l’aide à la reconstruction après la chute des Khmers rouges, la coopération militaire demeure minime et le montant des échanges commerciaux s’élevait « seulement » à 220 millions de dollars en 2020, bien loin des huit milliards $ avec la Chine. Le royaume commerce donc de préférence avec la Chine et les USA, les deux premières puissances mondiales et n’a pratiquement aucune dépendance économique vis-à-vis de la Russie. Ce qui, hormis les conséquences à l’échelle mondiale d’un conflit qui pourrait s’étendre, le met plutôt à l’abri de retombées économiques directes liées au conflit.

Précédent juridique

C’est sur le concept de souveraineté que Zachary Abuza exprime des inquiétudes qui s’adressent aux nations de l’ASEAN. Pour lui, « il ne s’agit pas d’un conflit lointain avec peu d’incidence sur la sécurité de l’Asie du Sud-Est. Il ne s’agit pas non plus d’un problème de sécurité européenne ou d’une compétition entre grandes puissances ».

Selon l’universitaire, au contraire, « l’invasion russe crée un précédent juridique très dangereux, en particulier pour la Chine, qui n’a cessé de faire pression pour obtenir ses propres interprétations du droit international, plus clairement dans la mer de Chine méridionale ».

Une position qui pourrait se défendre, mais ne manque pas de soulever quelque ironie alors que cette dénonciation de « très mauvais exemple d’intervention », provient d’un pays qui possède une longue histoire ingérence justement au nom de la démocratie.

En fait cette position américaine pourrait se résumer à « ne cautionnez pas l’invasion russe, la Chine pourrait être tentée de s’en inspirer »… ce qui s’avère extrêmement réducteur et obère la formidable puissance financière de la Chine et son gigantesque projet des Nouvelles Routes de la Soie qui lui confortent un rôle stratégique et économique suffisant, en Asie et au-delà pour ne pas avoir à employer la force armée.

Positions diplomatiques

L’ASEAN et le Cambodge, qui la dirige cette année, n’ont pas souhaité entrer dans ce débat égo-centré et appellent plutôt à une solution consensuelle. En sus du communiqué de l’ASEAN publié hier et appelant à un « dialogue afin d’éviter que la situation ne devienne incontrôlable », le Premier ministre cambodgien Hun Sen s’est exprimé dans les colonnes de Fresh News, l’une des plus importantes agences de presse du pays.

Le Premier ministre a exprimé son désir de paix
Le Premier ministre a exprimé son désir de paix

Le Premier ministre a exprimé son désir de paix pour toutes les parties, en déclarant : « À mon avis, l’armée russe pourrait ne pas être en mesure de renverser l’Ukraine par l’utilisation de la force militaire, tandis que les militaires ukrainiens ne seront pas en mesure d’écraser les forces militaires russes et ne peuvent pas mettre fin à la guerre. La seule issue possible est celle des négociations pacifiques. »

Pointant du doigt les expériences malheureuses des interventions en Irak, Syrie et Libye, le chef du gouvernement Royal a poursuivi :

« La Russie pourrait être embringuée dans le territoire ukrainien si elle laisse des troupes à long terme sur son sol — ce qui a déjà été l’expérience des troupes soviétiques en Afghanistan dans les années 1980 et des soldats américains et de l’OTAN au XXIe siècle. La tâche la plus importante est de négocier de façon pacifique pour mettre fin à cette guerre sanglante et trouver une paix véritable. »

Comme il l’a souligné à maintes reprises, le Premier ministre a réaffirmé sa position en faveur de la paix, citant l’exemple du Cambodge :

« Le Cambodge a atteint la paix totale telle qu’elle est aujourd’hui. S’il n’y avait pas eu de négociations pour la paix, le Royaume serait peut-être aujourd’hui en guerre. J’appelle au dialogue et à une solution pacifique du conflit Russie-Ukraine ».

Face à une situation qui semble s’enliser malgré les annonces russes de pourparlers, ASEAN et Cambodge font à présent ouvertement part de leurs inquiétudes face à une possible escalade vers un conflit plus généralisé qui auraient forcément des retombées sur les économies asiatiques. Tant que le conflit reste régional, les impacts directs seront probablement minimes, mais cela ne doit pas occulter les préoccupations légitimes liées au respect de la souveraineté qui permet malgré tout de préserver un équilibre, fragile, mais un équilibre tout de même destiné à éviter de voir femmes et enfants courir et hurler sous les bombes.

CG

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