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  • Histoire & Archive : Svay Khleang, village cham pittoresque et insoumis

    Svay Khleang est un village Cham pittoresque situé sur la rive du Mékong, dans la commune éponyme, province de Kampong Cham. Historiquement, il était autrefois le centre de l’érudition et de l’apprentissage des musulmans chams au Cambodge. Au bord du Mékong Le village de Svay Khleang porte plusieurs noms, dont Prek Kaut, Prek Cham et Village 5. Même avant le Kampuchea démocratique, de nombreux endroits au Cambodge étaient connus sous deux noms : l’un utilisé par les Chams, l’autre utilisé par des non-Chams. Par exemple, les non-Chams connaissaient le village sous le nom de Svay Khleang, tandis que les Chams l’appelaient Prek Kaut. En khmer, Svay signifie « mangue » et Khleang, « entrepôt ». Explication : à l’époque coloniale, le gouvernement français avait construit un entrepôt sous un grand manguier à Prek Kaut. Les résidents ont donc appelé cet entrepôt Khleang Svay. Plus tard, le nom du village a été changé de Prek Kaut ou Prek Cham à Khleang Svay, et peu de temps après, il a été changé à nouveau en Svay Khleang. Insoumission aux Khmers rouges Svay Khleang est également bien connu pour sa résistance contre le régime de Pol Pot. Le village abritait environ 6 200 habitants avant les Khmers rouges. Seule une centaine de familles ont survécu après la chute du régime en janvier 1 979. « Avant l’arrivée des Khmers rouges, nous avions l’habitude d’étudier avec les Khmers. Il n’y avait pas de conflit. Nous pourrions parler Cham et embrasser notre culture et notre religion. Mais, après l’arrivée des Khmers rouges, tout est devenu interdit », raconte Hak Sary, une villageoise de 57 ans, qui a perdu 30 de ses proches sous le régime brutal du Kampuchéa démocratique. « Si nous essayions de pratiquer notre religion, ils nous tuaient… Nous devions nous couper les cheveux et nous ne pouvions pas porter nos foulards… Ils m’ont forcé à manger du porc sous la menace d’une arme » Cette zone, le village de Svay Khleang et commune du quartier Kroch Chmar de Kampong Cham, était un centre dynamique de la vie Cham avant que les communistes ne décident de briser la communauté en 1975. Cette année-là, les villageois ont eu vent de l’arrestation imminente d’un groupe de villageois qui avait tenu une prière à l’aube à la mosquée locale pour célébrer la fin du mois de jeûne du Ramadan. Armés d’épées, ils se sont rebellés et sont parvenus à tuer un cadre khmer rouge. Un assaut brutal et sanglant des révolutionnaires communistes a suivi. Des centaines d’hommes, femmes et enfants ont été tuées et les survivants ont été évacués de force vers différents endroits. La plupart ne reverront jamais leur village. Pour de nombreux observateurs, il ne fait aucun doute que cette minorité ethnique et religieuse a été ciblée avec une brutalité extrême. Certains historiens affirment que les Cham subissaient bien plus d'exactions que tout autre groupe ethnique. Les documents khmers rouges de cette époque stipulaient que ce groupe distinct devait être « éclaté » parce que « leur vie n’était pas si difficile ». Cependant, les Khmers rouges ont déguisé leur propre intention génocidaire dans leur seule déclaration officielle sur ce sujet lorsqu’ils ont annoncé : « La race Cham a été exterminée par les Vietnamiens » Aujourd’hui Le village de Svay Khleang possède plusieurs vieilles maisons construites par de riches familles, telles que les maisons de Ta Ba-ror-tes et Snong Man. Leurs habitations sont encore en bon état. No Min, 55 ans, chef de villagede Svay Khleang, vit dans la même grande maison en bois que son arrière-grand-père a achetée à la fin du XIXe siècle. No Min raconte que son ancêtre, un riche commissaire de police cham pour le Protectorat français, avait une famille de 11 épouses qui comprenait des femmes khmères, vietnamiennes, chinoises et thaïlandaises. D’autres dans le village disent qu’il était un marchand de bois qui transportait sa marchandise sur le fleuve jusqu’au Vietnam. No Min confie qu’il ne le savait même pas. Héritage précieux Farina So du Centre de documentation du Cambodge (DC-Cam), qui a pris l’initiative de tenter de préserver l’héritage de la communauté cham explique : « La plupart des informations proviennent de sources orales transmises de génération en génération. Nous avons trouvé très peu d’informations écrites sur ce village à l’époque » Tous les chercheurs s’accordent toutefois à dire que ce petit village cham sur la rive est du Mékong était autrefois un centre de la culture islamique du Cambodge. Le peuple Cham, dont le nombre se situe à environ 350 000 au Cambodge, trouve son origine dans le royaume hindou Champa qui a régné sur une grande partie du sud et du centre du Vietnam du VIIe au XIXe siècle. Après des siècles de guerre sporadique avec les Vietnamiens et les Khmers, le dernier de leur territoire a été annexé par le Vietnam en 1832. Bien que de nombreux Cham vietnamiens pratiquent encore l’hindouisme, la plupart de ceux du Cambodge se sont convertis à l’islam au cours du dernier millénaire pour des raisons encore mal élucidées. Illustre villageois Sanas Min, la fille de 23 ans de No Min, raconte qu’elle a grandi en écoutant des histoires sur le style de vie somptueux que menait son arrière-arrière-grand-père, Snong Man. « Il a construit des maisons et des stupas pour toutes ses épouses et leur a laissé de nombreuses propriétés avant de mourir », dit-elle ajoutant que Snong Man possédait même son propre éléphant. À quelques portes de la maison de No Min se trouve l’ancienne maison de Haji Osman Paung, un conseiller du roi Sisowath Monivong, également connu sous le nom de Ta Ba-ror-tes. Les chercheurs du DC-Cam ont entendu de la part des villageois que Ta Ba-ror-tes avait accueilli le roi lors de sa visite en bateau à vapeur, avec Snong Man couvrant le bord de la rivière avec un tapis de soie rouge pour l’occasion. Selon No Min, Ta Ba-ror-tes était le principal imam du Cambodge. Sanas Min, qui appelle Ta Ba-ror-tes « grand-père », confie que son amitié avec Monivong est toujours légendaire dans le village. « Le roi avait même l’habitude de visiter sa maison et ils chassaient ensemble, c’est donc un point d’histoire important dont le village parle encore » L’intérieur de la vieille maison, qui est gardée verrouillée par les villageois, abrite encore les vieux meubles de Ta Ba-ror-tes, des bancs en bois richement sculptés, un bureau et un lit et un vieux luminaire suspendu à une chaîne poussiéreuse. La maison a fait en 2014 l’objet d’un différend entre les parents survivants de Ta Ba-ror-tes. Bien qu’Ibrahim Keo, un fils de Ta Ba-ror-tes vivant aux États-Unis, eut confié la propriété à DC-Cam, d’autres proches avaient revendiqué la maison et même contracté une hypothèque en faveur d’une banque locale. « Cela n’était pas surprenant pour nous. Nous devions nous attendre à tous ces types de problèmes lorsque nous travaillions à la préservation du patrimoine et au développement de la communauté » À côté de la maison de Ta Ba-ror-tes se trouve un minaret à trois niveaux construit au XIXe siècle au centre du village près de la rivière. On sait peu de chose à ce sujet, bien que No Min suggère qu’il était actif jusqu’à ce que les cadres khmers rouges le saccagent. « Nous supposons que ce style architectural est une combinaison de styles cham, arabe et khmer », explique Farina So, ajoutant que tout ce qu’ils savent avec certitude, c’est que le minaret était déjà érigé lors de la visite du roi Monivong au début du XXe siècle. Pour No Min, sa propre maison, transmise par son arrière-grand-père, est un héritage familial qu’il entend conserver. Elle lui a été offerte comme cadeau de mariage et il aimerait donner la maison à l’un de ses trois enfants. «Je ne vendrai jamais cette maison », dit-il, ajoutant qu’il y était né et y avait vécu toute sa vie. Un riche homme d’affaires de Phnom Penh voulait acheter cette maison, mais il a refusé de la vendre. Sanas Min, qui est arrivée à Phnom Penh en 2009 et travaille chez DC-Cam, confie qu’elle aime la maison de son enfance et qu’elle lui manque. « L’emplacement de ces maisons est vraiment agréable, le long de la rive où les anciennes générations musulmanes résident toujours » Cependant, son père doute que l’un de ses enfants veuille retourner à Svay Khleang pour reprendre la maison familiale. Lorsqu’on lui a demandé si elle serait intéressée, Sanas Min confie qu’il est trop tôt pour le dire. « Je ne sais pas encore, mais je retournerai probablement vivre à la maison quand je serai vieille » Références et illustrations : Cambodia: The Cham Identities by Documentation Center of Cambodia & democratic-kampucheas-genocide-of-the-cham par Julie Thi Underhill

  • Cambodge & Histoire : Les mé srok ou premiers collecteurs d’impôts cambodgiens

    Le travail remarquable d’Im Monychenda, historien diplômé de la dix-huitième promotion de l’Université Royale de Phnom Penh, permet de comprendre combien il a été difficile pour les officiels Cambodgiens de se mettre d’accord sur un système de décentralisation qui puisse fonctionner correctement dans le pays. La réforme avait suscité bien des débats en préambule aux premières élections communales de 2002, qui avaient vu ensuite la victoire du CPP avec 60 % des voix et 98,5 % des sièges (vote à la proportionnelle) déjà, devant le PSR (Parti de Sam Rainsy). Un peu d’histoire… Le khum Avant l’instauration du protectorat français au Cambodge, le khum pouvait être comparé à la structure tribale au sein d’un village, mais les khum qui possédaient déjà une certaine structure n’avaient pas de caractéristiques aussi précises que celles qui ont été mises en place par les Français au Cambodge en 1908. En effet, la commune française se révèle être une unité administrative particulière. En fait, les khum n’apparaissaient pas dans les textes écrits et l’on n’est sûr que de l’existence de la structure provinciale (khet) dirigée par un gouverneur de province (chauvay khet) (fonctionnaire supérieur) qui était responsable de tout et qui assurait le lien avec le roi. Chaque province était divisée en srok, chacun d’entre eux sous l’autorité d’un chauvay srok (chef de srok). Quant aux villages, chacun d’entre eux était sous l’autorité d’un mé srok ou chef de village. Habituellement, le mé srok était un mé kantreanh (chef tribal) et était le représentant du chauvay srok, ce dernier ayant le plus de pouvoir. Pour ces raisons, les Français ont considéré que le khum était l’équivalent d’une mairie et ils ont, en conséquence, réaménagé progressivement ces structures sur le modèle et la législation français de l’époque. Le mé srok cambodgien d’autrefois était un homme dynamique suffisamment jeune pour pouvoir assumer ses fonctions et il était choisi par un groupe de personnes âgées du srok. Le srok à cette époque signifiait le « village natal » et n’avait pas le sens administratif actuel de « district ». La tutelle des anciens Les groupes de personnes âgées portaient la dénomination de « groupe de délibération des anciens » (krom chumnum chas tum) – à comparer avec le terme grāmav® ddha signifiant « les sages du village » ou « les sages dans le village », ceci est attesté dans les inscriptions pré-angkoriennes et angkoriennes. Les décisions prises par le « groupe de délibération des anciens » étaient transmises au mé srok qui était chargé de les appliquer. Le mé srok accomplissait son travail sans aucune rétribution en numéraire, mais était récompensé par l’estime et la gratitude des habitants, et recevait les dons que ces derniers voulaient bien lui octroyer. Ce système administratif était un système basé sur l’« ancienneté », c’est-à-dire qu’on respectait les anciens et qu’on exécutait leurs ordres et respectait leur avis. Du fait de la présence d’anciens mandarins, de laïques versés dans les rites bouddhiques (achar) et de savants en lettres qui participaient aux affaires du srok, ce « groupe de délibération » (krom chumnum) s’est transformé par la suite en krom ponhea (groupe de fonctionnaires). Les membres du krom ponhea choisissaient les adjoints du mé srok, que l’on appelait chumtop. Les chumtop eux-mêmes pouvaient se trouver des smien (secrétaires) pour les assister aux travaux en écriture et en diverses autres tâches. Tous travaillaient sans salaire car la notion d’« argent à dépenser » a été l’œuvre du roi Ang Duong, c’est-à-dire seulement à partir de la deuxième moitié du dix-neuvième siècle. Les chumtop recevaient des poissons, des noix de coco, des fruits, des légumes, etc., en récompense de leur peine. La commune collectrice de l’impôt colonial À leur arrivée, les Français ont utilisé les mé srok pour lever les impôts pour l’administration (française). Pour cette raison, personne ne voulait devenir mé srok. Par la suite, en 1901 et 1902, les Français ont instauré le principe d’élection des mé srok et des « groupes de délibération » (krom chumnum), en instaurant également le principe d’un bénéfice en pourcentage pour les mé srok. Mais ils ont également augmenté les pouvoirs de ces derniers. Ces mesures ont été prises pour rendre la collecte des impôts plus efficace. L’argent et les honneurs (bon sak) que le protectorat français conférait aux mé srok les a transformés de personnes au service de la population et que cette dernière estimait, en agents salariés des Français qui opprimaient les autres Cambodgiens pour percevoir les impôts. Dans le sens administratif, mé srok désignait les chefs de commune (mé khum), expression que l’on utilisait avant 1908, mais du fait de la popularité de son emploi, cette expression a été en usage pendant très longtemps, jusque dans les années 1960, mais sans aucune précision de sens sur la division administrative intermédiaire se situant entre la province (khet) et le village (phum). En 1901 a été créé un conseil du srok qui comprenait le mé srok, les chumtop et deux notables. Ce conseil se trouvait sous l’administration directe du mé srok et sous la haute responsabilité du chauvay srok, dont le rôle était de collecter les impôts. Le mé srok était celui qui créait des relations fortes entre les échelons supérieurs et la population. Il semble que le système d’élection des mé srok et des « groupes de délibération » (krom chumnum) n’avait pas de contours bien définis d’autant que les Français ne cherchaient qu’à se débarrasser des mé srok relevant de l’ancienne structure. Il n’y eut plus de « tentative d’organisation des communes cambodgiennes » après 1902. Les anciens khum ont pratiquement cessé de fonctionner et il a fallu créer de nouvelles entités de type « communales ». La naissance de l’organisation communale En 1908, les Français ont changé le mot srok en celui de khum, et le mé srok est devenu un mé khum (chef de commune) craint et détesté par la population. Voyant le manque de collaboration, les Français ont procédé en 1919 à des élections universelles pour choisir les mé khum et les groupes de délibération (krom chumnum) et ont permis aux khum de disposer de leur propre budget. Le budget communal était un appât pour attirer de nombreuses entrées d’impôts. Mais cette façon de faire n’obtint pas beaucoup de résultats à cause du peu de collaboration de la population qui se retrouvait écrasée par des charges supplémentaires qui aggravaient ses conditions de vie. On a créé les budgets communaux tout en sachant pertinemment que les mé khum n’avaient aucune capacité et qu’ils restaient toujours soumis aux représentants du pouvoir central (le gouvernement). Ainsi on s’aperçoit que de 1889 à 1953 l’administration du protectorat français a procédé à huit réformes importantes de l’administration communale, mais sans aucun effet, et d’un stade à l’autre on ne constate rien hormis la publication d’ordonnances royales visant à l’aménagement des communes. De même, on se rend compte que l’administration de cette époque relevait d’un modèle à la fois décentralisé et centralisé. Du mois de janvier 1926 à 1943, le khum avait réellement une fonction aux termes de la loi comme la commune française. Mais l’on peut regretter que le système des élections communales fût abandonné après la réorganisation communale de 1943 sous l’administration coloniale fidèle au régime de Vichy de l’amiral Decoux. Les chefs de commune (mé khum) et leurs adjoints (chumtop) furent nommés par l’aphibal khet (chauvay khet ou gouverneur de province) avec l’approbation du résident français. À compter des décrets n° 53 NS et n° 40 NS du 5 décembre 1941 et de juillet 1943, les communes furent divisées en deux catégories, en se basant sur le statut et la capacité de travail — certaines communes ayant des conseils communaux formés par nomination, tandis que d’autres avaient des conseils formés sur un mode électif. Les communes importantes ou celles qui avaient la plus grande superficie virent leurs élections ajournées ou suspendues. Dans les communes peu importantes ou de petite dimension, on autorisa les élections qui ne furent cependant pas mises en pratique. D’autre part, d’après les principes posés par la loi, si une place devenait vacante pendant la période de fonctions du chef de commune, il n’était pas permis d’élire un suppléant. Il fallait attendre la fin du mandat dudit chef de commune avant de procéder à des élections. Dans la réalité, tous les sièges vacants se retrouvaient occupés par le biais de nominations. Jusqu’en 1955, une circulaire proposait l’élection de chefs de commune, mais son application était différente selon les provinces, le souci des autorités étant de conserver un habillage démocratique au système. Ainsi la commune est apparue dans la société cambodgienne à partir de 1908, mais sans en avoir les caractéristiques complètes ni la stabilité. Quant à l’aménagement d’une administration communale, elle a entraîné un changement très important de l’administration publique au Cambodge dont nous percevons encore les effets aujourd’hui. Im Monychenda

  • Histoire & Patrimoine : Chantiers de pagodes dans le Cambodge colonial de 1900 à1940

    Entre 1900 et 1940, des centaines de pagodes bouddhistes cambodgiennes sont détruites et reconstruites sur tout le territoire du protectorat. Les Cambodgiens négocient avec les autorités, chantier par chantier, la refondation du bâti votif et la revivification du culte dans les vatt ruraux ou urbains. À la différence des temples anciens, les monastères bouddhistes contemporains sont tout d’abord exclus de la définition du patrimoine. Ils deviennent alors un enjeu de représentation pour les élites cambodgiennes qui s’emparent de cette question d’administration pour affirmer leurs prérogatives sociales et politiques face à la force française. Alors que les notions de communauté, de village et de réseau sont au cœur des renouvellements historiographiques des études khmères, l’auteure s’interroge sur les acteurs de ces chantiers de pagodes, depuis les campagnes jusqu’à la capitale, et sur les enjeux de cette refondation du bâti votif khmer durant la période coloniale. Le fait religieux au Cambodge en situation coloniale Le patrimoine votif au milieu du xixe siècle Dès les années 1870, alors que vient d’être signé le traité de protectorat (1863), les récits colportés sur les ruines monumentales de la jungle cambodgienne sont des vecteurs puissants de l’imaginaire colonial français en Indochine : le mythe d’Angkor est ainsi, durant tout le siècle de domination que connaît le pays khmer, instrumentalisé par les pouvoirs indochinois. Cependant, alors que les Français « découvrent4 » Angkor, le cœur de la vie religieuse cambodgienne se localise dans les vatt disséminés sur l’ensemble du territoire khmer. C’est là que se rassemblent les populations des hameaux qui constituent les villages, que s’organisent les rites ou que les enfants sont alphabétisés. Les communautés de religieux qui habitent ces vatt sont entretenues par la collectivité : issus de l’environnement proche ou venus spécialement se former chez un grū renommé, les moines peuvent se consacrer à l’étude et à la prière pour des périodes plus ou moins courtes de leur vie ou bien « faire carrière » depuis l’enfance. Les bâtiments incluent le vihāra : le sanctuaire, la sālā puṇyā : la salle de cérémonie, et les bâtiments annexes : cellules monastiques, écoles, site de crémation et stūpa, les monuments funéraires. Ceux-ci sont entretenus par les fidèles sous la responsabilité d’un laïc investi d’une autorité tant civile que religieuse, l’ācāry, qui, en plus d’être le référent de rituels spécifiques, a souvent reçu une formation d’architecte et de charpentier. Majoritairement construits en bois et bambou sur des terrains consacrés par des usages plus anciens, les vatt datent pour la plupart du règne du roi Ang Duong (1796-1860) : détruits lors des périodes récurrentes de guerre, ils sont reconstruits à travers des patronages royaux ou par les dons des élites locales alors que se stabilise la situation politique au milieu du xixe siècle7. La période de paix sous tutelle coloniale est alors propice à une valorisation de ce bâti par les Cambodgiens. Jugés improductifs, accapareurs de ressources par les Français parce qu’ils sont exempts d’impôts et de corvées, les moines possèdent une influence considérable sur les populations, influence autonome voir concurrente des discours civilisateurs impérialistes. Face au modèle siamois introduit dans les monastères par la réforme dhammayut, les Français encouragent les autorités mahānikāy dans leurs initiatives de réforme, voire créent de toutes pièces des institutions dédiées à l’étude de la religion comme l’Institut bouddhique (Edwards 2007 ; Hansen 2007). Au quotidien, les représentants français ont tendance à soutenir les vatt au nom des « œuvres » de la colonisation et profitent au début du siècle des nombreuses édifications, notamment les chantiers de vatt princiers comme dans le cadre de la monumentalisation de Phnom Penh, pour communiquer sur la prospérité du protectorat et les bénéfices de la protection française pour la population. L’émergence du problème des vatt À partir des années 1910, alors qu’est introduite la propriété privée telle qu’entendue par les juristes occidentaux qui remet en question les pratiques foncières héritées, les autorités religieuses réclament l’attribution de concessions pour pérenniser leurs installations face au développement du marché immobilier et aux expropriations. Concernant les vatt, les autorités locales françaises sont, jusqu’aux années 1910, assez conciliantes : elles autorisent les procédures de concession, aident aux réfections de certains monastères. Il s’agit de valoriser le bâti permanent, les centres de réunion et donc de contrôle des populations, d’identifier des figures de référence avec qui entretenir des contacts sur le terrain. Après 1910, l’inflation dans les archives des procédures de réfection des vatt ne doit pas forcément nous amener à conclure que le mouvement de rénovation des édifices religieux démarre à partir des années 1900 : il était peut-être tout simplement indépendant des autorités protectrices et donc non référencé. Alors que les Français mettent en place un droit forestier et accentuent la pression fiscale sur les communautés, les procédures se multiplient parce que le contrôle civil s’accroît. Cette croissance des procédures, signe du meilleur encadrement des populations, inquiète les Français. Jugés improductifs, les vatt sont également décrits comme trop nombreux : se basant sur leurs représentations de la paroisse chrétienne, les Français envisagent la pagode comme un dispensaire de sacrements obligatoires et de diffusion du dogme à une population fixe habitant sur un territoire défini et limité. Tout comme les colonisateurs sont circonspects face aux formes d’occupation des sols des populations rurales : habitats épars, hameaux semi-permanents, migrations saisonnières, qui ne correspondent pas à leur définition du village (Luco 2016 ; Forest 1980 : 27-30), la présence de plusieurs vatt dans des zones de faible densité ou bien la fréquentation de plusieurs sanctuaires par les mêmes individus les déroutent : « Je vous rappelle que vous devez tendre à diminuer autant que possible les charges qu’entraîne pour les habitants l’existence de plusieurs pagodes dans un même khum. Il est de l’intérêt même de la religion bouddhique que les ressources et les efforts de la population d’une commune, au lieu de se disperser, se concentrent sur le même monastère qui pourra ainsi être construit et entretenu dans les meilleures conditions », écrira le Résident Supérieur Baudoin. Alors que cette multiplication des sites religieux sur un territoire correspondrait, selon les autorités khmères, aux croyances religieuses de la population, l’administration met alors en place un formulaire qui vise à décourager les Cambodgiens d’entreprendre ces chantiers. Tout d’abord, les procédures ne doivent pas émaner des religieux, mais des populations laïques, représentées par l’ācāry du vatt. Celui-ci doit fournir des preuves des ressources financières indispensables aux travaux et une liste des souscripteurs engagés à les payer, alors que la société khmère est encore largement sous-monétarisée (Guérin 2012 : 441-462). Les fonctionnaires khmers locaux sont les garants de ces procédures qu’ils transmettent avec avis au résident provincial qui communique le dossier à la résidence supérieure et au Palais. Le Conseil des ministres, par le biais du ministre du Palais puis du ministre des Cultes, émet — si avis favorable du roi — une ordonnance royale. Dans le cas d’une construction nouvelle, le service du cadastre doit visiter le terrain et procéder à son relevé. À la fin des années 1930, l’administration propose même des plans types de vihāra, de 3 à 4 formules distinctes que les ācāry doivent sélectionner s’ils veulent voir leur dossier accepté. Une société khmère consensuelle Toutes ces étapes visent à décourager les impétrants. Elles ne suffisent cependant pas. Alors même que la bureaucratie a segmenté les procédures et veut procéder au cas par cas, de vatt en vatt et que depuis le traité de protectorat (1863), la francophilie intéressée de certaines élites a permis à la France une ingérence accrue dans les affaires du royaume (Müller 2015 ; Forest 1980), les dossiers de pagode sont un exemple de consensus des Cambodgiens, quels que soient leur appartenance sociale et leur degré d’implication dans l’État colonial, face aux Français et à leurs ambitions. Par emprunt à l’expression initialement conceptualisée par Benedict Anderson dans l’étude du nationalisme, Ann Ruth Hansen définit ainsi ce qu’elle assimile à une communauté imaginée basée sur la pratique du bouddhisme : « fellow adherents of a religion (qanak tam sāsana), the fourfold religious community (parisāḷ) ». Depuis le me ghuṃ (chef de commune) jusqu’au Conseil des ministres, les fonctionnaires khmers appuient toujours les personnes engagées dans les chantiers : le ministre catholique Col de Monteiro (1844-1908) lui-même ne peut les désapprouver. Des ministres, comme samtec Thiounn (1864-1946) ou l’uk ñā Son Diep (1855-1934), jugés francophiles, sont eux-mêmes à l’origine de fondations ou de refondations de vatt. Le Palais, les princes et les fonctionnaires participent aux chantiers en tant que donateurs ou protecteurs à travers des dons, des interventions administratives ou privées. Alors que s’accumulent les procédures, les dignitaires religieux et les ministres demandent dès 1926 une autorisation de reconstruction générale des vatt : « J’ai l’honneur de porter à votre haute connaissance que les vieilles pagodes au Cambodge atteignant un nombre élevé, j’estime qu’il y a lieu de solliciter de la bienveillance de l’Administration l’élaboration d’une Ordonnance royale accordant une fois pour toutes l’autorisation de reconstruire ou de réparer ces édifices religieux selon les us et coutumes du pays », écrira Le Chef de la Secte Mohanikay au ministre des Culte. Le patrimoine votif, questions d’appartenance Patrimoine votif, patrimoine foncier L’État colonial souhaite diviser pour mieux régner en forçant au cas par cas, or il s’avère que les logiques religieuses khmères mobilisent des relations interpersonnelles et intègrent des problématiques foncières (Guéret 2015 : 35-36). En effet, les chaînes de dépendance sociales jouent en faveur des acteurs des chantiers, les autorités administratives khmères locales répondant aux sollicitations de leurs parents et affiliés. Ainsi, la mise en place des contrôles de construction et reconstruction, qui se standardisent autour de 1914, alors que la pression fiscale s’est énormément accrue sur les communautés des suites du conflit mondial (ibid.), vise un système de dissimulation des patrimoines que les Français suspectent sans avoir toujours les moyens de le dénoncer. Tout d’abord, les vatt sont souvent construits sur des terrains privés, sur les terres des grandes familles, des princes et de la couronne qui sont les premiers fondateurs de pagodes en tant que patrons de kaṃlāṃṅ (clientèle) et représentants de la force protectrice des territoires (Forest 1980 : 27-57). D’où des complexités d’ordre juridique, les vatt pouvant appartenir en propre à des individus qui peuvent les léguer ou les détruire et rénover à leur guise. Les Cambodgiens offrent d’autre part de nombreuses terres aux monastères : terres que leurs anciens propriétaires continuent cependant d’exploiter et en distribuent partiellement les récoltes aux moines lors des grandes célébrations dédicatoires comme la fête de Kathen ou sous la forme du don quotidien de nourriture — d’autant que les moines sont issus des familles des fidèles. Une fois formellement possédée par le vatt ou les moines, la terre n’est plus imposable. Toute nouvelle construction de vatt conduit à un nouveau terme d’occupation des sols, le passage des ingénieurs du cadastre étant une aubaine pour ceux dont les droits sont contestés, ou qui sont menacés de l’être. Une ordonnance royale de 1926 veut mettre fin à ce système en taxant les possessions exploitées au nom des vatt : Art. 5 — Sont astreints au payement des contributions, impositions, prestations, redevances et taxes qui sont ou pourront être institués en Indochine par l’autorité compétente : I° —Les entreprises agricoles, commerciales et industrielles exploitées, soit directement, soit indirectement, par un ou plusieurs religieux. 2° — Les immeubles bâtis et non bâtis productifs de revenus y compris ceux dont l’usage ou l’usufruit est délaissé gratuitement au profit de tiers. 3° — Les étangs et pièces d’eau exploitées. 4° — Les animaux domestiques servant aux entreprises agricoles, commerciales ou industrielles. 5° — Tous les biens non affectés de façon permanente et exclusive à l’exercice d’un culte, à l’usage personnel des religieux, aux besoins des établissements gratuits d’associations, d’éducation et d’instruction, tenus par des religieux ou pour leur compte. Les vatt entrent alors dans la définition vernaculaire du patrimoine telle que théorisée par Grégory Mikaelian et Saveros Pou à travers la notion de kerti, c’est-à-dire à la fois la « réputation », la « renommée », la « gloire » de la lignée familiale reçue en « héritage (maratak ou ker) » par les descendants, mais également les biens, y compris fonciers, qui sont la manifestation présente des mérites capitalisés par la lignée (Mikaelian 2012 : 288 ; Pou 1982 : 33-54). Ainsi, dans la province actuelle de Takéo, l’uk ñā Son Diep fonde avant 1920 pour sa fille aînée et à son nom le Vatt Sun Sumālī, au pied de l’actuel Phnom Borei. À ce même endroit, il possède alors une maison et 991 hectares de concessions rurales. Réseaux sociaux et vatt La communauté imaginée décrite par Ann Ruth Hansen, basée sur la pratique du bouddhisme et associant l’ensemble des fidèles, apparaît plutôt comme un regroupement de familles d’un même lignage partageant un même héritage. Alain Forest considère qu’un chantier de pagode est porté par une communauté villageoise qui se définit en tant que telle à travers l’action dédicatoire. En réalité, le village lui-même n’apparaît pas comme acteur, ce sont les familles d’une même lignée, pouvant venir de communes différentes, voire très éloignées, qui entretiennent ainsi leur kerti. Il faut alors distinguer le vatt de la commune, c’est-à-dire le site, et la communauté des fidèles réunis pour financer un chantier. Dans les documents, le donateur n’est pas toujours cité, mais il œuvre derrière l’ācāry : c’est celui qui donne la somme la plus importante et qui est parfois cité juste après l’ācāry dans les listes de contributeurs. Ce donateur est le représentant de sa lignée. On observe donc une communauté religieuse, basée sur les liens personnels — liens familiaux et spirituels avec les moines du vatt — et non une communauté proprement locale. Voici comment, en 1921, le gouverneur de Kompong Siem (Kompong Cham), Kan, présente sa démarche à la résidence supérieure : « En prenant les travaux en main, j’avais fait un appel à la générosité volontaire de ceux des adorateurs du culte bouddhique que je connais dans la province de Kompong Siem et d’autres provinces ; car d’après les coutumes cambodgiennes, on doit toujours aviser ses coreligionnaires lorsqu’on fait des biens pour la religion […] Mon rôle se borne seulement pour le contrôle de la direction, afin d’éviter et de prévenir tous accidents. » Dans ce contexte, les chaînes de solidarité propres à cette communauté lignagère jouent d’autant plus que leurs ramifications parviennent au plus haut niveau de l’État : dans la province de Kompong Chhnang, les fonctionnaires subalternes et les communautés d’habitants mobilisent leur réseau familial et social qui s’étend jusqu’à la capitale et au palais royal. Ainsi, en 1919, c’est la princesse Konthor Bophasi, épouse du roi Sisowath, qui patronne les démarches administratives du Vatt Khontor Thidaram de Banteai Préal à Roléas Peir : au nom du roi qui est le protecteur du vatt, et de sa lignée qui lui a donné son nom, la dame se déplace dans la province pour entendre les moines et habitants qui cherchent à remplacer le vénérable décédé et rédige (ou fait rédiger) un rapport de sa visite. Les princes comme les ministres sont sollicités personnellement par leurs affiliés et s’emploient ainsi à mettre en scène leur prééminence sociale : originaire de la région, le ministre Thiounn y fait œuvre d’évergète en faisant construire le Vatt Kompong Tralach Krom officiellement inauguré en 1916 en présence du résident de Kompong Chhnang et du prince Sisowath Monivong (1875-1941). Le samtec Thiounn patronne également la reconstruction du Vatt Sopoar Raingsey de Kompong Ta Chès qui est renommé en son honneur en Vatt Samdech Chauféa Thiounn en 193 931. Certains trouvent également un intérêt financier à mobiliser ainsi leur parentèle, tel le cāṅ hvāṅ Hom, directeur des pages royaux, qui est accusé avec ses proches de malversations lors de la refondation du monastère royal de Préa Bat Trong Lak dans sa région d’origine de Babaur en 1920. Stratégies d’usure Les élites laïques et religieuses développent alors un argumentaire idéologique pour infléchir le protectorat. Ainsi, plutôt que de parler des croyances qui sont au cœur de la fondation ou de la refondation des édifices, de la nécessaire protection des territoires par l’assurance de réponse rituelle adaptée aux besoins des populations, toutes choses que le colonisateur juge « archaïques », les auteurs des documents administratifs insistent sur plusieurs points sensibles de la propagande coloniale. Notamment la fameuse protection sous laquelle est placée la population cambodgienne. Le colonisateur qui a apporté la paix dans le royaume doit ainsi permettre aux populations de reconstruire et d’enrichir leur culture tombée en sommeil et réveillée par la « civilisation » : les fonctionnaires khmers le proclament, les Français participent ainsi à la revivification du pays khmer à travers la revivification du bouddhisme local, voire acquièrent des mérites eux-mêmes. Thiounn fait par exemple un discours vantant le protectorat durant les fêtes de fondation du Vatt Kompong Tralach Krom : en pleine guerre (1916), l’aide de la France dans cette édification donnerait, selon lui, confiance aux Khmers dans l’avenir et la richesse du sanctuaire refléterait la puissance de la « Mère Patrie ». Le protectorat acquiert ainsi lui-même une juste kerti. Le gouverneur Kan de Kompong Siem écrit en ce sens en 1921 à la résidence supérieure : « Pour remplir un engagement qu’il avait contracté en faisant des vœux pour la victoire de la France et de ses alliées au cours de la récente guerre, M. Eakhau a demandé la construction de cette [sic] édifice, pour en marquer un souvenir mémorable et témoigner la respectueuse gratitude de lui et de la population à la grande nation protectrice. » D’autre part, les Khmers ont noté la notion d’antériorité chère à une conception du temps et de la coutume comme des objets de valeurs en soi : les pagodes que les communautés demandent à rénover sont toujours présentées comme « ancienne », « antiques », « construite[s] depuis fort longtemps », dont la perte sous-entendrait l’incapacité du protectorat à entretenir les valeurs du passé, et donc à faire régner l’ordre. Ainsi, les craintes de désordres sociaux nés de l’intervention des forces françaises dans les affaires religieuses sont mises en scène par les fonctionnaires qui témoignent de l’attachement des populations à leurs moines et vatt en insistant sur l’enthousiasme et l’unanimité des Cambodgiens souscripteurs, sous-entendant les réactions d’incompréhension et de colère que provoquerait un refus. Les dangers de l’effondrement des bâtiments anciens, effondrements qui risqueraient de faire disparaître les actions méritoires des générations passées et donc la kerti de leurs descendants, sont souvent évoqués : « Après examen sur place, je constate que la demande de cet achar [ācāry] est susceptible d’accueillir favorablement [d’être accueillie favorablement] et qu’en laissant le temple dans tel état, il risquerait d’avoir des accidents de personnel parmi les bonzes et les fidèles — signé par le cauhvāysruk (chef de district). » Les jeux d’alliance permettent ainsi le patronage des vatt face à l’administration française. Les personnels de celle-ci sont d’ailleurs des acteurs majeurs des fondations et refondations, notamment parce qu’ils en connaissent les fonctionnements. L’ancien me ghuṃ Yok Chhum est l’un d’eux. En 1931, à 61 ans, juste retraité de l’administration provinciale où il n’est pas en odeur de sainteté auprès du résident, Chhum se lance dans la carrière d’ācāry et fait œuvre de donateur : il obtient l’autorisation de construire une sālā sur le lieu-dit Kam Your de Mélom dans le pays de Babaur. Ce lieu-dit a été le lieu d’érection d’un vatt abandonné depuis peu. Au prétexte d’y faire des célébrations ponctuelles, Chhum utilise l’autorisation de la résidence de Kompong Chhnang pour construire plusieurs sālā, protéger des statues laissées sur le site et surtout installer neuf moines dhammayut venus de Pursat. En effet, le ghuṃ de Mélom et le ghuṃ voisin de Phsar sont habités par une centaine de fidèles dhammayut, soit plusieurs familles de fonctionnaires ayant des liens avec le palais royal. Des cérémonies sont célébrées, et l’ācāry Toch du vatt précédent se déplace malgré son grand âge pour offrir rituellement les colonnes de la pagode ancienne à la nouvelle communauté de Kam Your. En 1932, Chhum se lance dans les démarches pour obtenir l’autorisation de construire le vihārā. Le résident supérieur, furieux, fait faire des enquêtes pour recueillir des témoignages d’habitants d’obédience mahānikāy opposés aux travaux. Mais les Cambodgiens interrogés, fidèles des vatt voisins de Vatt Mélom, Vatt Tuol Rokoal et Vatt Ponha Kéo, ne se préoccupent pas de l’obédience de la nouvelle pagode de Kam Your, ils s’inquiètent du respect de leurs droits sur les arbres du lieu-dit — des palmiers à sucre. Chhum obtient ainsi en 1933 le droit de fonder le vatt avec 75 souscripteurs et un budget conséquent de 5 000 piastres dont il débourse la majorité. Un patrimoine khmer ? Conflit autour du patrimoine Les vatt font partie du patrimoine tel que l’entendent les Khmers : partie intégrante de la kerti, à la fois héritage (ici foncier) et renommée, appartenant à une collectivité ou un individu qui se sentent responsables de leur rayonnement. Mais comment faire admettre cette acception du patrimoine lorsque le principal sujet abordé ici est la reconstruction totale ou partielle des bâtiments ? Les populations n’hésitent pas à détruire un sanctuaire sans le reconstruire si la communauté monastique rejoint un autre vatt, comme à Kam Your. Les statues de l’ancien vatt ont alors été laissées sur place. Après la création de la Commission des antiquités et des monuments historiques en 1919, son directeur George Groslier (1887-1945), futur directeur du musée Albert Sarraut et de l’École des arts cambodgiens, propose un texte de loi pour contraindre les religieux à offrir leurs pièces d’art aux institutions. En cause selon lui, les Cambodgiens, qui rénovent allègrement leur vatt et font disparaître le bâti ancien, dit traditionnel, en bois, mais qui seraient, à l’inverse, immodérément attachés aux objets du culte, aux pièces de bois telles les poutres et colonnes qui se transmettent, comme on l’a vu, en cas de refondation, ainsi qu’aux statues et ruines qui se trouvent sur le site des monastères. Les autorités de la conservation souhaitent alors distinguer la question immobilière et se concentrer sur les biens mobiliers. Louis Finot (1864-1935), directeur de l’École française d’Extrême-Orient (EFEO) sollicite ainsi en 1924 la résidence supérieure pour forcer des religieux à livrer ou vendre ce qui intéresse l’EFEO, comme le prévoit la loi depuis 1921. La résidence insiste cependant pour que les prélèvements in situ effectués par l’EFEO ou le musée Albert Sarraut concernent uniquement des objets abandonnés et exclus des célébrations rituelles pour éviter de provoquer la colère des habitants. Les résidences provinciales font notamment des enquêtes assez complètes lorsqu’un objet leur est confié, pour éviter les revendications des véritables propriétaires. Concernant les bâtiments, les conservateurs du patrimoine vont du désintérêt absolu pour les vatt contemporains, ne se concentrant que sur les ruines des prāsāt (temples brahmaniques) qui se trouvent sur les terrains monastiques, à la critique acerbe des rénovations qui dénaturent selon eux l’art khmer. Groslier rapportera : « Je signale enfin l’illogisme, le manque de bonne foi de tel chef de pagode qui n’hésite pas à faire reconstruire un Preah Vihear en ciment armé lamentable, par des entrepreneurs chinois, bouleversant toutes traditions et toutes croyances, et tout à coup, refuse de livrer un morceau de bois ou une statuette sous prétexte intempestif qu’ils sont sacrés et que la population se révoltera si on y touche ! » Les élites khmères sont notamment accusées de laisser leur patrimoine disparaître, négligeant leurs artistes au profit des entrepreneurs bétonniers. Le Conseil des ministres et la notion de patrimoine Ces critiques contre l’élite cambodgienne ne sont pas sans effet. Le Conseil des ministres est sensibilisé à cette idée de dépérissement de la culture et de lente décadence de la couronne khmère depuis la chute d’Angkor (Mikaelian 2016 ; Edwards 2007). La question de ce patrimoine identitaire en danger de disparition est au cœur des discussions menées notamment par le ministre des Cultes Norodom Phanouvong (1871-1934) en Conseil des ministres en 1928-1929. Alors que le dossier de refondation du Vatt Phnom n’en finit pas de traîner, l’expression de « monument national » est employée par le Conseil pour qualifier le vatt symbole de la capitale et déterminer l’importance de sa préservation de la ruine. De manière cependant contradictoire, la souscription nationale lancée pour financer la sauvegarde de Vatt Phnom est un échec, révélant de façon évidente le caractère réticulaire des sentiments d’appartenance au vatt en pays khmer. Le Conseil se prononce également à l’été 1929 : « Le conseil a constaté qu’à l’occasion de la démolition de certaines pagodes, les bonzes, Achars et fidèles, détruisaient, laissaient périr ou réemployaient d’une façon malheureuse, certains objets, pièces architecturales ou accessoires contribuant à la construction ou à la décoration des pagodes vouées à la démolition, alors que ces objets, pièces ou accessoires présentent un intérêt artistique, documentaire ou archéologique. » La distinction que voudraient faire les autorités de la conservation entre le bâti votif et les objets d’art est alors reprise par le Conseil des ministres. Cependant, en septembre 1929, lorsque George Groslier prépare une tournée dans les vatt de province, la rumeur de ce projet parvient aux responsables religieux qui s’en inquiètent, alors que les entreprises d’appropriation des objets votifs ont largement enrichi les musées et collections d’Indochine et de métropole. Le Conseil des ministres insiste auprès de la résidence : l’ordre de mission de George Groslier doit faire état de « description et d’inventaire ». M. Groslier reçoit l’ordre formel du résident supérieur « de ne pas distraire, fut-ce temporairement, aucun des objets ». Le Conseil assure alors son rôle de protecteur des territoires locaux face aux ambitions des Français sur un patrimoine cambodgien entendu comme comprenant à la fois les biens immobiliers et mobiliers. De même en 1931, tandis qu’il souhaite réglementer les constructions en béton armé qui inquiètent les autorités françaises à cause des coûts qu’elles engendrent, le Conseil évoque la disparition des bâtiments anciens et des objets antiques, mais insiste sur l’autonomie qu’il est souhaitable de laisser aux communautés concernant leurs lieux de cultes. Ainsi les objectifs des autorités khmères et françaises semblent converger mais leurs méthodes diffèrent. Détruire et reconstruire à titre de souvenir Les fondations et refondations de vatt répondent ainsi à des aspirations patrimoniales cambodgiennes : les populations investissent un lieu de formes symboliques par des actes ritualisés. Le geste associé à la fondation ou refondation est aussi, et parfois même plus, important que l’objet matérialisé. Les cérémonies khmères sont souvent l’occasion de réalisation d’arts éphémères, comme les pavillons temporaires lors des cérémonies funéraires. Les objets votifs s’affranchissent alors des catégories du matériel et de l’immatériel : les statues dans les vatt, enduites, repeintes, habillées, sont plus que la figuration figée d’une divinité mais sa représentation rendue « vivante » par le geste dédicatoire des fidèles. Les chantiers de pagode ne répondent donc pas forcément à des besoins techniques de réparation : le rythme des travaux entrepris rend compte des investissements successifs des collectivités dans des pratiques rituelles destinées avant tout à l’acquisition de mérites. Cette action méritoire est une responsabilité prise de génération en génération par un individu au nom de sa lignée, sur qui rejaillira l’honneur de la fondation. Les noms des donateurs sont inscrits sur les murs extérieurs du vihārā ou du vatt par exemple. Le Vatt Yeai Tep de Kompong Chhnang-ville a ainsi connu des phases de rénovation en 1917-1920 lorsque les moines cherchent à assurer leur emplacement dans le centre-ville. Puis en 1938, le vatt est reconstruit intégralement selon un plan type fourni par l’administration française50. L’ācāry Toch, qui avait fait reconstruire le vatt de Kam Your et y a officié 27 ans, a connu de son vivant la destruction de sa pagode et la reconstruction du nouveau vatt dhammayut51. Natif de Kompong Tachès, Āṃ Saṃaṅ, 80 ans en 2015, se rappelle que son père, spécialiste de la construction de vatt, a participé à l’édification du premier Vatt Sopoar Raingsey sous le règne de Norodom (1860-1904) puis à la reconstruction entreprise par le samtec Thiounn entre 1929 et 1939. La gestion de ces monastères est un enjeu de représentation majeur alors que se joue l’indépendance des pratiques culturelles khmères face aux aspirations civilisationnelles de la puissance coloniale. Inspirés par la notion de préservation et garants de la protection des territoires, les ministres présentent aux autorités françaises un discours qui correspond à la fois aux conceptions françaises et cambodgiennes du patrimoine. En 1921, un conflit oppose ainsi les fidèles à Kompong Leng. 236 fidèles du Vatt Kangkok Méas Krom de Prey Kri Sud souhaitent reconstruire leur pagode. Mais les fidèles du Vatt Kangkok Méas Loeu de Prey Kri Nord s’y opposent : leur vatt mérite de bénéficier des premiers travaux. Les autorités civiles et religieuses khmères de Kompong Leng seraient d’avis de rattacher les deux pagodes : on conserverait Kangkok Méas Krom « à titre de souvenir ». Le résident de Kompong Chhnang est ravi : il souhaite rattacher les deux ghuṃ en une seule entité communale. Le Conseil des ministres refuse plusieurs fois cette solution : les deux pagodes et les deux communes doivent être conservées. En 1925, la pagode de Kangkok Méas Krom menace de s’écrouler : les fidèles ont fait rénover Kangkok Méas Loeu, et un seul ghuṃ, Prey Kri, est sur le point d’être institué par l’administration. De nouveau saisi, le Conseil accepte le rattachement des deux vatt sous l’autorité d’un seul chef de pagode mais ordonne la destruction et la reconstruction « à titre de souvenir » de Kangkok Méas Krom. Conclusion La population khmère est décrite dès l’époque coloniale comme pieuse et paisible, attentive à la qualité de sa vie spirituelle à travers l’activité des milliers de moines qui assurent la protection des territoires et garantissent l’équilibre entre les mondes naturel et surnaturel. La philologie, les inventaires et travaux de conservation introduits par la force coloniale représentent le volet scientifique de la transformation du bouddhisme khmer. Dans les villages et les villes du Cambodge, l’ingérence du protectorat dans la vie religieuse n’est pas des moindres lorsqu’elle transforme un geste nécessaire en processus administratif : les Khmers se voient alors contraints de justifier une pratique. La codification et la médiatisation de processus de négociation jusque-là internes aux communautés de fidèles transforment profondément les rapports entretenus par les Cambodgiens à leurs vatt. Définir cette communauté de fidèles, associés pour l’entretien du vatt, n’est pas chose aisée : un regroupement de familles qui fréquentent un lieu de culte dont les moines sont des membres de leur parenté, lieu de culte fondé et entretenu par des membres de cette parenté par le passé, où les fidèles ont reçu un enseignement auprès d’un grū, et où les stūpa des ascendants se trouvent. Ponctuellement, cette communauté est encadrée par un donateur qui prend sur lui de diriger les travaux, même s’il ne réside pas dans la commune du vatt54. L’ācāry, quant à lui, est le garant du respect des normes religieuses et le représentant légal de cette communauté de fidèles comme il est le représentant du vatt face aux autorités civiles. Malgré les volontés contraires de la résidence supérieure et son arsenal bureaucratique, et parce que la force coloniale mesure la violence des sentiments religieux cachée derrière le fameux sourire khmer, les Cambodgiens, ruraux ou urbains, paysans et fonctionnaires, parviennent à multiplier les agréments de chantiers de vatt entre 1900 et 1940. S’inspirant des notions propres au modèle colonial, prenant en compte les pratiques des acteurs de la conservation, la société khmère, et en particulier ses élites, transcrivent leur propre conception du patrimoine votif dans un discours propre à être compris par les autorités protectrices. Les archives qui rendent compte de ces processus, si elles sont le résultat des objectifs de contrôle de l’État colonial, mettent d’une certaine manière en exergue le dynamisme de la société khmère qui mobilise ses ressources tant humaines que sociales et financières pour assurer son pouvoir sur ses bâtiments religieux et les objets qu’ils contiennent. On remarque qu’au tournant des années 1930, le Conseil des ministres prend position en tant que garant de ces pratiques et s’oppose à des autorités khmères locales, pour assurer sa prééminence sur ce dossier que les Français ont réussi à encadrer mais pas à maîtriser. Apparemment tout à fait contradictoires avec notre analyse, notons les propos que tiennent en 2007 les fidèles interrogés par Alexandra Kent durant son enquête sur les cérémonies d’enfouissement des pierres sīmā durant les fondations de vatt à Siem Reap. Selon eux, l’implication de « personnalités puissantes » dans la construction des pagodes est un phénomène alors tout à fait récent, propre au contexte de l’après-guerre et de la reconstruction, une forme d’ingérence des élites dans les affaires locales. Ainsi, les années de guerre ont dissous la légitimité politique des autorités traditionnelles sur les territoires. Les familles détruites, leur patrimoine tant spirituel que foncier perdu, les réseaux sociaux articulant le patronage des puissants aux besoins des populations rurales ont été désorganisés. Les nouvelles élites cambodgiennes voudraient aujourd’hui reconstruire cette légitimité à travers la réappropriation des sites de pouvoir que sont les vatt. Les familles dispersées de la diaspora se réunissent pour se ressaisir de leur kerti. Cette réappropriation semble cependant factice aux populations et c’est pourquoi elle est décrite comme inédite. La disparition des pagodes subsistantes de l’époque du Protectorat, rénovées et transformées de nos jours, est souvent dénoncée comme relevant de la destruction du patrimoine. Elle rend pourtant compte de ce processus de réappropriation du territoire et des mémoires et s’inscrit dans la dynamique patrimoniale cambodgienne. Par Marie Aberdam — doctorante en histoire (CHAC/Sirice-Université Paris 1 Panthéon Sorbonne)

  • Initiative & Histoire : Faire revivre la soie fabriquée par les Chams

    Samedi dernier, l’équipe du Centre de documentation du Cambodge (DC-Cam) de Phnom Penh s’est rendue au Centre de Kampong Cham pour participer au forum du projet Cham Silk en présence de 20 survivants du génocide. L’équipe a accueilli chaleureusement les survivants en attendant l’arrivée des représentants de la TIKA (Agence turque de coopération et de coordination). Une fois arrivés au centre basé à Kampong Cham, Seang Chenda, directeur du centre de documentation de Kampong Cham, et So Farina, directeur adjoint de DC-Cam, leur ont fait visiter le centre. Les représentants de la TIKA ont exprimé leur gratitude envers les survivants pour leur contribution à ce projet : « Il s’agit d’un pas en avant dans la préservation de l’histoire et d’une collaboration remarquable entre le Cambodge et la Turquie. L’histoire devrait toujours être rappelée et préservée, quels que soient les bons et les mauvais moments. » Ce forum était une excellente occasion de recueillir davantage d’informations et donner une chance aux survivants de poser des questions et de satisfaire leur curiosité. Ils ont posé quelques questions, notamment sur la durée et le processus de ce projet, sur la façon dont le projet prévoit de collaborer avec les survivants. Farina a expliqué brièvement qu’il n’y a pas de durée établie pour ce projet, « car nous sommes en train de rassembler des données pour trouver un design approprié pour la communauté Cham ». « Le projet Cham Silk comporte plusieurs étapes, notamment la phase de recherche, au cours de laquelle nous recueillons les données nécessaires auprès de sources historiques et nous interrogeons les villageois pour en savoir plus sur chaque dessin et chaque couleur de la soie, afin de produire une couleur et un dessin représentatifs de la communauté cham. Une fois le projet terminé, nous ferons enregistrer les modèles auprès du ministère du Commerce ». L’étape suivante sera celle de la formation, à laquelle les survivants pourront contribuer en tissant le motif de soie qu’ils souhaitent dès qu’ils en auront le temps et en leur donnant une chance d’exprimer leur créativité. Il est très probable que lorsque les résultats seront prêts, il y aura une nouvelle collaboration dans ce projet de tissage, qui sera également partagé avec le reste de la société cambodgienne et étendu à l’étranger. Le projet Cham Silk est une initiative du centre de documentation du Cambodge soutenue financièrement par la TIKA par l’intermédiaire de l’ambassade de Turquie au Cambodge. L’objectif du projet est de restaurer les couleurs et les motifs de la soie grâce à la mémoire des survivants et d’en faire une source de revenus pour la communauté. L’objectif du Centre de documentation du Cambodge est de populariser ce projet et de le faire connaître tant au niveau national qu’international : « Il est extrêmement important de préserver et de rappeler les couleurs et les motifs de la soie à travers les souvenirs des survivants ». Après que le pays eut été dévasté par les Khmers rouges, la communauté a commencé à revivre en 1979. Ils ont évoqué leurs souvenirs pendant le régime khmer rouge ainsi que leurs expériences de survie. Ils nous ont également parlé de leur vie avant les Khmers rouges et de leur artisanat. Photos par So Farina Texte de Lim Iphing et Chey Chansineth Centre de documentation des archives du Cambodge

  • Arts : Les rêves de Leav Kimchhoth, artiste de rue à Phnom Penh

    Leav Kimchhoth, un artiste de 55 ans originaire de la province de Battambang, est un visage familier pour les habitants et les touristes du bord du fleuve à Phnom Penh. Ce peintre et illustrateur vend fréquemment ses œuvres près du marché de nuit les week-ends et les jours fériés. Pour vendre, Leav Kimchhoth se rend au bord de la rivière à vélo et expose ses dessins et esquisses sur des supports spécialement construits à cet effet. Bien qu’il ait des difficultés financières et qu’il n’ait pas encore eu l’occasion de présenter son travail dans un cadre formel, il aimerait organiser une véritable exposition dans une galerie classique. « J’aimerais vraiment montrer mon travail dans une galerie. Je suis un artiste professionnel et j’ai de l’expérience dans la création d’œuvres à grande échelle. J'ai participé à la réalisation d’affiches pour l’ouverture officielle de Naga, de feux d’artifice et de banderoles pour la bière dans les années 1990 », dit-il. Kimchhoth, qui est diplômé de l’Université royale des beaux-arts (RUFA), a été confronté à des contraintes financières qui l’ont empêché de produire les œuvres de grande envergure pour poursuivre son rêve. Bien que ses petits dessins soient appréciés des touristes qui se promènent le long du fleuve, il explique qu’il ne vit pas de la vente d’œuvres d’art, mais qu’il continue à créer pour ne pas perdre la main. Sa principale source de revenus est l’élevage et la vente des récoltes qu’il effectue chez lui. « Je vends mes dessins pour un ou deux dollars. Je n’utilise pas de peintures coûteuses et je ne respecte pas les règles artistiques traditionnelles », explique-t-il. Kimchhoth a perdu son bras gauche lors d’un bombardement en 1979, à l’âge de 10 ans. Il a découvert sa passion pour la peinture en 1981, lorsqu’il a commencé à participer à la décoration de salles de classe. Il a ensuite commencé à dessiner tout ce qu’il voyait et à faire d’innombrables dessins de sujets possibles pour de futures peintures. C’est ainsi qu’il a obtenu son diplôme à la RUFA à la fin des années 1990. Selon Kimchhoth, son travail attire l’attention des amateurs d’art locaux et étrangers, même s’il admet que certaines de ses œuvres les moins conventionnelles ont tendance à polariser les opinions. Selon lui, tout le monde ne partage pas les mêmes goûts, car l’art doit être subjectif. Dans ses œuvres, il a tendance à privilégier les paysages ruraux plutôt que les paysages urbains, même s’il fait quelques exceptions pour certains bâtiments qui mettent en valeur l’attrait de sa ville. « J’essaie de capturer l’essence de chacun de mes sujets, en utilisant le minimum de traits et en essayant d’utiliser la lumière et l’ombre pour ajouter de la profondeur et de l’émotion », explique-t-il. Bien qu’il vive dans la pauvreté et qu’il ait été amputé du bras gauche, Kimchhoth estime que son art doit être jugé sur ses propres mérites, plutôt que sur la sympathie que les gens peuvent éprouver à son égard. « Je refuse de laisser mon handicap ou mes conditions de vie difficiles affecter ma passion pour la création artistique. » Malgré les défis auxquels il est confronté, Kimchhoth reste attaché à son art. Sa passion pour la peinture et son désir de présenter ses œuvres dans une galerie d’exposition témoignent de son talent et de sa détermination. Il espère qu’un jour, avec le soutien de sponsors ou de collaborateurs, il pourra exposer ses œuvres dans une galerie et partager son point de vue unique avec un public plus large. Hong Raksmey avec notre partenaire The Phnom Penh Post

  • Diaspora: Sonadie San, Franco-Khmer photographer and filmmaker...and strong in her convictions

    Dear readers, today I'm talking to you about Franco-Khmer photographer and director Sonadie San. A woman of strong convictions and multidisciplinarity, she proudly represents the Asian community, which she strives to bring to the fore in all her projects. From her childhood in Lognes (Paris region) to an atypical life path where chance encounters created unforgettable memories, she confides in Cambodge Mag her personal path, her doubts, her memories, but also her professional career and her projects. A truly extraordinary woman, whom we are delighted to introduce to you from an intimate angle. You grew up in Lognes and Khmer culture was very much a part of your upbringing, particularly through dance. Do you have any anecdotes on this subject? I danced from the age of 3 until I was 15. Wonderful memories at the Pagode de Vincennes, where I played most of the leading roles. Around the age of 10, you began to ask yourself some questions, and a confrontation arose with your mother. Can you explain? My physique was different from that of other Asians. A friend convinced me of my potential mixed race, but I was intrigued to ask my mother, who denied it. Around the age of 17, I had what you might call an "identity breakthrough". What did you decide to do then? I learned that my father wasn't my biological father and, devastated, I ran away. Around the age of 21, armed with a backpack and a lot of courage, you embarked on your 1st trip to Khmer Srok. Tell us about your first days. My identity crisis had reached its peak, and the breakdown in my relationship with my adoptive father prompted me to set off and discover the Srok. I was in for a real sensory shock, my whole body feeling the country from the moment I set foot on the ground. I knew I had arrived "at home". A mysterious event occurred on the 1st evening An inexplicable feeling occurred during the night: I felt my spirit leave my body to go and meet my maternal grandmother. The vision goes as far as her message to guide me on the perilous journey of my quest for my origins. Then you meet your uncle and he sees something: what does he guess? He immediately senses what happened during my trance state and tells me I've met my grandmother. Then, by chance, you meet a previously unknown lady in Siem Reap, who takes you in for a while. What extraordinary things did you discover during this meeting? I met a woman monk by chance on my way to Siem Reap, whose first exchange with me was to share a meal in her house, a meal that turned into an unexpected two-week stay, during which a number of astounding revelations were made. In the course of our daily exchanges, this monk turns out to know my adoptive father, whom she considers her savior during the Khmer Rouge era! Tell us about your general impressions of your stay in Cambodia (reconnection, etc.) Cambodia was the most fluid, enjoyable and powerful period of my life. Every second spent in the country reminded me of the necessity and obviousness of being there. I found my place there. On your return to France, you decide to renew ties with the man who raised you. What did you do to make this happen? In collusion with my mother, we organize a reunion, necessary after all these years of separation, and I take advantage of the opportunity to tell her about my stay and my extraordinary encounters, linked to her past. At the age of 28, you were admitted to the Frédéric Jacquot school after passing a competitive entrance exam, and you went straight into your 2nd year. What does your family think? At first glance, they were opposed. But having already completed a university course that suited them, they can only accept my decision. When you were writing your first play, what did you realize during casting? I realized how difficult it was for a minority ethnic group in France to find work as an actor. This situation is real and extends to the whole audiovisual world. I've also discovered a passion for coaching. Tell us how you became a coach Right from my first jobs, I felt the need and pleasure to train my colleagues. This probably innate vocation continued naturally with my theater work. You later moved to Canada. What are your best memories and experiences of this three-year stay? My best memory is of living there, but also of coaching actress Shelby Jean Baptiste after she landed her first role in the film Scratch. Can you tell us a little about your experience in Brazil and the Orichas? This trip is primarily due to the selection of my first short film for the Festi France-Brazil festival. The aim, when a filmmaker is selected, is to spend five months in the country in order to pass on their knowledge and experience. This extraordinary experience took me to no fewer than 70 cities in five months. I discovered the legend of the Orichas and their culture. This unexpected immersion led me to take part in rituals and become totally immersed in these extraordinary traditions. One day, your vocation as a filmmaker became obvious. What have you achieved? When I returned to France in 2016, following my various experiences, this profession became obvious to me. It represents what now suits me best. I produce : - Open your eyes - Ouropreto (Brazil) - Rap de vaincre - Médusa, a documentary film ⁃ currently finishing Le Souffle, my latest film in progress Writing: ⁃ I'm also writing my next film based on school dropouts. ⁃ In particular, I've just finished another short film entitled Le lièvre étoilé as well as a feature film: Le soleil du Manguier. You're present through many causes and social movements. Which ones are they? I'm mainly involved with the Instagram page THE ASIAN SUSPECTS, whose mission is to showcase Franco-Asian talent. An effective means and a personal initiative to bridge the visibility gap of the Asian community. At the same time, I'm working as a photographer with Amanda, to produce a photo exhibition, again with the aim of highlighting Asian physiques, and by Asian photographers. Finally, could you tell us a few words about Le Soleil du Manguier? This feature-length film is a personal, even initiatory and intimate quest. The subject is my adoptive father, and I hope that this film will demonstrate all the love I have for him. Interview by Chantha R (Françoise Framboise)

  • Cheab Sibora, le Cambodgien qui fabrique des poupées « Barbie » en costume traditionnel

    Un étudiant cambodgien en informatique a tourné le dos au monde digital pour se consacrer à une activité bien plus inhabituelle et créative : concevoir des tenues traditionnelles khmères pour des poupées de style Barbie. Malgré quelques réticences de sa famille au départ, Cheab Sibora a entrepris de concevoir et fabriquer des tenues traditionnelles pour les poupées dans le style khmer. « Bien que je n’aie pas reçu beaucoup de soutien au début au départ, mes amis et ma famille ont finalement soutenu mon projet - fabriquer des tenues d'inspiration khmère pour des poupées de style Barbie », confie-t-il. Inventée par Ruth Handler en 1959, Barbie est la poupée la plus populaire de tous les temps, avec plus d’un milliard d’exemplaires vendus depuis son lancement. Sibora espère maintenant enrichir cet héritage en donnant aux poupées, pour la première fois, une touche traditionnelle khmère. Selon le créateur, chaque costume s’inspire des différentes cultures et identités des 25 provinces et villes du Royaume, et ses créations sont devenues plutôt populaires au fil des années auprès de la diaspora cambodgienne et des étrangers. « Chaque poupée nécessite beaucoup de travail et d’attention pour concevoir la broderie. Le tissu doit être cousu avec de petites perles et des paillettes, une par une, pour créer les motifs traditionnels khmers », explique-t-il. L’un des motifs est Reachny Ney Krong Kuch, qui représente Phnom Penh. Dans le cadre de ce projet, la Barbie est vêtue d’un costume argenté étincelant, orné de broderies et de perles de la tête aux pieds. Pour la province de Pailin, célèbre pour sa danse traditionnelle du paon, le costume Moyurana est fait de plumes d’oiseaux qui complètent la jupe en soie à motifs bleus, le tout terminé par une tête de paon dorée. Une autre tenue représentant l’ancienne capitale de Siem Reap, baptisée Neang Tep Apsara, intègre les sculptures et les gravures Apsara des temples emblématiques de la ville. La passion de Sibora pour la mode et le design a commencé en 2011, alors qu’il était lycéen, où il s’est inspiré de l’art traditionnel khmer, des peintures et des livres d’histoire. En 2013, il a commencé son projet de costumes pour poupées. « Bien que je n’aie pas étudié ce type de discipline artistique, j’aimais regarder les défilés de mode, parcourir les catalogues et lire les livres d’art. J’étais tellement intéressé que j’ai décidé de les essayer, même si c’'est l’exact opposé de mes études en informatique. » Le jeune designer vonfie avoir été inspiré par un livre écrit par le célèbre spécialiste des arts, Pich Tum Kravil, intitulé Khmer Dance. cet ouvrage explorait d’anciennes écritures khmères découvertes au temple de Lor Ley, datant du IXe siècle, décrivant des scènes où une femme se déguise et danse pour les esprits saints. Cela l’a incité à transposer cette beauté ancienne dans l’ère moderne par le biais des poupées. Si ses camarades de classe ont encouragé et salué son travail, sa famille s’est montrée moins enthousiaste au départ. « Comme ma famille est très pauvre, ils craignaient que je ne puisse pas gagner de l’argent avec ça et m’ont demandé d’arrêter. Mais comme j’aime ce que je fais, je continuais chaque jour et chaque nuit en secret, sans qu’ils le sachent », raconte-t-il. Après des années passées à concevoir et à produire ces costumes, Sibora a pu présenté son travail au public en 2018 dans le cadre d’une exposition officielle afin de promouvoir le patrimoine et la culture khmers. Aujourd'hui, Cheab Sibora a développé son activité de designer en travaillant également sur des modèles vivants, il a notamment conçu les costumes du récent concours de beauté Miss Pre-Teen World 2023. Pour plus d’informations, visiter ses pages Facebook Bora Apsara ou Banjureth Art Page. Pann Rethea avec notre partenaire The Phnom Penh Post

  • Siem Reap & Artisanat : Les lampes en cuivre de Sour Sdey Chamlak Dek Meas Rachana

    La fleur nationale du Cambodge, le rumduol, et les étoiles sont considérées comme des objets porte-bonheur à exposer à l’occasion du Nouvel An khmer et constituent également de jolis motifs de décoration. La Cambodgienne Soeun Sokhom, 48 ans, épouse du propriétaire de l’entreprise artisanale Sour Sdey Chamlak Dek Meas Rachana, située dans la ville de Siem Reap, sculpte ce type d’objets destinés à être exposés. Les produits vont des lampes à fleurs rumduol aux lanternes, en passant par les lampes colorées et les appliques murales porte-bonheur. L’entreprise fabrique également des objets en forme de lune, des lanternes en forme de feuilles dans le style khmer que l’on trouve sur les temples. « Les objets les plus vendus en 2023 sont la lampe à fleurs rumduol et la lampe porte-bonheur. Cet objet porte-bonheur mesure de 60 cm à 1 mètre de haut et est sculptée de 20 motifs et la partie centrale peut également être gravée du nom de la villa ou du magasin ou des mots serey sour sdey ou bonheur », explique-t-elle. Elle précise que la plus grande lampe à fleurs rumduol, de 90 cm, coûte 450 dollars, tandis que celle de 30 cm coûte 180 dollars et la plus petite 130 dollars. La lampe qui porte chance coûte 700 dollars et est fabriquée en fer dera, tandis que la lampe en cuivre de la même taille coûte 1 400 dollars, car le cuivre est vendu au kilogramme et utilise une couche de 8 centimètres d’épaisseur pour la sculpture. L’atelier utilise du fer dera épais et le peint dans des couleurs qui correspondent aux préférences des clients, comme l’argent, le platine et l’or, tandis que les sculptures en cuivre sont les préférées des clients s’ils souhaitent qu’elles restent brillantes. « Au Cambodge, personne ne produit de lampes en fer dera et en cuivre en les sculptant, ils ne les fabriquent qu’avec des moulages, qui ne sont pas sculptés à la main », confie Sokhom. L’entreprise Sour Sdey Chamlak Dek Meas Rachana emploie plus de 13 artisans. Outre les lampes de tous types, l’artisanat produit également des rampes. Touch Vannick, 68 ans, entrepreneur en construction et sculpteur de statues en bois devenu sculpteur de fer et de cuivre, explique que les motifs qu’il utilise pour graver les lampes comprennent Kbach Pnhi Tes, Kbach Banteay Srei, Kbach Pnhi Angkor et Kbach Pnhi Plerng. Il explique qu’avant d’être gravé, le cuivre doit être bien chauffé et lavé avec du savon et de la chaux, puis séché. Le dessin de la gravure est réalisé en fonction de la taille et du style commandés par le client. « Certains travaux, comme les appliques murales qui utilisent une seule feuille de cuivre, prennent une journée, s’il y a un responsable, un sculpteur et un concepteur. Mais ce n’est pas régulier, selon le type de lampe, certains travaux prennent d'une semaine à un mois », explique M. Vannick. Ce sculpteur expérimenté explique que certains clients commandent des lampes, et même des parapluies de cérémonie, car dans chaque maison cambodgienne, il y a toujours des statues, et même les chrétiens commandent parfois des parapluies de cérémonie. Vannick a commencé à sculpter le cuivre et le fer dera en 2010, à la demande d’un fonctionnaire qui souhaitait fabriquer une lampe-parapluie aux motifs d’ornements affichés pour l’aéroport de Siem Reap. Vannick, sculpteur sur bois, a décidé de tenter l’expérience. Il a alors accepté de graver un parapluie d’apparat, confiant dans sa capacité à mener à bien cette nouvelle tâche. L’ancien entrepreneur en construction a depuis commencé à se détourner du secteur de la construction. Depuis 2010, les lampes et les éventails à main qui ne coûtaient que 20 dollars sont passés à 180 ou 200 dollars, avec l'apparition de gravures plus belles. Cependant, Vannick raconte qu’au début, sa carrière de graveur de lampes n’a pas été facile, car il ne recevait qu’une ou deux commandes par an. Puis, en 2012, il a reçu une grosse commande du bureau du Premier ministre pour 18 éventails à main et 18 parapluies de cérémonie à placer à Preah Ang Thom dans le district de Stung Trang, avec un délai de deux mois et demi pour les terminer. « Quatre d’entre nous ont travaillé dur jour et nuit pendant deux mois et demi pour terminer le travail. Nous sommes vraiment satisfaits du résultat », conclut-il. Hong Raksmey avec notre partenaire The Phnom Penh Post

  • Diaspora & Career : Déborah OM, Khmer from France, believer in "a healthy mind in a sane body ''

    Born in Toulouse, the city where her parents settled in the 1980s after fleeing the Khmer Rouge regime, DÉBORAH OM is now a doctor of medical physics (in oncology) at the Parisian hospital GEORGES POMPIDOU. Discover today for Cambodge Mag the portrait of this young woman who affirms that a spirit must be ‘disciplined, hard but flexible not to break’. For several years, we have found you particularly involved in various humanitarian causes, mainly in Cambodia. Tell us in particular about your mission with child amputees Strongly inspired by a friend who was an amputee herself – but also by my father who had to cross anti-personnel minefields one day, my older sister on his shoulders – I took advantage during this stay at Srok in 2019 to contact the sector HANDICAP INTERNATIONAL of Siem Reap. This mission in the field marked me enormously. I then obtained a fundraiser allowing me, using a 3D printer, to produce prostheses more suited to their condition. Last year, I had the privilege of accompanying you on one of your Physicist Without Borders days at the Khmero-Soviet Friendship Hospital in Phnom Penh. Describe this mission to us. This hospital is the origin of my current vocation. The vision of distress and the obvious lack of available means that I discovered there during my first visit (I was 19 at the time) constituted a real emotional shock. My goal in this mission was therefore the technical and practical improvement of the methods in place. Your profile is however atypical. You are a great athlete. What disciplines do you practise? I started with classical dance then karate, and then boxing, a passion. But following a rupture of the ligaments, I now devote myself to hiking and, of course, to Yoga. You can actually be found on certain social networks for yoga. How did he come into your life? Through one of my older sisters. An assiduous practitioner, you have now become a teacher in the subject. How did this happen? I became a real fan by practising daily in the studio that my sister had introduced me to. And working in radiotherapy, a fundamental anxiety-provoking environment (permanent nuclear exposure forces us to perform our duties in sorts of bunkers), it then occurred to me to share this well-being provided by yoga … and my request was approved by the hospital. What advice or guidance would you give to those who would like to learn about this discipline? ‘Do it head on, go for it and be diligent! Discipline is the key to everything.’ You also happen to be a strong believer in meditation. What are the reasons? ‘The meditative approach is for me a life lesson but also a way of living your life’ A healthy mind in a healthy body: a few words on this adage? I remain convinced that to free ourselves from all emotional constraints, we must above all free ourselves from our physical constraints. The two are closely linked. Your curiosity also extends to reading. What are your current books or authors? With a book permanently in my blouse, I am currently soaking up the writing of Bokar Rinpoche and Tenzin Wagyal – Rinpoche (Yoga of dreams and sleep) and Pema Wangyal (Boddhicitta) and Lucas Menget (freestyle swimming) Are there currents of thought that you favour? I particularly like Lucas Menget (freestyle), an exceptional work in my eyes and which focuses on TUMMO (Tibetan meditation on fire) Also Vajrayāna Buddhism and Dzogchen Buddhism, stemming from the Tibetan schools. Great traveller, you reconcile passions and destinations. Can you tell us about your next big trip? I’m going to NEPAL, which is one of my dream destinations. This desire was particularly accentuated following the viewing of a report on ARTE on a boarding school – Snowland – located in the isolated region of DOLPO and only accessible on foot. Children aged 4 to 16 will no longer see their parents during their apprenticeship. The wish to be able to sponsor them has become dear to my heart. You often talk to me about the SHAOLIN Monks. How do they inspire you and do you have any perspectives or projects on this subject? They simply represent for me the quintessence of the discipline. They are the perfect archetype of ‘a healthy mind in a healthy body’. I would therefore leave on my return from Nepal this time to Germany, for a retreat in a SHAOLIN temple. The work of the mind and discipline therefore take a great place in your life. Do you see a correlation with medicine? Completely! Without discipline, performance decreases and this directly impacts our patients. And Cancer doesn’t wait. Everything therefore remains linked: our minds and theirs and the results that will flow from it. In your daily life at the Georges Pompidou Hospital, do you include your philosophy of life in your approach with your patients? the combination of benevolence – peace of body and mind – yoga class at the hospital is in my eyes a trifecta. ‘Peace brings peace’ Do you often meet patients who are open to a meditation approach or who are simply followers of this practice to compensate for their condition? The approach often surprises, I admit. Do you think this could be a point to work on systematically? patients feel our states and the meditation approach is now one of my priority approaches Finally, what are the projects that are most important to you, professionally speaking? I am a fan of innovative techniques, which represent a large part of my research. I focus – among other things – on optimising toxicity savings for breast cancer patients, Sophrology, meditation or even a good control of breathing are means that I would like to propose. Systematically because I now consider them essential in the achievement of all my objectives. I am also thinking of resuming the congresses in order to spread my points of view – and discover others. By Chantha R (Francoise Framboise))

  • Diaspora & Career : Sotheara Lim, the man behind « KHMER RENAISSANCE »

    Dear readers, today in my series of portraits of atypical khmers in the world, we stay in the USA to know better SOTHEARA LIM, the man behind KHMER RENAISSANCE, the Instagram page regerence of the moment for the Cambodian community worldwide. You will discover behind this character, a native of Long Beach, a personal story rich in emotions, and supported by a combative and omnipresent family in his life and his thoughts. I wish you a great discovery! You grew up in California and your early years felt totally American. Tell us about this feeling My family was keen on my total integration and living as a full-fledged American, especially culturally speaking, initially seemed obvious. They believed that in order to be successful in this country and for a chance at survival, you have to assimilate. This is interesting because they were also adamant on teaching me what it means to be Khmer. So it was an interesting dynamic because they encourage both embracing being American while also embracing being Khmer at the same time. Unlike you, your family and relatives are part of the wave of Thailand camp refugees who fled and settled in the USA. How did they experience their integration? It was extremely difficult, compared to the exodus of course. My grandmother lost her husband and five of her children to the genocide, so she became the sole provider by working in garment factories under the table. The Khmer culture therefore remains omnipresent in your home. However, your parents each had a specific role in this transmission. Can you explain them to us? Indeed… My father taught us vehemently on our culture & history – from the Kingdom of Angkor to the Golden Age of the ’50s and ’60s. My mother taught us proper Khmer social etiquette, how to address older people, and how to carry ourselves as Khmer people. Which do you think has had the most impact on your love of our culture? My father, in particular by teaching me the history of the Khmer empire. His words continue to inspire me to this day in my posts on KHMER RENAISSANCE. You then have a click towards the high school days and no longer feel like just an American. What happened? American society has a wrong perspective about us. The gap between how Asian Americans are viewed and the realities of the Khmer American community was by and far large. The larger Asian American narrative is not consistent with the realities of being Khmer here. Our voices were silent and we were invisible – I wanted to make our voices heard. This period also marked violence between the Asian community and other communities. Could you tell us some anecdotes? Yes … in the ’80s the racial tensions were palpable. We had extremely hard times with other ethnic communities, who treated us harshly when we arrived. We responded to this by creating our own gangs as we felt it was the best response to the assaults. This answer seemed obvious because we were a people who had only known war and genocide. Eventually, we weren’t going to stand and allow this to happen to us after everything we’d been through prior to arriving here. Your father then entrusts you with stories about the creation of Asian gangs to defend themselves. What was your reaction? Honestly, I was born in the late ’80s, so they were in their early years during that time. Though it’s a sad reality, gangs are an integral part of the lifestyle in Long Beach. And I can’t judge the stories because I understand the pain of people who lose their loved ones; as well as the reactions that can result from it. I strongly feel I am in no position to judge that life; I’m in no place to have an opinion on it. I can only look at it from a place of compassion and understanding. Is this one of the reasons that led you to unify our community? In part, of course. But the main reason was my desire to have a platform bringing us together under the compassion, the exchange, and the sharing of our culture and our history. Then comes the Covid period and you decide to create Khmer renaissance. How do you choose your subjects? As I was observing our community around the world, I started to realize a collective of Khmer people reclaiming their identity and culture, whether it’s through arts, business, or thought leadership. I wanted to highlight that ! We began to heal from the genocide, and that resulted in many great things happening. VannDa’s song, “Time to Rise” is a big inspiration to the creation of Khmer Renaissance, and I wholeheartedly that that song singlehandedly sparked a fire in Khmer people worldwide. How do you find companies or people to support? Mainly through social media. Some of your archives on the subject are exceptional. How did you discover them or have access to them? I feel very committed to this cause and I write a lot. I take a lot of time to reflect on the subjects that I cover. Everything that I post is intentional and this is on purpose. I want to be an example to Khmer people that if we want to create something or start a business, we have to put our best foot forward. Today after 2 years of success on the subject, what would be your assessment? I am still surprised by so much success and above all so fast! Above all, I feel honored and grateful. So what are your future plans - personal or for the Khmer community? I am starting a Creative and Production Agency called Donut Shop Creative. The goal of this agency is to provide creative and marketing services for Khmer brands and companies, and to do so in a way that elevates our brand identity. Additionally, Donut Shop Creative will serve for my personal projects. I hope to create films and documentaries that matter to Khmer people through this platform. By Chantha R ( Francoise Framboise )

  • Cambodge : Quand l'art fleurit sur les troncs de palmier de Battambang

    Au cœur de la province de Battambang, des œuvres d’art émergent d’un support improbable : le tronc d’un palmier. Atteignant plus de deux mètres de haut, cet arbre d’apparence ordinaire abrite les dessins saisissants de Keo Sobin, un artiste local. Âgé de 33 ans et habitant le village de Wat Kandal, dans la ville de Battambang, Sobin a d’abord étudié l’électronique à l’Institut national polytechnique du Cambodge (INPC). Cependant, après avoir obtenu son diplôme, il s’est consacré à sa passion de toujours : les arts. Il a passé une année à apprendre le dessin, enrichissant ses compétences par des recherches assidues et l’étude des murs des temples anciens. « Bien que j’aie acquis des compétences en électronique, c’est mon désir profond de dessiner qui m’a conduit sur cette voie. J’aspire à vivre à travers mon art, en promouvant les arts et la culture cambodgiens », confie Sobin. Malgré ses racines familiales dans le village de Banang, dans la commune de Sdao, il a opté pour la solitude au sein du Wat Kandal. Il gagne sa vie en exprimant ses talents artistiques par des sculptures et des dessins. Revenant sur son parcours artistique de six ans, Sobin révèle que ses œuvres ornent des espaces publics dans certaines parties de la province de Battambang. Toutefois, nombreux sont ceux qui ignorent que ces dessins et sculptures sont le fruit de ses efforts créatifs. Pour créer une œuvre, Sobin commence par choisir une souche de palmier, généralement longue de 2,5 mètres et d’un diamètre de 0,70 mètre. La souche est ensuite transformée en une toile où les styles artistiques traditionnels khmers donnent vie à des récits du Grand Empire khmer, avec des personnages légendaires comme Indra Devi et Jayavarman VII. Ses compétences englobent non seulement la peinture, mais aussi la sculpture. Ses créations vont des peintures sur bambou aux lanternes ornées de sculptures florales. Ces œuvres seront exposées lors de la prochaine exposition « Clean City » à Battambang, un événement qui présentera l’art de différents pays, dont la Thaïlande, le Myanmar, l’Indonésie et la Malaisie. Les œuvres de Keo Sobin trouvent leur place sur diverses surfaces, même sur des calebasses et des coquilles d’œuf. Ses thèmes traditionnels khmers ajoutent une valeur artistique à ce qui est habituellement mis au rebut, une initiative qui contribue à la durabilité environnementale. « En transformant des objets jetés en pièces de valeur, nous réduisons les déchets environnementaux. Ces matériaux sont faciles d’accès et il suffit d’être habile pour les remodeler », commente M. Sobin. L’artiste estime que son rôle de créateur consiste également à nourrir les futures générations. Il souhaite enseigner aux jeunes afin de leur faire apprécier l’héritage des ancêtres khmers. Le processus artistique de Keo Sobin commence par le polissage du tronc de palmier choisi afin d’en atténuer les aspérités. Il polit ensuite la surface avant de commencer à dessiner des motifs en trois dimensions. Il utilise le noir pour accentuer les formes ébauchées. L’artiste tire l’essentiel de ses revenus de la vente de lanternes sculptées dans des coquilles de noix de coco, dont le prix est de 5 dollars pour les sculptures standard et de 15 pour les plus complexes. Il vend également des lanternes en bambou, dont le prix varie entre 15 et 30 dollars, en fonction de leur complexité. Il compte désormais parmi sa clientèle des boutiques de souvenirs et des restaurants qui lui commandent des lanternes en noix de coco et en bambou. Sa première œuvre d’art sur le palmier a été vendue à un Français pour 500 dollars afin d’être exposée dans un hôtel de Battambang. Cependant, Sobin révèle qu’il avait l’intention de faire don de sa deuxième œuvre d’art sur palmier à une institution publique, plutôt que de la vendre. Prak Sonnara, directeur général du patrimoine et porte-parole du ministère de la Culture et des beaux-arts, n’émet aucune objection quant au choix unique du matériau utilisé par Sobin pour son œuvre. Selon lui, les sculptures de héros cambodgiens tels qu’Indra Devi ou le roi Jayavarman VII ne posent aucun problème, même si elles sont sculptées sur des surfaces non conventionnelles telles que le bois, la pierre ou le métal. M. Sonnara souligne l’importance de l’endroit où l’art est exposé : « La statue d’une divinité, par exemple, doit être placée dans un endroit désigné pour la prière et le culte. Si elle est mal placée, elle nuit aux efforts de conservation ». Le parcours artistique de Keo Sobin, marqué par le croisement unique de la tradition et de l’innovation, se poursuit sur les troncs des palmiers de Battambang. En se taillant une place dans le monde de l’art, Keo Sobin contribue également à assurer un avenir meilleur à l’héritage culturel du Cambodge. Kim Sarom avec notre partenaire The Phnom Penh Post

  • Diaspora & Tradition : Les subtilités du Feng Shui selon la Cambodgienne Sokha Suy

    Le Feng Shui, parfois appelé géomancie chinoise, est une pratique traditionnelle très ancienne qui prétend utiliser les forces énergétiques pour harmoniser les individus avec leur environnement. Le terme signifie littéralement « vent-eau ». Depuis les temps anciens, on pense que les paysages et les étendues d’eau dirigent le flux du Qi universel ,« courant cosmique » ou l’énergie, à travers les sites et leurs constructions. Historiquement, ainsi que dans de nombreuses régions du monde chinois contemporain, le Feng Shui était utilisé pour orienter les bâtiments et les structures spirituellement significatives telles que les tombes, ainsi que les habitations et autres structures. Dans les sociétés occidentales contemporaines, cependant, cette pratiques'oriente plus vers l’aménagement intérieur pour favoriser santé et réussite. Cela est devenu de plus en plus visible par le biais de consultants en Feng Shui et d’architectes d’entreprise qui prodiguent analyse, conseils et interviennent dans la conception. Consultante en Feng Shui et en astrologie, Sokha Suy a gentiment bien voulu nous éclairer à propos d’une pratique de plus en plus populaire au Cambodge. Cambodge Mag : Quand avez-vous pour la première fois entendu parler du Feng Shui ? Sokha Suy : En 2002, alors que j’avais 18 ou 19 ans, j’ai découvert le Feng Shui grace à un forum Internet ayant pour thème l’Asie. Mais je n’y avais pas prêté attention. Bien plus tard, vers 25 ou 26 ans, j’ai acheté 2 livres sur le sujet, par curiosité, mais ils ne m’avaient pas vraiment marquée. Il aura fallu attendre que je décide de quitter mon ancien poste de consultante en banque et finance après sept ans de métier et un burn-out, pour que je me découvre un intérêt inexpliqué pour le Feng Shui et ses principes d’harmonie, sûrement parce que j’en avais particulièrement besoin dans ma vie à ce moment-là. C.M. : Pouvez-vous me donner votre définition du terme ? Sokha Suy : Le Feng Shui est l’art d’aménager les lieux de vie ou de travail de façon à ce qu’ils protègent la santé, apportent de l’harmonie dans les relations, et attirent la chance et la prospérité. Le Feng Shui fait partie de la médecine chinoise traditionnelle et s’applique aux habitats ou lieux de travail. Ainsi les aménagements d’intérieur proposés consistent à harmoniser la circulation des énergies vitales (le Qi) à l’intérieur du « corps-espace », au même titre que le médecin acupuncteur agit sur le « corps-humain » avec ses aiguilles. C.M. : La pratique du Feng Shui est-elle très répandue au Cambodge ? Touche-t-elle uniquement les Cambodgiens d'origine chinoise, ou bien toute la population ? Sokha Suy : Le Feng Shui étant un savoir-faire ancestral chinois vieux de plus de 5000 ans, sa pratique a certainement été importée par les Chinois installés au Cambodge. Au vu du développement des investissements chinois dans le Royaume, la pratique du Feng Shui ne peut que s’y développer. « En effet, le Feng Shui est une pratique très reconnue en Chine, et pour les investisseurs Chinois, il est impossible de décider de la construction d’un quelconque bâtiment ou complexe immobilier sans avoir recours à l’expertise d’au moins un Maître Feng Shui, si ce n’est plusieurs. » Le Maître Feng Shui participe en effet à toutes les étapes d’un projet immobilier, à commencer par le choix du terrain, puis l’aide à la conception architecturale de la construction, et enfin l’aménagement et la décoration intérieure. Les investisseurs Chinois utilisent en réalité le « business Feng Shui », c’est-à-dire qu’ils font appel à l’art du Feng Shui pour avant tout assurer la longévité et la prospérité de leurs affaires immobilières. Je suppose que le « business Feng Shui » est amené à beaucoup se développer au Cambodge avec la multiplication des investissements chinois. Ce qui aura pour effet également de faire connaître le Feng Shui pour les habitats auprès d’une large partie de la population cambodgienne. C.M. : Au cours de quelles occasions fait-on appel au Feng Shui ? Auriez-vous quelques exemples concrets à citer ? Sokha Suy : Voici quelques exemples : Disneyworld en Chine a été entièrement conçu selon les principes du Feng Shui ; La ville de Singapour s’est largement construite sur les principes du Feng Shui, ce qui en fait une ville harmonieuse et prospère ; De nombreuses grandes entreprises connues font appel au Feng Shui : HSBC, Bouygues, Orange, Body Shop… Pour le Feng Shui d’habitat, il est possible d’intervenir sur tous les plans du projet immobilier cités précédemment, du choix du terrain jusqu’à la décoration intérieure. En France, le Feng Shui est encore peu connu et partiellement utilisé par rapport à tout son potentiel. On y a recours le plus souvent quand on est déjà installé chez soi, qu’on s’y sent mal, et qu’on cherche des solutions pour s’y sentir mieux. C.M. : Qu'est-ce qui vous attire dans la pratique de cette activité ? Sokha Suy : C’est un métier qui me permet de prendre soin de l’être humain à travers son habitat, de l’aider à trouver des sources de bien-être dans un monde dominé par le stress, et qui me permet de prôner les bienfaits de l’harmonie comme art de vivre, que ce soit dans sa vie personnelle, comme dans la vie d’entreprise. https://sokha-suy.com/

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