top of page

Résultats de recherche

8125 éléments trouvés pour «  »

  • Presse & Cambodge : Le Raffles Grand Hotel d'Angkor figure parmi les 500 meilleurs hôtels du monde en 2024

    L’hôtel patrimonial emblématique de Siem Reap figure une nouvelle fois sur la prestigieuse liste du magazine Travel + Leisure pour la troisième année consécutive. Le Raffles Grand Hotel d’Angkor, hôtel de luxe vieux de 92 ans situé aux portes des sites archéologiques khmers de Siem Reap, a de nouveau été désigné comme l’un des « 500 meilleurs hôtels » du monde par Travel + Leisure. Le magazine de voyage américain, leader du secteur, a récompensé l’hôtel emblématique dans le cadre de ses prestigieux « World’s Best Awards », qui comptent parmi les distinctions les plus convoitées de l’industrie mondiale de l’hôtellerie et de la restauration. Le Raffles Grand Hotel d’Angkor figure sur la liste des meilleurs hôtels pour la troisième année consécutive. Le Raffles Grand Hotel d’Angkor a ouvert ses portes en 1932 pour servir de halte aux archéologues et aux aventuriers qui exploraient l’ancien royaume d’Angkor Vat. Le directeur général Joseph Colina déclare : « Nous retrouvons aujourd’hui le même esprit audacieux et enthousiaste chez nos clients qui viennent ici pour avoir l’occasion, une fois dans leur vie, de découvrir ces merveilles. » L’hôtel a récemment dévoilé un nouveau menu « Curated Journeys » proposant des excursions uniques, notamment un « Bespoke Temple Dinner » servi aux chandelles dans le complexe des temples d’Angkor ; une visite « Lost Civilisations of Angkor by Vespa », où le monde ancien rencontre le monde d’aujourd’hui ; et « Meet the Elephants of Angkor », une visite mémorable d’un sanctuaire d’éléphants où les clients peuvent approcher de près les gentils géants, entre autres. En plus des Curated Journeys, un nouveau programme sur place, le « Raffles Resort Program », propose sept expériences distinctes dans l’enceinte de l’hôtel, dont « The Untold Stories », une rencontre avec l’historien résident de Raffles pour découvrir les vestiges du passé à travers une visite historique de l’hôtel ; « Sommelier Sessions » avec le sommelier résident de l’hôtel ; et bien d’autres encore. Le restaurant gastronomique 1932 de l’hôtel a également lancé récemment une série de menus dégustation khmers exclusifs à plusieurs plats — les premiers du genre — offrant aux convives une introduction alléchante aux saveurs distinctives de la cuisine cambodgienne. La quasi-totalité des 119 chambres et suites de l’hôtel Grand Dame ont été entièrement remises à neuf dans le cadre d’un vaste projet de rénovation de trois ans qui s’est achevé en juin 2022. L’un des attributs les plus distingués de l’hôtel, son ascenseur classique en métal et en bois dans le hall, demeure, tout comme l’ambiance vintage de l’Elephant Bar. Pour plus d’informations sur le Raffles Grand Hotel d’Angkor, ou pour effectuer une réservation, veuillez appeler le +855 23 982 598 ou visiter le site www.raffles.com/siem-reap/. À PROPOS DU RAFFLES Raffles Hotels & Resorts s’enorgueillit d’une histoire illustre et de certaines des adresses hôtelières les plus prestigieuses du monde. En 1887, le Raffles Singapore a établi la norme en matière d’hospitalité de luxe, en faisant découvrir au monde les majordomes privés, le Singapore Sling et son service légendaire et durable. Aujourd’hui, Raffles perpétue cette tradition dans les grandes villes et les lieux de villégiature les plus somptueux, enchantant les voyageurs avec des expériences significatives et un service à la fois gracieux et intuitif. Les connaisseurs de la vie choisissent Raffles, non seulement pour son aura de culture, de beauté et de gentillesse, mais aussi pour le sentiment extraordinaire qu’ils éprouvent lorsqu’ils sont en résidence chez Raffles. Chaque Raffles, que ce soit à Paris, Istanbul, Dubaï, Varsovie, Jakarta ou aux Seychelles, est une oasis vénérée où les voyageurs arrivent en tant qu’invités, repartent en tant qu’amis et reviennent en tant que famille. Raffles fait partie du groupe Accor, leader mondial de l’hôtellerie, qui compte plus de 5 100 établissements et 10 000 points de restauration dans 110 pays.

  • Cambodge : Tendances positives pour l'export de meubles

    Une étude récente de « Research and Markets » suggère que les revenus de la production et du commerce de meubles au Cambodge pourraient être multipliés par dix d’ici 2033, avec une valeur totale de 1,484 milliard de dollars. Le rapport, intitulé « Cambodia Furniture Industry Research Report, 2013-2022 & 2023-2033 », suggère que le récent effondrement du secteur du commerce du meuble pourrait être une anomalie et que les tendances à long terme restent très positives. Selon le document, la valeur des exportations de meubles du Cambodge en 2023 s’élève à environ 890 millions de dollars. Cela représente une légère baisse de 6,18 % par rapport à 2022. Entre 2019 et 2023, la valeur des exportations de meubles du Cambodge est passée d’environ 419 millions de dollars en 2019 à 890 millions en 2023. Le rapport suggère que la valeur des exportations de meubles du Cambodge devrait continuer à croître de 2024 à 2033 selon une trajectoire similaire. Les exportations de meubles du Cambodge devraient atteindre 1,484 milliard de dollars en 2033, avec une croissance moyenne de 5,5 % entre les années 2024 et 2033. Le rapport identifie également un certain nombre de facteurs qui devraient contribuer à la croissance continue de ce secteur. Tout d’abord, le Royaume dispose de nombreuses ressources environnementales qui sont propices au développement de l’industrie du meuble au Cambodge. Plus important encore, le rapport souligne que le Cambodge dispose d’une couverture forestière de près de 60 % du territoire national, y compris des réserves de bois d’environ 1,1 milliard de mètres cubes. Ensuite, le Cambodge semble également en mesure de bénéficier de transferts industriels de la part de grandes entreprises de production de meubles de l'étranger, en particulier de Chine. Le Cambodge a également des coûts de main-d’œuvre relativement attractifs, ce qui pourrait encourager l’augmentation des investissements dans la production de meubles dans les années à venir. Toutefois, le salaire minimum cambodgien est déjà plus élevé que dans certaines autres régions, ce qui pourrait affecter le niveau des investissements étrangers directs dans le secteur. Le salaire mensuel minimum au Cambodge était de 194 dollars en 2022, et a été augmenté à 204 dollars à partir de janvier 2024. Lim Heng, vice-président de la Chambre de commerce du Cambodge (CCC), a déclaré précédemment que la croissance économique mondiale et la réduction des stocks des acheteurs internationaux ont entraîné une augmentation des commandes à l'étranger dans divers secteurs. Il s'attend à ce que les volumes de commandes augmentent à l'avenir. « Lorsque l'économie mondiale est florissante, la demande de ces produits repart à la hausse, ce qui se traduit par une augmentation des commandes »,dit-il.

  • PM : Malgré les difficultés, le Cambodge est déterminé à construire le canal Funan Techo

    « Malgré quelques difficultés à obtenir des investissements étrangers pour le projet du canal Funan Techo, le Cambodge est déterminé à construire ce projet crucial », a annoncé le Premier ministre Hun Manet dimanche lors d’une rencontre avec plus de 5 000 représentants de l’économie informelle à l’OCIC — Phnom Penh. « À la suite de l’annonce effectuée par le président du Sénat cambodgien, S.E. Hun Sen, le soutien au projet de canal Funan Techo s’est transformé en un puissant mouvement national », a-t-il souligné, ajoutant : « Nous accueillons et encourageons les investissements étrangers, mais je tiens à souligner qu’avec ou sans investissements étrangers, le Cambodge peut toujours réaliser ce projet. Nous avons déjà préparé trois scénarios, comme S.E. Sun Chanthol et moi-même en avons discuté ». Bien que les détails des trois scénarios n’aient pas été révélés, le Premier ministre a exprimé l’espoir d’avoir l’occasion d’effectuer une croisière sur le canal Funan Techo alors que la construction pourrait commencer à la fin de 2024 ou en 2025. Samdech Thipadei a indiqué que le budget pour la construction du projet de canal Funan Techo a été réservé. Le gouvernement royal n’a pas l’intention de lever des fonds pour la construction du projet. « Nous pensons que le projet contribuera également à rationaliser les procédures pour les navires et les formalités pour le transit des marchandises du Cambodge vers la mer. » « En outre, nous espérons qu'il contribuera à l'établissement d'un plus grand nombre de zones commerciales, de zones économiques spéciales et de nouveaux ports satellites, à l'expansion des zones de développement de l'agriculture, de l'irrigation, de l'aquaculture et du tourisme, à la réduction des inondations pendant la saison des pluies, à l'augmentation des produits de la pêche en eau douce, à la promotion du secteur de l'immobilier et d'autres investissements, etc. En résumé, le canal Funan Techo est un projet qui sert le grand intérêt national, en particulier dans le domaine socio-économique. », a précisé le chef du gouvernement royal. Ce dernier a publiquement sollicité le soutien de tous les Cambodgiens pour « former un mouvement national fort visant à réaliser le projet de canal Funan Techo ». À cette occasion, il a également interrogé Sam Rainsy sur son point de vue et ses récentes critiques concernant le projet. En ce sens, il a appelé à une réflexion sur les bénéfices ou les pertes encourus par l’utilisation des canaux nationaux par rapport à l’investissement dans des voies extérieures, et a exhorté Sam Rainsy à donner la priorité à l’intérêt national. Le projet de canal Funan Techo a le potentiel de relier les voies navigables entre les rivières et la mer du Cambodge, en passant par les provinces de Kandal, Takeo, Kampot et Kep. Il sera long d’environ 180 kilomètres et coût est estimé à environ 1,7 milliard USD.

  • Phnom Penh : Ouverture prochaine du LIXIN CEO Center dans le quartier central des affaires

    LIXIN Group vient d’annoncer l’ouverture prochaine du LIXIN CEO Center situé dans le quartier central des affaires de Phnom Penh, Khan 7 Makara. Ce projet est situé à proximité du ministère du Tourisme, du Palais de la Paix, du Bureau du Conseil des ministres, et bénéficie d’un accès direct aux centres commerciaux et aux écoles internationales, tous situés à moins de cinq minutes. La conception originale de l’ensemble a été récompensée par les Cambodia Property Awards, qui ont décerné les prix du meilleur appartement haut de gamme, de la meilleure conception architecturale d’un appartement et de la meilleure planification d’un bureau. Les tours jumelles, d’une hauteur de 130 mètres, présentent un design épuré et une façade entièrement en aluminium. Largement annoncé comme l’un des projets de développement les plus importants de Phnom Penh, le LIXIN CEO Center est sur le point en effet de transformer le panorama de la ville. Le bâtiment A accueillera bientôt un nouvel hôtel Wyndham, un établissement cinq étoiles de renommée internationale qui promet aux résidents l’accès à des services et à des équipements de qualité. En plus de l’hôtel, le projet offre un vaste espace public de 6 000 mètres carrés qui comprend un Sky Bar, une piscine, un bar à cigares, une salle de sports et de nombreuses autres installations. Les besoins des entreprises sont également pris en compte grâce à une division de services professionnels et à une salle de conférence internationale ultramoderne d’une capacité de 100 personnes. Le LIXIN CEO Center offre une gamme variée d’options immobilières, notamment des espaces de bureaux, des appartements dans des hôtels cinq étoiles, de luxueuses demeures haut de gamme et de vastes appartements. Selon LIXIN Group, les investisseurs devraient se montrer particulièrement intéressés par le programme de cession-bail garanti pour une période allant jusqu’à dix ans, ainsi que par la possibilité de rachat garanti après cinq ans. Pour plus de détails : 093 905 566

  • L'OIT se réjouit des progrès notables du Cambodge dans les secteurs de la sécurité sociale et de la formation professionnelle

    Mme Xiaoyan Qian, directrice de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) pour la Thaïlande, le Cambodge et la République démocratique populaire lao, a fait part de ses impressions lors de sa rencontre avec le ministre du Travail et de la Formation professionnelle, S.E. Heng Sour, le 25 avril au ministère. S.E. Heng Sour a exprimé sa gratitude à la directrice de l’OIT pour cette appréciation et a fait l’éloge de la contribution de l’organisation au secteur, « en particulier en matière de soutien à la formation de compétences de base pour les jeunes Cambodgiens afin d’augmenter leur productivité au travail et en matière de renforcement des capacités institutionnelles ». Il a fait part à son invitée des priorités du ministère pour améliorer « la communication professionnelle, la liberté, la productivité et le bien-être des travailleurs, ainsi que pour créer un environnement favorable aux investisseurs ». Le ministre a également souligné le programme national en cours visant à offrir une formation professionnelle à 1,5 million de jeunes issus de familles pauvres et vulnérables. Les deux parties ont réaffirmé leur soutien mutuel pour la mise en œuvre de leurs projets communs visant à porter le secteur de la sécurité sociale et de la formation professionnelle du Cambodge à un niveau supérieur. À propos Unique agence tripartite de l’ONU, l’OIT réunit des représentants des gouvernements, employeurs et travailleurs de 187 États membres pour établir des normes internationales, élaborer des politiques et concevoir des programmes visant à promouvoir le travail décent pour tous les hommes et femmes dans le monde.

  • Le Cambodge remporte 7 médailles aux championnats de la Fédération de karaté de l'Asie du Sud-Est

    Les participants cambodgiens ont remporté sept médailles — une d’argent et six de bronze — lors des 11e championnats de la Fédération de karaté d’Asie du Sud-Est 2024 qui se sont déroulés du 24 au 26 avril 2024 à Bangkok. Les médailles ont été remportées en Kumité masculin senior (combat)-55 kg, 67 kg, 75 kg, et 84 kg, Kumité masculin senior par équipe, Kata masculin senior par équipe (performance), et Kata féminin senior par équipe. Le Cambodge a envoyé 39 délégués, dont des entraîneurs, des arbitres et des athlètes, pour participer à ces 11e championnats de la Fédération de karaté d’Asie du Sud-Est 2024.

  • Chronique & Archive : Médiums, devins, cartomanciens et Krus au Royaume du Cambodge

    Le Cambodge se recouvre rapidement d’une couche de modernité sous le pinceau de la mondialisation. Mais ce pays change-t-il vraiment ? En apparence peut-être, mais dans certains domaines ce n’est pas si sûr... Les Cambodgiens ont toujours été attirés par les cartomanciens, géomanciens et médiums en tous genres, ces Krus dont nous avons déjà beaucoup parlé. Jeunes ou anciens, toutes les décisions importantes ne se prennent jamais sans « consulter » un diseur de bonne aventure. Et cette tendance ne fléchit pas. Bien au contraire ! Toutes sortes « d’emberlificoteurs » Des emberlificoteurs, comme aurait dit ma grand-mère qui n’a jamais cru en autre chose que ses rhumatismes pour connaître la météo, il en existe de nombreuses catégories. A peine la troupe des cuirs colorés avait quitté l’enceinte de la pagode, qu’un haut parleur crépitait à nouveau : « Mesdames et Messieurs, vous allez assister à un spectacle formidable. Non seulement vous allez vous amuser, mais, en plus, vous pourrez constater de vos propres yeux l’efficacité de nos médicaments traditionnels ! » Sifflements de larsen et roulements de tambours à l’entrée de la route principale menant à la pagode du village pour une nouvelle représentation de Pahi, ce spectacle populaire cambodgien qui mêle cirque, prestidigitation et médecine traditionnelle. Les badauds commencent à se rassembler autour de la scène improvisée, délimitée par de simples cordes au ras du sol. Quatre singes attachés à des piquets en gardent les coins. De la voiture garée à côté, on décharge des dizaines de bouteilles contenant un liquide sombre que l’on dispose sur un étal surmonté d’une pancarte à l’effigie d’un hercule. Des fioles à devenir fou Dans un autre hamac, accroché non loin contre une caisse de bois, un macaque joue avec un chiot. Le comportement des deux animaux attire une foule de plus en plus nombreuse, intriguée ensuite par ces fioles de liquide sans aucune étiquette annonçant sa composition. Puis le spectacle commence. Il durera deux heures. Le clou : un volatile est présenté à la foule et le forain se met en devoir de lui briser les pattes avant de les ligaturer d’une sorte de pansement imbibé du « fameux » remède. Puis, se saisissant d’un couteau, il le lui plante dans la tête et le découpe de part en part dans le sens de la longueur, non sans avoir pris la précaution de l’asperger du précieux breuvage. L’animal mal en point est ensuite roulé dans une nappe. « Vous allez voir… Attendez quelques minutes », annonce le forain. Effectivement, peu après, le poulet est dégagé de son linceul et, sans qu’aucune manipulation apparente ait été faite, il se met à courir comme un dératé, sans doute déjà cliniquement mort. « Tout cela est naturel, nous n’utilisons pas la magie », assure le bonhomme. Pour mon vieil ami Ta Sâr, ce genre de spectacle est dangereux pour la santé mentale des personnes qui y assistent. Dans sa bouche, les exemples de décès, survenus après consultation de diseurs de bonne aventure ou après avoir ingurgité ces soi-disant médecines, sont nombreux. « J’ai connu une dame dont le mari est tombé gravement malade. Elle est allée voir un de ces spectacles, a acheté les fioles et a fait boire cela à son mari qui est mort sur le coup. La dame en est devenue folle ! » L’utilité des Krus Toutefois, il ne faut pas mettre tous les diseurs de bonne aventure dans la même fiole. Consulter des devins est une réponse originale aux problèmes sociaux du Cambodge contemporain. On l’a vu précédemment, cela permet de résoudre de nombreux problèmes qui surviennent dans les couples, entre voisins, ou entre parents et enfants. Les Krus exercent le rôle, inexistant ici, d’assistant social. Dans une société déstructurée, où la population ne croît pas en l’autorité de l’État et où la solidarité entre individus fait cruellement défaut, les gens auraient tendance à chercher conseil auprès de ces personnes. Les médiums pallient le manque de repères protecteurs et à la nécessité de médiation dans une société agitée par de nombreux conflits. Certes, les gens incapables de prendre la moindre décision sans avoir auparavant consulté un devin peuvent présenter un problème certain de personnalité traduisant un manque d’autonomie. Tout dépend en fait du degré d’adhésion à ce genre de choses. L’histoire récente du Cambodge permet d’expliquer la présence actuelle et le rôle croissant de cette catégorie de personnes. Leur multiplication est interprétée comme une volonté de Bouddha d’aider les humains, et aussi de venir pacifier et éduquer toutes les âmes des morts sous Pol Pot qui continuent à rôder et à déranger les vivants. Les borameï (personnages affirmant pouvoir être possédés par des esprits) viennent remettre de l’ordre entre les vivants et les morts et réparer un traumatisme collectif. On sait jamais Les consultations des médiums et autres devins avant toute prise de décision importante reste un élément culturel de la vie des Cambodgiens et par exemple, pas un mariage sans que la date en soit fixée à l’avance par des achards (maîtres de cérémonie), bonzes ou devins. Lorsque quelqu’un désire vendre ou acheter un terrain, il s’en réfère également à un devin ou médium pour prendre conseil. Mais gare ! « J’ai connu quelqu’un qui devait acheter un terrain à une autre personne pour 1 dollar le mètre carré. Il a consulté un médium qui lui a conseillé de ne pas conclure l’affaire. Quelqu’un d’autre a acheté ce terrain à sa place et l’a revendu un peu plus tard pour 5 dollars le mètre carré. C’était une bonne affaire et mon ami a beaucoup regretté d’avoir écouté le médium », explique encore Ta Sâr. Tous les hommes d’affaires cambodgiens qui projettent de construire un bâtiment invitent toujours des bonzes à étudier les lieux et décider quel serait le jour favorable au commencement des travaux. Il existe dans tous les villages des cartomanciens qui, pour quelques riels tirent les cartes à qui le désire. Ta Sâr n’y croit pas, mais il consulte à l’occasion le devin du coin. « Par curiosité », dit-il. Par simple curiosité j’y suis allé aussi. Et je lui ai demandé de me donner les numéros de la loterie. On ne sait jamais. Sur un malentendu… F.Amat - Tous droits réservés Cambodge Mag

  • Cambodge & Recette : Mélange d’épices pour curry khmer (គ្រឿងការី)

    « Curry ou cari est un terme générique désignant une grande variété de préparations épicées. On le trouve principalement dans les cuisines indiennes ou influencées par l’Inde » dixit ici Wikipedia. Recette classique Le curry est certainement l’apport le plus visible de la cuisine indienne aux cuisines d’Asie du Sud-Est, et notamment à celle du Cambodge. Les préparations khmères que l’on peut placer dans la catégorie des « currys » sont innombrables : curry de crabe, de crevettes, de bœuf, de volaille, de poisson… Le plus souvent consommés en accompagnement de nouilles de riz fraîches (នំបញ្ចុក [nom banh-chok]), et considérés par les Khmers comme des soupes, les currys accompagnent magnifiquement, aussi, le riz blanc. Il existe au Cambodge pour ainsi dire autant de mélanges d’épices pour curry (គ្រឿងការី [kroeung kari]) qu’il y a de cuisiniers. Les ingrédients utilisés et leurs quantités respectives sont très divers, même s’il y a des ingrédients qui sont incontournables (citronnelle, échalote et ail, galanga, curcuma, feuilles de citron kaffir, piments fumés). Nous proposons ici une recette assez classique. Ingrédients : 2~3 tiges de citronnelle (ស្លឹកគ្រឺ [sleuk krey]) 1 tronçon de galanga (រំដេង [rom-déng]) 1 tronçon de curcuma (ល្មៀត [lmiet]) 5~6 gousses d’ail 2~3 échalotes 2~3 feuilles de citron kaffir (ស្លឹកក្រូចសើច [sleuk kroch saeuch]) 1~2 c. à s. de graines de coriandre (ការីស [ka-ri sâ], littéralement « curry blanc ») (éventuellement) 2~3 piments secs fumés (ម្ទេសឆ្អើរ [mtèh ch’ae]) Quelques ingrédients de base du curry khmer : galanga, curcuma, feuilles de citron kaffir, citronnelle, ail Préparation : 1. Nettoyer tous les ingrédients, mettre les piments fumés à tremper dans l’eau. 2. Hacher soigneusement les tiges de citronnelle en tranches très fines. Peler le galanga et le débiter en petits morceaux. Peler le curcuma et le couper en fines tranches. Éplucher l’ail et les échalotes. Ciseler grossièrement les échalotes. Couper les feuilles de citron kafir en très fins filaments. 3. Dans un mortier, piler soigneusement, dans un premier temps, les tiges de citronnelle. Une fois une consistance assez homogène et fine obtenue, ajouter les feuilles de citron kaffir, les graines de coriandre, puis le galanga et le curcuma, et enfin les échalotes et les gousses d’ail. Continuer à piler jusqu’à obtenir un mélange homogène et une texture assez pâteuse. 4. Égoutter les piments fumés et les hacher finement de façon à obtenir une pâte. Conservez le premier mélange et les piments fumés dans des récipients à part si vous ne cuisinez pas immédiatement votre plat. 5. Lors de la préparation du plat, la « pâte à curry » et la pâte de piment sont d’abord revenues dans un peu d’huile au fond de la casserole avant l’ajout des autres ingrédients du curry (viande, légumes, etc). Pâte à curry et pâte de piments Astuces Les quantités données pour les ingrédients sont volontairement imprécises. Il vous appartiendra d’ajuster les quantités en fonction de vos préférences gustatives. Certains utilisent pour préparer le mélange d’épices un robot ménager. Il nous semble que la texture obtenue avec la méthode traditionnelle, avec mortier et pilon, est sensiblement meilleure. La citronnelle a une texture ligneuse prononcée. Il est indispensable de la couper très finement et de la piler longuement, jusqu’à obtenir une texture assez fine, faute de quoi, la sauce du plat cuisiné, fibreuse, sera assez désagréable en bouche. Pour couper les feuilles de citron kaffir, mieux vaut les rouler sur elles-mêmes de façon à obtenir un petit cylindre, puis les couper en de très fines tranches. Le mélange d’épices sans piment fumé se conserve au réfrigérateur pendant plusieurs jours et au congélateur pendant plusieurs semaines. Vous pouvez donc en préparer à l’avance une certaine quantité. Ce n’est pas le cas de la pâte de piment fumé, qui doit être préparée juste avant de cuisiner. On trouve dans le commerce des pâtes de piment fumé toutes prêtes. Au piment, le plus souvent, ont été ajoutés de l’échalote et de l’ail. Il faudra alors revoir à la baisse la quantité d’ail et d’échalote ajoutée dans le mélange d’épices. Texte et photographies par Pascal Médeville

  • Histoire & Archive : Svay Khleang, village cham pittoresque et insoumis

    Svay Khleang est un village Cham pittoresque situé sur la rive du Mékong, dans la commune éponyme, province de Kampong Cham. Historiquement, il était autrefois le centre de l’érudition et de l’apprentissage des musulmans chams au Cambodge. Au bord du Mékong Le village de Svay Khleang porte plusieurs noms, dont Prek Kaut, Prek Cham et Village 5. Même avant le Kampuchea démocratique, de nombreux endroits au Cambodge étaient connus sous deux noms : l’un utilisé par les Chams, l’autre utilisé par des non-Chams. Par exemple, les non-Chams connaissaient le village sous le nom de Svay Khleang, tandis que les Chams l’appelaient Prek Kaut. En khmer, Svay signifie « mangue » et Khleang, « entrepôt ». Explication : à l’époque coloniale, le gouvernement français avait construit un entrepôt sous un grand manguier à Prek Kaut. Les résidents ont donc appelé cet entrepôt Khleang Svay. Plus tard, le nom du village a été changé de Prek Kaut ou Prek Cham à Khleang Svay, et peu de temps après, il a été changé à nouveau en Svay Khleang. Insoumission aux Khmers rouges Svay Khleang est également bien connu pour sa résistance contre le régime de Pol Pot. Le village abritait environ 6 200 habitants avant les Khmers rouges. Seule une centaine de familles ont survécu après la chute du régime en janvier 1 979. « Avant l’arrivée des Khmers rouges, nous avions l’habitude d’étudier avec les Khmers. Il n’y avait pas de conflit. Nous pourrions parler Cham et embrasser notre culture et notre religion. Mais, après l’arrivée des Khmers rouges, tout est devenu interdit », raconte Hak Sary, une villageoise de 57 ans, qui a perdu 30 de ses proches sous le régime brutal du Kampuchéa démocratique. « Si nous essayions de pratiquer notre religion, ils nous tuaient… Nous devions nous couper les cheveux et nous ne pouvions pas porter nos foulards… Ils m’ont forcé à manger du porc sous la menace d’une arme » Cette zone, le village de Svay Khleang et commune du quartier Kroch Chmar de Kampong Cham, était un centre dynamique de la vie Cham avant que les communistes ne décident de briser la communauté en 1975. Cette année-là, les villageois ont eu vent de l’arrestation imminente d’un groupe de villageois qui avait tenu une prière à l’aube à la mosquée locale pour célébrer la fin du mois de jeûne du Ramadan. Armés d’épées, ils se sont rebellés et sont parvenus à tuer un cadre khmer rouge. Un assaut brutal et sanglant des révolutionnaires communistes a suivi. Des centaines d’hommes, femmes et enfants ont été tuées et les survivants ont été évacués de force vers différents endroits. La plupart ne reverront jamais leur village. Pour de nombreux observateurs, il ne fait aucun doute que cette minorité ethnique et religieuse a été ciblée avec une brutalité extrême. Certains historiens affirment que les Cham subissaient bien plus d'exactions que tout autre groupe ethnique. Les documents khmers rouges de cette époque stipulaient que ce groupe distinct devait être « éclaté » parce que « leur vie n’était pas si difficile ». Cependant, les Khmers rouges ont déguisé leur propre intention génocidaire dans leur seule déclaration officielle sur ce sujet lorsqu’ils ont annoncé : « La race Cham a été exterminée par les Vietnamiens » Aujourd’hui Le village de Svay Khleang possède plusieurs vieilles maisons construites par de riches familles, telles que les maisons de Ta Ba-ror-tes et Snong Man. Leurs habitations sont encore en bon état. No Min, 55 ans, chef de villagede Svay Khleang, vit dans la même grande maison en bois que son arrière-grand-père a achetée à la fin du XIXe siècle. No Min raconte que son ancêtre, un riche commissaire de police cham pour le Protectorat français, avait une famille de 11 épouses qui comprenait des femmes khmères, vietnamiennes, chinoises et thaïlandaises. D’autres dans le village disent qu’il était un marchand de bois qui transportait sa marchandise sur le fleuve jusqu’au Vietnam. No Min confie qu’il ne le savait même pas. Héritage précieux Farina So du Centre de documentation du Cambodge (DC-Cam), qui a pris l’initiative de tenter de préserver l’héritage de la communauté cham explique : « La plupart des informations proviennent de sources orales transmises de génération en génération. Nous avons trouvé très peu d’informations écrites sur ce village à l’époque » Tous les chercheurs s’accordent toutefois à dire que ce petit village cham sur la rive est du Mékong était autrefois un centre de la culture islamique du Cambodge. Le peuple Cham, dont le nombre se situe à environ 350 000 au Cambodge, trouve son origine dans le royaume hindou Champa qui a régné sur une grande partie du sud et du centre du Vietnam du VIIe au XIXe siècle. Après des siècles de guerre sporadique avec les Vietnamiens et les Khmers, le dernier de leur territoire a été annexé par le Vietnam en 1832. Bien que de nombreux Cham vietnamiens pratiquent encore l’hindouisme, la plupart de ceux du Cambodge se sont convertis à l’islam au cours du dernier millénaire pour des raisons encore mal élucidées. Illustre villageois Sanas Min, la fille de 23 ans de No Min, raconte qu’elle a grandi en écoutant des histoires sur le style de vie somptueux que menait son arrière-arrière-grand-père, Snong Man. « Il a construit des maisons et des stupas pour toutes ses épouses et leur a laissé de nombreuses propriétés avant de mourir », dit-elle ajoutant que Snong Man possédait même son propre éléphant. À quelques portes de la maison de No Min se trouve l’ancienne maison de Haji Osman Paung, un conseiller du roi Sisowath Monivong, également connu sous le nom de Ta Ba-ror-tes. Les chercheurs du DC-Cam ont entendu de la part des villageois que Ta Ba-ror-tes avait accueilli le roi lors de sa visite en bateau à vapeur, avec Snong Man couvrant le bord de la rivière avec un tapis de soie rouge pour l’occasion. Selon No Min, Ta Ba-ror-tes était le principal imam du Cambodge. Sanas Min, qui appelle Ta Ba-ror-tes « grand-père », confie que son amitié avec Monivong est toujours légendaire dans le village. « Le roi avait même l’habitude de visiter sa maison et ils chassaient ensemble, c’est donc un point d’histoire important dont le village parle encore » L’intérieur de la vieille maison, qui est gardée verrouillée par les villageois, abrite encore les vieux meubles de Ta Ba-ror-tes, des bancs en bois richement sculptés, un bureau et un lit et un vieux luminaire suspendu à une chaîne poussiéreuse. La maison a fait en 2014 l’objet d’un différend entre les parents survivants de Ta Ba-ror-tes. Bien qu’Ibrahim Keo, un fils de Ta Ba-ror-tes vivant aux États-Unis, eut confié la propriété à DC-Cam, d’autres proches avaient revendiqué la maison et même contracté une hypothèque en faveur d’une banque locale. « Cela n’était pas surprenant pour nous. Nous devions nous attendre à tous ces types de problèmes lorsque nous travaillions à la préservation du patrimoine et au développement de la communauté » À côté de la maison de Ta Ba-ror-tes se trouve un minaret à trois niveaux construit au XIXe siècle au centre du village près de la rivière. On sait peu de chose à ce sujet, bien que No Min suggère qu’il était actif jusqu’à ce que les cadres khmers rouges le saccagent. « Nous supposons que ce style architectural est une combinaison de styles cham, arabe et khmer », explique Farina So, ajoutant que tout ce qu’ils savent avec certitude, c’est que le minaret était déjà érigé lors de la visite du roi Monivong au début du XXe siècle. Pour No Min, sa propre maison, transmise par son arrière-grand-père, est un héritage familial qu’il entend conserver. Elle lui a été offerte comme cadeau de mariage et il aimerait donner la maison à l’un de ses trois enfants. «Je ne vendrai jamais cette maison », dit-il, ajoutant qu’il y était né et y avait vécu toute sa vie. Un riche homme d’affaires de Phnom Penh voulait acheter cette maison, mais il a refusé de la vendre. Sanas Min, qui est arrivée à Phnom Penh en 2009 et travaille chez DC-Cam, confie qu’elle aime la maison de son enfance et qu’elle lui manque. « L’emplacement de ces maisons est vraiment agréable, le long de la rive où les anciennes générations musulmanes résident toujours » Cependant, son père doute que l’un de ses enfants veuille retourner à Svay Khleang pour reprendre la maison familiale. Lorsqu’on lui a demandé si elle serait intéressée, Sanas Min confie qu’il est trop tôt pour le dire. « Je ne sais pas encore, mais je retournerai probablement vivre à la maison quand je serai vieille » Références et illustrations : Cambodia: The Cham Identities by Documentation Center of Cambodia & democratic-kampucheas-genocide-of-the-cham par Julie Thi Underhill

  • Cambodge & Histoire : Les mé srok ou premiers collecteurs d’impôts cambodgiens

    Le travail remarquable d’Im Monychenda, historien diplômé de la dix-huitième promotion de l’Université Royale de Phnom Penh, permet de comprendre combien il a été difficile pour les officiels Cambodgiens de se mettre d’accord sur un système de décentralisation qui puisse fonctionner correctement dans le pays. La réforme avait suscité bien des débats en préambule aux premières élections communales de 2002, qui avaient vu ensuite la victoire du CPP avec 60 % des voix et 98,5 % des sièges (vote à la proportionnelle) déjà, devant le PSR (Parti de Sam Rainsy). Un peu d’histoire… Le khum Avant l’instauration du protectorat français au Cambodge, le khum pouvait être comparé à la structure tribale au sein d’un village, mais les khum qui possédaient déjà une certaine structure n’avaient pas de caractéristiques aussi précises que celles qui ont été mises en place par les Français au Cambodge en 1908. En effet, la commune française se révèle être une unité administrative particulière. En fait, les khum n’apparaissaient pas dans les textes écrits et l’on n’est sûr que de l’existence de la structure provinciale (khet) dirigée par un gouverneur de province (chauvay khet) (fonctionnaire supérieur) qui était responsable de tout et qui assurait le lien avec le roi. Chaque province était divisée en srok, chacun d’entre eux sous l’autorité d’un chauvay srok (chef de srok). Quant aux villages, chacun d’entre eux était sous l’autorité d’un mé srok ou chef de village. Habituellement, le mé srok était un mé kantreanh (chef tribal) et était le représentant du chauvay srok, ce dernier ayant le plus de pouvoir. Pour ces raisons, les Français ont considéré que le khum était l’équivalent d’une mairie et ils ont, en conséquence, réaménagé progressivement ces structures sur le modèle et la législation français de l’époque. Le mé srok cambodgien d’autrefois était un homme dynamique suffisamment jeune pour pouvoir assumer ses fonctions et il était choisi par un groupe de personnes âgées du srok. Le srok à cette époque signifiait le « village natal » et n’avait pas le sens administratif actuel de « district ». La tutelle des anciens Les groupes de personnes âgées portaient la dénomination de « groupe de délibération des anciens » (krom chumnum chas tum) – à comparer avec le terme grāmav® ddha signifiant « les sages du village » ou « les sages dans le village », ceci est attesté dans les inscriptions pré-angkoriennes et angkoriennes. Les décisions prises par le « groupe de délibération des anciens » étaient transmises au mé srok qui était chargé de les appliquer. Le mé srok accomplissait son travail sans aucune rétribution en numéraire, mais était récompensé par l’estime et la gratitude des habitants, et recevait les dons que ces derniers voulaient bien lui octroyer. Ce système administratif était un système basé sur l’« ancienneté », c’est-à-dire qu’on respectait les anciens et qu’on exécutait leurs ordres et respectait leur avis. Du fait de la présence d’anciens mandarins, de laïques versés dans les rites bouddhiques (achar) et de savants en lettres qui participaient aux affaires du srok, ce « groupe de délibération » (krom chumnum) s’est transformé par la suite en krom ponhea (groupe de fonctionnaires). Les membres du krom ponhea choisissaient les adjoints du mé srok, que l’on appelait chumtop. Les chumtop eux-mêmes pouvaient se trouver des smien (secrétaires) pour les assister aux travaux en écriture et en diverses autres tâches. Tous travaillaient sans salaire car la notion d’« argent à dépenser » a été l’œuvre du roi Ang Duong, c’est-à-dire seulement à partir de la deuxième moitié du dix-neuvième siècle. Les chumtop recevaient des poissons, des noix de coco, des fruits, des légumes, etc., en récompense de leur peine. La commune collectrice de l’impôt colonial À leur arrivée, les Français ont utilisé les mé srok pour lever les impôts pour l’administration (française). Pour cette raison, personne ne voulait devenir mé srok. Par la suite, en 1901 et 1902, les Français ont instauré le principe d’élection des mé srok et des « groupes de délibération » (krom chumnum), en instaurant également le principe d’un bénéfice en pourcentage pour les mé srok. Mais ils ont également augmenté les pouvoirs de ces derniers. Ces mesures ont été prises pour rendre la collecte des impôts plus efficace. L’argent et les honneurs (bon sak) que le protectorat français conférait aux mé srok les a transformés de personnes au service de la population et que cette dernière estimait, en agents salariés des Français qui opprimaient les autres Cambodgiens pour percevoir les impôts. Dans le sens administratif, mé srok désignait les chefs de commune (mé khum), expression que l’on utilisait avant 1908, mais du fait de la popularité de son emploi, cette expression a été en usage pendant très longtemps, jusque dans les années 1960, mais sans aucune précision de sens sur la division administrative intermédiaire se situant entre la province (khet) et le village (phum). En 1901 a été créé un conseil du srok qui comprenait le mé srok, les chumtop et deux notables. Ce conseil se trouvait sous l’administration directe du mé srok et sous la haute responsabilité du chauvay srok, dont le rôle était de collecter les impôts. Le mé srok était celui qui créait des relations fortes entre les échelons supérieurs et la population. Il semble que le système d’élection des mé srok et des « groupes de délibération » (krom chumnum) n’avait pas de contours bien définis d’autant que les Français ne cherchaient qu’à se débarrasser des mé srok relevant de l’ancienne structure. Il n’y eut plus de « tentative d’organisation des communes cambodgiennes » après 1902. Les anciens khum ont pratiquement cessé de fonctionner et il a fallu créer de nouvelles entités de type « communales ». La naissance de l’organisation communale En 1908, les Français ont changé le mot srok en celui de khum, et le mé srok est devenu un mé khum (chef de commune) craint et détesté par la population. Voyant le manque de collaboration, les Français ont procédé en 1919 à des élections universelles pour choisir les mé khum et les groupes de délibération (krom chumnum) et ont permis aux khum de disposer de leur propre budget. Le budget communal était un appât pour attirer de nombreuses entrées d’impôts. Mais cette façon de faire n’obtint pas beaucoup de résultats à cause du peu de collaboration de la population qui se retrouvait écrasée par des charges supplémentaires qui aggravaient ses conditions de vie. On a créé les budgets communaux tout en sachant pertinemment que les mé khum n’avaient aucune capacité et qu’ils restaient toujours soumis aux représentants du pouvoir central (le gouvernement). Ainsi on s’aperçoit que de 1889 à 1953 l’administration du protectorat français a procédé à huit réformes importantes de l’administration communale, mais sans aucun effet, et d’un stade à l’autre on ne constate rien hormis la publication d’ordonnances royales visant à l’aménagement des communes. De même, on se rend compte que l’administration de cette époque relevait d’un modèle à la fois décentralisé et centralisé. Du mois de janvier 1926 à 1943, le khum avait réellement une fonction aux termes de la loi comme la commune française. Mais l’on peut regretter que le système des élections communales fût abandonné après la réorganisation communale de 1943 sous l’administration coloniale fidèle au régime de Vichy de l’amiral Decoux. Les chefs de commune (mé khum) et leurs adjoints (chumtop) furent nommés par l’aphibal khet (chauvay khet ou gouverneur de province) avec l’approbation du résident français. À compter des décrets n° 53 NS et n° 40 NS du 5 décembre 1941 et de juillet 1943, les communes furent divisées en deux catégories, en se basant sur le statut et la capacité de travail — certaines communes ayant des conseils communaux formés par nomination, tandis que d’autres avaient des conseils formés sur un mode électif. Les communes importantes ou celles qui avaient la plus grande superficie virent leurs élections ajournées ou suspendues. Dans les communes peu importantes ou de petite dimension, on autorisa les élections qui ne furent cependant pas mises en pratique. D’autre part, d’après les principes posés par la loi, si une place devenait vacante pendant la période de fonctions du chef de commune, il n’était pas permis d’élire un suppléant. Il fallait attendre la fin du mandat dudit chef de commune avant de procéder à des élections. Dans la réalité, tous les sièges vacants se retrouvaient occupés par le biais de nominations. Jusqu’en 1955, une circulaire proposait l’élection de chefs de commune, mais son application était différente selon les provinces, le souci des autorités étant de conserver un habillage démocratique au système. Ainsi la commune est apparue dans la société cambodgienne à partir de 1908, mais sans en avoir les caractéristiques complètes ni la stabilité. Quant à l’aménagement d’une administration communale, elle a entraîné un changement très important de l’administration publique au Cambodge dont nous percevons encore les effets aujourd’hui. Im Monychenda

  • Histoire & Patrimoine : Chantiers de pagodes dans le Cambodge colonial de 1900 à1940

    Entre 1900 et 1940, des centaines de pagodes bouddhistes cambodgiennes sont détruites et reconstruites sur tout le territoire du protectorat. Les Cambodgiens négocient avec les autorités, chantier par chantier, la refondation du bâti votif et la revivification du culte dans les vatt ruraux ou urbains. À la différence des temples anciens, les monastères bouddhistes contemporains sont tout d’abord exclus de la définition du patrimoine. Ils deviennent alors un enjeu de représentation pour les élites cambodgiennes qui s’emparent de cette question d’administration pour affirmer leurs prérogatives sociales et politiques face à la force française. Alors que les notions de communauté, de village et de réseau sont au cœur des renouvellements historiographiques des études khmères, l’auteure s’interroge sur les acteurs de ces chantiers de pagodes, depuis les campagnes jusqu’à la capitale, et sur les enjeux de cette refondation du bâti votif khmer durant la période coloniale. Le fait religieux au Cambodge en situation coloniale Le patrimoine votif au milieu du xixe siècle Dès les années 1870, alors que vient d’être signé le traité de protectorat (1863), les récits colportés sur les ruines monumentales de la jungle cambodgienne sont des vecteurs puissants de l’imaginaire colonial français en Indochine : le mythe d’Angkor est ainsi, durant tout le siècle de domination que connaît le pays khmer, instrumentalisé par les pouvoirs indochinois. Cependant, alors que les Français « découvrent4 » Angkor, le cœur de la vie religieuse cambodgienne se localise dans les vatt disséminés sur l’ensemble du territoire khmer. C’est là que se rassemblent les populations des hameaux qui constituent les villages, que s’organisent les rites ou que les enfants sont alphabétisés. Les communautés de religieux qui habitent ces vatt sont entretenues par la collectivité : issus de l’environnement proche ou venus spécialement se former chez un grū renommé, les moines peuvent se consacrer à l’étude et à la prière pour des périodes plus ou moins courtes de leur vie ou bien « faire carrière » depuis l’enfance. Les bâtiments incluent le vihāra : le sanctuaire, la sālā puṇyā : la salle de cérémonie, et les bâtiments annexes : cellules monastiques, écoles, site de crémation et stūpa, les monuments funéraires. Ceux-ci sont entretenus par les fidèles sous la responsabilité d’un laïc investi d’une autorité tant civile que religieuse, l’ācāry, qui, en plus d’être le référent de rituels spécifiques, a souvent reçu une formation d’architecte et de charpentier. Majoritairement construits en bois et bambou sur des terrains consacrés par des usages plus anciens, les vatt datent pour la plupart du règne du roi Ang Duong (1796-1860) : détruits lors des périodes récurrentes de guerre, ils sont reconstruits à travers des patronages royaux ou par les dons des élites locales alors que se stabilise la situation politique au milieu du xixe siècle7. La période de paix sous tutelle coloniale est alors propice à une valorisation de ce bâti par les Cambodgiens. Jugés improductifs, accapareurs de ressources par les Français parce qu’ils sont exempts d’impôts et de corvées, les moines possèdent une influence considérable sur les populations, influence autonome voir concurrente des discours civilisateurs impérialistes. Face au modèle siamois introduit dans les monastères par la réforme dhammayut, les Français encouragent les autorités mahānikāy dans leurs initiatives de réforme, voire créent de toutes pièces des institutions dédiées à l’étude de la religion comme l’Institut bouddhique (Edwards 2007 ; Hansen 2007). Au quotidien, les représentants français ont tendance à soutenir les vatt au nom des « œuvres » de la colonisation et profitent au début du siècle des nombreuses édifications, notamment les chantiers de vatt princiers comme dans le cadre de la monumentalisation de Phnom Penh, pour communiquer sur la prospérité du protectorat et les bénéfices de la protection française pour la population. L’émergence du problème des vatt À partir des années 1910, alors qu’est introduite la propriété privée telle qu’entendue par les juristes occidentaux qui remet en question les pratiques foncières héritées, les autorités religieuses réclament l’attribution de concessions pour pérenniser leurs installations face au développement du marché immobilier et aux expropriations. Concernant les vatt, les autorités locales françaises sont, jusqu’aux années 1910, assez conciliantes : elles autorisent les procédures de concession, aident aux réfections de certains monastères. Il s’agit de valoriser le bâti permanent, les centres de réunion et donc de contrôle des populations, d’identifier des figures de référence avec qui entretenir des contacts sur le terrain. Après 1910, l’inflation dans les archives des procédures de réfection des vatt ne doit pas forcément nous amener à conclure que le mouvement de rénovation des édifices religieux démarre à partir des années 1900 : il était peut-être tout simplement indépendant des autorités protectrices et donc non référencé. Alors que les Français mettent en place un droit forestier et accentuent la pression fiscale sur les communautés, les procédures se multiplient parce que le contrôle civil s’accroît. Cette croissance des procédures, signe du meilleur encadrement des populations, inquiète les Français. Jugés improductifs, les vatt sont également décrits comme trop nombreux : se basant sur leurs représentations de la paroisse chrétienne, les Français envisagent la pagode comme un dispensaire de sacrements obligatoires et de diffusion du dogme à une population fixe habitant sur un territoire défini et limité. Tout comme les colonisateurs sont circonspects face aux formes d’occupation des sols des populations rurales : habitats épars, hameaux semi-permanents, migrations saisonnières, qui ne correspondent pas à leur définition du village (Luco 2016 ; Forest 1980 : 27-30), la présence de plusieurs vatt dans des zones de faible densité ou bien la fréquentation de plusieurs sanctuaires par les mêmes individus les déroutent : « Je vous rappelle que vous devez tendre à diminuer autant que possible les charges qu’entraîne pour les habitants l’existence de plusieurs pagodes dans un même khum. Il est de l’intérêt même de la religion bouddhique que les ressources et les efforts de la population d’une commune, au lieu de se disperser, se concentrent sur le même monastère qui pourra ainsi être construit et entretenu dans les meilleures conditions », écrira le Résident Supérieur Baudoin. Alors que cette multiplication des sites religieux sur un territoire correspondrait, selon les autorités khmères, aux croyances religieuses de la population, l’administration met alors en place un formulaire qui vise à décourager les Cambodgiens d’entreprendre ces chantiers. Tout d’abord, les procédures ne doivent pas émaner des religieux, mais des populations laïques, représentées par l’ācāry du vatt. Celui-ci doit fournir des preuves des ressources financières indispensables aux travaux et une liste des souscripteurs engagés à les payer, alors que la société khmère est encore largement sous-monétarisée (Guérin 2012 : 441-462). Les fonctionnaires khmers locaux sont les garants de ces procédures qu’ils transmettent avec avis au résident provincial qui communique le dossier à la résidence supérieure et au Palais. Le Conseil des ministres, par le biais du ministre du Palais puis du ministre des Cultes, émet — si avis favorable du roi — une ordonnance royale. Dans le cas d’une construction nouvelle, le service du cadastre doit visiter le terrain et procéder à son relevé. À la fin des années 1930, l’administration propose même des plans types de vihāra, de 3 à 4 formules distinctes que les ācāry doivent sélectionner s’ils veulent voir leur dossier accepté. Une société khmère consensuelle Toutes ces étapes visent à décourager les impétrants. Elles ne suffisent cependant pas. Alors même que la bureaucratie a segmenté les procédures et veut procéder au cas par cas, de vatt en vatt et que depuis le traité de protectorat (1863), la francophilie intéressée de certaines élites a permis à la France une ingérence accrue dans les affaires du royaume (Müller 2015 ; Forest 1980), les dossiers de pagode sont un exemple de consensus des Cambodgiens, quels que soient leur appartenance sociale et leur degré d’implication dans l’État colonial, face aux Français et à leurs ambitions. Par emprunt à l’expression initialement conceptualisée par Benedict Anderson dans l’étude du nationalisme, Ann Ruth Hansen définit ainsi ce qu’elle assimile à une communauté imaginée basée sur la pratique du bouddhisme : « fellow adherents of a religion (qanak tam sāsana), the fourfold religious community (parisāḷ) ». Depuis le me ghuṃ (chef de commune) jusqu’au Conseil des ministres, les fonctionnaires khmers appuient toujours les personnes engagées dans les chantiers : le ministre catholique Col de Monteiro (1844-1908) lui-même ne peut les désapprouver. Des ministres, comme samtec Thiounn (1864-1946) ou l’uk ñā Son Diep (1855-1934), jugés francophiles, sont eux-mêmes à l’origine de fondations ou de refondations de vatt. Le Palais, les princes et les fonctionnaires participent aux chantiers en tant que donateurs ou protecteurs à travers des dons, des interventions administratives ou privées. Alors que s’accumulent les procédures, les dignitaires religieux et les ministres demandent dès 1926 une autorisation de reconstruction générale des vatt : « J’ai l’honneur de porter à votre haute connaissance que les vieilles pagodes au Cambodge atteignant un nombre élevé, j’estime qu’il y a lieu de solliciter de la bienveillance de l’Administration l’élaboration d’une Ordonnance royale accordant une fois pour toutes l’autorisation de reconstruire ou de réparer ces édifices religieux selon les us et coutumes du pays », écrira Le Chef de la Secte Mohanikay au ministre des Culte. Le patrimoine votif, questions d’appartenance Patrimoine votif, patrimoine foncier L’État colonial souhaite diviser pour mieux régner en forçant au cas par cas, or il s’avère que les logiques religieuses khmères mobilisent des relations interpersonnelles et intègrent des problématiques foncières (Guéret 2015 : 35-36). En effet, les chaînes de dépendance sociales jouent en faveur des acteurs des chantiers, les autorités administratives khmères locales répondant aux sollicitations de leurs parents et affiliés. Ainsi, la mise en place des contrôles de construction et reconstruction, qui se standardisent autour de 1914, alors que la pression fiscale s’est énormément accrue sur les communautés des suites du conflit mondial (ibid.), vise un système de dissimulation des patrimoines que les Français suspectent sans avoir toujours les moyens de le dénoncer. Tout d’abord, les vatt sont souvent construits sur des terrains privés, sur les terres des grandes familles, des princes et de la couronne qui sont les premiers fondateurs de pagodes en tant que patrons de kaṃlāṃṅ (clientèle) et représentants de la force protectrice des territoires (Forest 1980 : 27-57). D’où des complexités d’ordre juridique, les vatt pouvant appartenir en propre à des individus qui peuvent les léguer ou les détruire et rénover à leur guise. Les Cambodgiens offrent d’autre part de nombreuses terres aux monastères : terres que leurs anciens propriétaires continuent cependant d’exploiter et en distribuent partiellement les récoltes aux moines lors des grandes célébrations dédicatoires comme la fête de Kathen ou sous la forme du don quotidien de nourriture — d’autant que les moines sont issus des familles des fidèles. Une fois formellement possédée par le vatt ou les moines, la terre n’est plus imposable. Toute nouvelle construction de vatt conduit à un nouveau terme d’occupation des sols, le passage des ingénieurs du cadastre étant une aubaine pour ceux dont les droits sont contestés, ou qui sont menacés de l’être. Une ordonnance royale de 1926 veut mettre fin à ce système en taxant les possessions exploitées au nom des vatt : Art. 5 — Sont astreints au payement des contributions, impositions, prestations, redevances et taxes qui sont ou pourront être institués en Indochine par l’autorité compétente : I° —Les entreprises agricoles, commerciales et industrielles exploitées, soit directement, soit indirectement, par un ou plusieurs religieux. 2° — Les immeubles bâtis et non bâtis productifs de revenus y compris ceux dont l’usage ou l’usufruit est délaissé gratuitement au profit de tiers. 3° — Les étangs et pièces d’eau exploitées. 4° — Les animaux domestiques servant aux entreprises agricoles, commerciales ou industrielles. 5° — Tous les biens non affectés de façon permanente et exclusive à l’exercice d’un culte, à l’usage personnel des religieux, aux besoins des établissements gratuits d’associations, d’éducation et d’instruction, tenus par des religieux ou pour leur compte. Les vatt entrent alors dans la définition vernaculaire du patrimoine telle que théorisée par Grégory Mikaelian et Saveros Pou à travers la notion de kerti, c’est-à-dire à la fois la « réputation », la « renommée », la « gloire » de la lignée familiale reçue en « héritage (maratak ou ker) » par les descendants, mais également les biens, y compris fonciers, qui sont la manifestation présente des mérites capitalisés par la lignée (Mikaelian 2012 : 288 ; Pou 1982 : 33-54). Ainsi, dans la province actuelle de Takéo, l’uk ñā Son Diep fonde avant 1920 pour sa fille aînée et à son nom le Vatt Sun Sumālī, au pied de l’actuel Phnom Borei. À ce même endroit, il possède alors une maison et 991 hectares de concessions rurales. Réseaux sociaux et vatt La communauté imaginée décrite par Ann Ruth Hansen, basée sur la pratique du bouddhisme et associant l’ensemble des fidèles, apparaît plutôt comme un regroupement de familles d’un même lignage partageant un même héritage. Alain Forest considère qu’un chantier de pagode est porté par une communauté villageoise qui se définit en tant que telle à travers l’action dédicatoire. En réalité, le village lui-même n’apparaît pas comme acteur, ce sont les familles d’une même lignée, pouvant venir de communes différentes, voire très éloignées, qui entretiennent ainsi leur kerti. Il faut alors distinguer le vatt de la commune, c’est-à-dire le site, et la communauté des fidèles réunis pour financer un chantier. Dans les documents, le donateur n’est pas toujours cité, mais il œuvre derrière l’ācāry : c’est celui qui donne la somme la plus importante et qui est parfois cité juste après l’ācāry dans les listes de contributeurs. Ce donateur est le représentant de sa lignée. On observe donc une communauté religieuse, basée sur les liens personnels — liens familiaux et spirituels avec les moines du vatt — et non une communauté proprement locale. Voici comment, en 1921, le gouverneur de Kompong Siem (Kompong Cham), Kan, présente sa démarche à la résidence supérieure : « En prenant les travaux en main, j’avais fait un appel à la générosité volontaire de ceux des adorateurs du culte bouddhique que je connais dans la province de Kompong Siem et d’autres provinces ; car d’après les coutumes cambodgiennes, on doit toujours aviser ses coreligionnaires lorsqu’on fait des biens pour la religion […] Mon rôle se borne seulement pour le contrôle de la direction, afin d’éviter et de prévenir tous accidents. » Dans ce contexte, les chaînes de solidarité propres à cette communauté lignagère jouent d’autant plus que leurs ramifications parviennent au plus haut niveau de l’État : dans la province de Kompong Chhnang, les fonctionnaires subalternes et les communautés d’habitants mobilisent leur réseau familial et social qui s’étend jusqu’à la capitale et au palais royal. Ainsi, en 1919, c’est la princesse Konthor Bophasi, épouse du roi Sisowath, qui patronne les démarches administratives du Vatt Khontor Thidaram de Banteai Préal à Roléas Peir : au nom du roi qui est le protecteur du vatt, et de sa lignée qui lui a donné son nom, la dame se déplace dans la province pour entendre les moines et habitants qui cherchent à remplacer le vénérable décédé et rédige (ou fait rédiger) un rapport de sa visite. Les princes comme les ministres sont sollicités personnellement par leurs affiliés et s’emploient ainsi à mettre en scène leur prééminence sociale : originaire de la région, le ministre Thiounn y fait œuvre d’évergète en faisant construire le Vatt Kompong Tralach Krom officiellement inauguré en 1916 en présence du résident de Kompong Chhnang et du prince Sisowath Monivong (1875-1941). Le samtec Thiounn patronne également la reconstruction du Vatt Sopoar Raingsey de Kompong Ta Chès qui est renommé en son honneur en Vatt Samdech Chauféa Thiounn en 193 931. Certains trouvent également un intérêt financier à mobiliser ainsi leur parentèle, tel le cāṅ hvāṅ Hom, directeur des pages royaux, qui est accusé avec ses proches de malversations lors de la refondation du monastère royal de Préa Bat Trong Lak dans sa région d’origine de Babaur en 1920. Stratégies d’usure Les élites laïques et religieuses développent alors un argumentaire idéologique pour infléchir le protectorat. Ainsi, plutôt que de parler des croyances qui sont au cœur de la fondation ou de la refondation des édifices, de la nécessaire protection des territoires par l’assurance de réponse rituelle adaptée aux besoins des populations, toutes choses que le colonisateur juge « archaïques », les auteurs des documents administratifs insistent sur plusieurs points sensibles de la propagande coloniale. Notamment la fameuse protection sous laquelle est placée la population cambodgienne. Le colonisateur qui a apporté la paix dans le royaume doit ainsi permettre aux populations de reconstruire et d’enrichir leur culture tombée en sommeil et réveillée par la « civilisation » : les fonctionnaires khmers le proclament, les Français participent ainsi à la revivification du pays khmer à travers la revivification du bouddhisme local, voire acquièrent des mérites eux-mêmes. Thiounn fait par exemple un discours vantant le protectorat durant les fêtes de fondation du Vatt Kompong Tralach Krom : en pleine guerre (1916), l’aide de la France dans cette édification donnerait, selon lui, confiance aux Khmers dans l’avenir et la richesse du sanctuaire refléterait la puissance de la « Mère Patrie ». Le protectorat acquiert ainsi lui-même une juste kerti. Le gouverneur Kan de Kompong Siem écrit en ce sens en 1921 à la résidence supérieure : « Pour remplir un engagement qu’il avait contracté en faisant des vœux pour la victoire de la France et de ses alliées au cours de la récente guerre, M. Eakhau a demandé la construction de cette [sic] édifice, pour en marquer un souvenir mémorable et témoigner la respectueuse gratitude de lui et de la population à la grande nation protectrice. » D’autre part, les Khmers ont noté la notion d’antériorité chère à une conception du temps et de la coutume comme des objets de valeurs en soi : les pagodes que les communautés demandent à rénover sont toujours présentées comme « ancienne », « antiques », « construite[s] depuis fort longtemps », dont la perte sous-entendrait l’incapacité du protectorat à entretenir les valeurs du passé, et donc à faire régner l’ordre. Ainsi, les craintes de désordres sociaux nés de l’intervention des forces françaises dans les affaires religieuses sont mises en scène par les fonctionnaires qui témoignent de l’attachement des populations à leurs moines et vatt en insistant sur l’enthousiasme et l’unanimité des Cambodgiens souscripteurs, sous-entendant les réactions d’incompréhension et de colère que provoquerait un refus. Les dangers de l’effondrement des bâtiments anciens, effondrements qui risqueraient de faire disparaître les actions méritoires des générations passées et donc la kerti de leurs descendants, sont souvent évoqués : « Après examen sur place, je constate que la demande de cet achar [ācāry] est susceptible d’accueillir favorablement [d’être accueillie favorablement] et qu’en laissant le temple dans tel état, il risquerait d’avoir des accidents de personnel parmi les bonzes et les fidèles — signé par le cauhvāysruk (chef de district). » Les jeux d’alliance permettent ainsi le patronage des vatt face à l’administration française. Les personnels de celle-ci sont d’ailleurs des acteurs majeurs des fondations et refondations, notamment parce qu’ils en connaissent les fonctionnements. L’ancien me ghuṃ Yok Chhum est l’un d’eux. En 1931, à 61 ans, juste retraité de l’administration provinciale où il n’est pas en odeur de sainteté auprès du résident, Chhum se lance dans la carrière d’ācāry et fait œuvre de donateur : il obtient l’autorisation de construire une sālā sur le lieu-dit Kam Your de Mélom dans le pays de Babaur. Ce lieu-dit a été le lieu d’érection d’un vatt abandonné depuis peu. Au prétexte d’y faire des célébrations ponctuelles, Chhum utilise l’autorisation de la résidence de Kompong Chhnang pour construire plusieurs sālā, protéger des statues laissées sur le site et surtout installer neuf moines dhammayut venus de Pursat. En effet, le ghuṃ de Mélom et le ghuṃ voisin de Phsar sont habités par une centaine de fidèles dhammayut, soit plusieurs familles de fonctionnaires ayant des liens avec le palais royal. Des cérémonies sont célébrées, et l’ācāry Toch du vatt précédent se déplace malgré son grand âge pour offrir rituellement les colonnes de la pagode ancienne à la nouvelle communauté de Kam Your. En 1932, Chhum se lance dans les démarches pour obtenir l’autorisation de construire le vihārā. Le résident supérieur, furieux, fait faire des enquêtes pour recueillir des témoignages d’habitants d’obédience mahānikāy opposés aux travaux. Mais les Cambodgiens interrogés, fidèles des vatt voisins de Vatt Mélom, Vatt Tuol Rokoal et Vatt Ponha Kéo, ne se préoccupent pas de l’obédience de la nouvelle pagode de Kam Your, ils s’inquiètent du respect de leurs droits sur les arbres du lieu-dit — des palmiers à sucre. Chhum obtient ainsi en 1933 le droit de fonder le vatt avec 75 souscripteurs et un budget conséquent de 5 000 piastres dont il débourse la majorité. Un patrimoine khmer ? Conflit autour du patrimoine Les vatt font partie du patrimoine tel que l’entendent les Khmers : partie intégrante de la kerti, à la fois héritage (ici foncier) et renommée, appartenant à une collectivité ou un individu qui se sentent responsables de leur rayonnement. Mais comment faire admettre cette acception du patrimoine lorsque le principal sujet abordé ici est la reconstruction totale ou partielle des bâtiments ? Les populations n’hésitent pas à détruire un sanctuaire sans le reconstruire si la communauté monastique rejoint un autre vatt, comme à Kam Your. Les statues de l’ancien vatt ont alors été laissées sur place. Après la création de la Commission des antiquités et des monuments historiques en 1919, son directeur George Groslier (1887-1945), futur directeur du musée Albert Sarraut et de l’École des arts cambodgiens, propose un texte de loi pour contraindre les religieux à offrir leurs pièces d’art aux institutions. En cause selon lui, les Cambodgiens, qui rénovent allègrement leur vatt et font disparaître le bâti ancien, dit traditionnel, en bois, mais qui seraient, à l’inverse, immodérément attachés aux objets du culte, aux pièces de bois telles les poutres et colonnes qui se transmettent, comme on l’a vu, en cas de refondation, ainsi qu’aux statues et ruines qui se trouvent sur le site des monastères. Les autorités de la conservation souhaitent alors distinguer la question immobilière et se concentrer sur les biens mobiliers. Louis Finot (1864-1935), directeur de l’École française d’Extrême-Orient (EFEO) sollicite ainsi en 1924 la résidence supérieure pour forcer des religieux à livrer ou vendre ce qui intéresse l’EFEO, comme le prévoit la loi depuis 1921. La résidence insiste cependant pour que les prélèvements in situ effectués par l’EFEO ou le musée Albert Sarraut concernent uniquement des objets abandonnés et exclus des célébrations rituelles pour éviter de provoquer la colère des habitants. Les résidences provinciales font notamment des enquêtes assez complètes lorsqu’un objet leur est confié, pour éviter les revendications des véritables propriétaires. Concernant les bâtiments, les conservateurs du patrimoine vont du désintérêt absolu pour les vatt contemporains, ne se concentrant que sur les ruines des prāsāt (temples brahmaniques) qui se trouvent sur les terrains monastiques, à la critique acerbe des rénovations qui dénaturent selon eux l’art khmer. Groslier rapportera : « Je signale enfin l’illogisme, le manque de bonne foi de tel chef de pagode qui n’hésite pas à faire reconstruire un Preah Vihear en ciment armé lamentable, par des entrepreneurs chinois, bouleversant toutes traditions et toutes croyances, et tout à coup, refuse de livrer un morceau de bois ou une statuette sous prétexte intempestif qu’ils sont sacrés et que la population se révoltera si on y touche ! » Les élites khmères sont notamment accusées de laisser leur patrimoine disparaître, négligeant leurs artistes au profit des entrepreneurs bétonniers. Le Conseil des ministres et la notion de patrimoine Ces critiques contre l’élite cambodgienne ne sont pas sans effet. Le Conseil des ministres est sensibilisé à cette idée de dépérissement de la culture et de lente décadence de la couronne khmère depuis la chute d’Angkor (Mikaelian 2016 ; Edwards 2007). La question de ce patrimoine identitaire en danger de disparition est au cœur des discussions menées notamment par le ministre des Cultes Norodom Phanouvong (1871-1934) en Conseil des ministres en 1928-1929. Alors que le dossier de refondation du Vatt Phnom n’en finit pas de traîner, l’expression de « monument national » est employée par le Conseil pour qualifier le vatt symbole de la capitale et déterminer l’importance de sa préservation de la ruine. De manière cependant contradictoire, la souscription nationale lancée pour financer la sauvegarde de Vatt Phnom est un échec, révélant de façon évidente le caractère réticulaire des sentiments d’appartenance au vatt en pays khmer. Le Conseil se prononce également à l’été 1929 : « Le conseil a constaté qu’à l’occasion de la démolition de certaines pagodes, les bonzes, Achars et fidèles, détruisaient, laissaient périr ou réemployaient d’une façon malheureuse, certains objets, pièces architecturales ou accessoires contribuant à la construction ou à la décoration des pagodes vouées à la démolition, alors que ces objets, pièces ou accessoires présentent un intérêt artistique, documentaire ou archéologique. » La distinction que voudraient faire les autorités de la conservation entre le bâti votif et les objets d’art est alors reprise par le Conseil des ministres. Cependant, en septembre 1929, lorsque George Groslier prépare une tournée dans les vatt de province, la rumeur de ce projet parvient aux responsables religieux qui s’en inquiètent, alors que les entreprises d’appropriation des objets votifs ont largement enrichi les musées et collections d’Indochine et de métropole. Le Conseil des ministres insiste auprès de la résidence : l’ordre de mission de George Groslier doit faire état de « description et d’inventaire ». M. Groslier reçoit l’ordre formel du résident supérieur « de ne pas distraire, fut-ce temporairement, aucun des objets ». Le Conseil assure alors son rôle de protecteur des territoires locaux face aux ambitions des Français sur un patrimoine cambodgien entendu comme comprenant à la fois les biens immobiliers et mobiliers. De même en 1931, tandis qu’il souhaite réglementer les constructions en béton armé qui inquiètent les autorités françaises à cause des coûts qu’elles engendrent, le Conseil évoque la disparition des bâtiments anciens et des objets antiques, mais insiste sur l’autonomie qu’il est souhaitable de laisser aux communautés concernant leurs lieux de cultes. Ainsi les objectifs des autorités khmères et françaises semblent converger mais leurs méthodes diffèrent. Détruire et reconstruire à titre de souvenir Les fondations et refondations de vatt répondent ainsi à des aspirations patrimoniales cambodgiennes : les populations investissent un lieu de formes symboliques par des actes ritualisés. Le geste associé à la fondation ou refondation est aussi, et parfois même plus, important que l’objet matérialisé. Les cérémonies khmères sont souvent l’occasion de réalisation d’arts éphémères, comme les pavillons temporaires lors des cérémonies funéraires. Les objets votifs s’affranchissent alors des catégories du matériel et de l’immatériel : les statues dans les vatt, enduites, repeintes, habillées, sont plus que la figuration figée d’une divinité mais sa représentation rendue « vivante » par le geste dédicatoire des fidèles. Les chantiers de pagode ne répondent donc pas forcément à des besoins techniques de réparation : le rythme des travaux entrepris rend compte des investissements successifs des collectivités dans des pratiques rituelles destinées avant tout à l’acquisition de mérites. Cette action méritoire est une responsabilité prise de génération en génération par un individu au nom de sa lignée, sur qui rejaillira l’honneur de la fondation. Les noms des donateurs sont inscrits sur les murs extérieurs du vihārā ou du vatt par exemple. Le Vatt Yeai Tep de Kompong Chhnang-ville a ainsi connu des phases de rénovation en 1917-1920 lorsque les moines cherchent à assurer leur emplacement dans le centre-ville. Puis en 1938, le vatt est reconstruit intégralement selon un plan type fourni par l’administration française50. L’ācāry Toch, qui avait fait reconstruire le vatt de Kam Your et y a officié 27 ans, a connu de son vivant la destruction de sa pagode et la reconstruction du nouveau vatt dhammayut51. Natif de Kompong Tachès, Āṃ Saṃaṅ, 80 ans en 2015, se rappelle que son père, spécialiste de la construction de vatt, a participé à l’édification du premier Vatt Sopoar Raingsey sous le règne de Norodom (1860-1904) puis à la reconstruction entreprise par le samtec Thiounn entre 1929 et 1939. La gestion de ces monastères est un enjeu de représentation majeur alors que se joue l’indépendance des pratiques culturelles khmères face aux aspirations civilisationnelles de la puissance coloniale. Inspirés par la notion de préservation et garants de la protection des territoires, les ministres présentent aux autorités françaises un discours qui correspond à la fois aux conceptions françaises et cambodgiennes du patrimoine. En 1921, un conflit oppose ainsi les fidèles à Kompong Leng. 236 fidèles du Vatt Kangkok Méas Krom de Prey Kri Sud souhaitent reconstruire leur pagode. Mais les fidèles du Vatt Kangkok Méas Loeu de Prey Kri Nord s’y opposent : leur vatt mérite de bénéficier des premiers travaux. Les autorités civiles et religieuses khmères de Kompong Leng seraient d’avis de rattacher les deux pagodes : on conserverait Kangkok Méas Krom « à titre de souvenir ». Le résident de Kompong Chhnang est ravi : il souhaite rattacher les deux ghuṃ en une seule entité communale. Le Conseil des ministres refuse plusieurs fois cette solution : les deux pagodes et les deux communes doivent être conservées. En 1925, la pagode de Kangkok Méas Krom menace de s’écrouler : les fidèles ont fait rénover Kangkok Méas Loeu, et un seul ghuṃ, Prey Kri, est sur le point d’être institué par l’administration. De nouveau saisi, le Conseil accepte le rattachement des deux vatt sous l’autorité d’un seul chef de pagode mais ordonne la destruction et la reconstruction « à titre de souvenir » de Kangkok Méas Krom. Conclusion La population khmère est décrite dès l’époque coloniale comme pieuse et paisible, attentive à la qualité de sa vie spirituelle à travers l’activité des milliers de moines qui assurent la protection des territoires et garantissent l’équilibre entre les mondes naturel et surnaturel. La philologie, les inventaires et travaux de conservation introduits par la force coloniale représentent le volet scientifique de la transformation du bouddhisme khmer. Dans les villages et les villes du Cambodge, l’ingérence du protectorat dans la vie religieuse n’est pas des moindres lorsqu’elle transforme un geste nécessaire en processus administratif : les Khmers se voient alors contraints de justifier une pratique. La codification et la médiatisation de processus de négociation jusque-là internes aux communautés de fidèles transforment profondément les rapports entretenus par les Cambodgiens à leurs vatt. Définir cette communauté de fidèles, associés pour l’entretien du vatt, n’est pas chose aisée : un regroupement de familles qui fréquentent un lieu de culte dont les moines sont des membres de leur parenté, lieu de culte fondé et entretenu par des membres de cette parenté par le passé, où les fidèles ont reçu un enseignement auprès d’un grū, et où les stūpa des ascendants se trouvent. Ponctuellement, cette communauté est encadrée par un donateur qui prend sur lui de diriger les travaux, même s’il ne réside pas dans la commune du vatt54. L’ācāry, quant à lui, est le garant du respect des normes religieuses et le représentant légal de cette communauté de fidèles comme il est le représentant du vatt face aux autorités civiles. Malgré les volontés contraires de la résidence supérieure et son arsenal bureaucratique, et parce que la force coloniale mesure la violence des sentiments religieux cachée derrière le fameux sourire khmer, les Cambodgiens, ruraux ou urbains, paysans et fonctionnaires, parviennent à multiplier les agréments de chantiers de vatt entre 1900 et 1940. S’inspirant des notions propres au modèle colonial, prenant en compte les pratiques des acteurs de la conservation, la société khmère, et en particulier ses élites, transcrivent leur propre conception du patrimoine votif dans un discours propre à être compris par les autorités protectrices. Les archives qui rendent compte de ces processus, si elles sont le résultat des objectifs de contrôle de l’État colonial, mettent d’une certaine manière en exergue le dynamisme de la société khmère qui mobilise ses ressources tant humaines que sociales et financières pour assurer son pouvoir sur ses bâtiments religieux et les objets qu’ils contiennent. On remarque qu’au tournant des années 1930, le Conseil des ministres prend position en tant que garant de ces pratiques et s’oppose à des autorités khmères locales, pour assurer sa prééminence sur ce dossier que les Français ont réussi à encadrer mais pas à maîtriser. Apparemment tout à fait contradictoires avec notre analyse, notons les propos que tiennent en 2007 les fidèles interrogés par Alexandra Kent durant son enquête sur les cérémonies d’enfouissement des pierres sīmā durant les fondations de vatt à Siem Reap. Selon eux, l’implication de « personnalités puissantes » dans la construction des pagodes est un phénomène alors tout à fait récent, propre au contexte de l’après-guerre et de la reconstruction, une forme d’ingérence des élites dans les affaires locales. Ainsi, les années de guerre ont dissous la légitimité politique des autorités traditionnelles sur les territoires. Les familles détruites, leur patrimoine tant spirituel que foncier perdu, les réseaux sociaux articulant le patronage des puissants aux besoins des populations rurales ont été désorganisés. Les nouvelles élites cambodgiennes voudraient aujourd’hui reconstruire cette légitimité à travers la réappropriation des sites de pouvoir que sont les vatt. Les familles dispersées de la diaspora se réunissent pour se ressaisir de leur kerti. Cette réappropriation semble cependant factice aux populations et c’est pourquoi elle est décrite comme inédite. La disparition des pagodes subsistantes de l’époque du Protectorat, rénovées et transformées de nos jours, est souvent dénoncée comme relevant de la destruction du patrimoine. Elle rend pourtant compte de ce processus de réappropriation du territoire et des mémoires et s’inscrit dans la dynamique patrimoniale cambodgienne. Par Marie Aberdam — doctorante en histoire (CHAC/Sirice-Université Paris 1 Panthéon Sorbonne)

  • Initiative & Histoire : Faire revivre la soie fabriquée par les Chams

    Samedi dernier, l’équipe du Centre de documentation du Cambodge (DC-Cam) de Phnom Penh s’est rendue au Centre de Kampong Cham pour participer au forum du projet Cham Silk en présence de 20 survivants du génocide. L’équipe a accueilli chaleureusement les survivants en attendant l’arrivée des représentants de la TIKA (Agence turque de coopération et de coordination). Une fois arrivés au centre basé à Kampong Cham, Seang Chenda, directeur du centre de documentation de Kampong Cham, et So Farina, directeur adjoint de DC-Cam, leur ont fait visiter le centre. Les représentants de la TIKA ont exprimé leur gratitude envers les survivants pour leur contribution à ce projet : « Il s’agit d’un pas en avant dans la préservation de l’histoire et d’une collaboration remarquable entre le Cambodge et la Turquie. L’histoire devrait toujours être rappelée et préservée, quels que soient les bons et les mauvais moments. » Ce forum était une excellente occasion de recueillir davantage d’informations et donner une chance aux survivants de poser des questions et de satisfaire leur curiosité. Ils ont posé quelques questions, notamment sur la durée et le processus de ce projet, sur la façon dont le projet prévoit de collaborer avec les survivants. Farina a expliqué brièvement qu’il n’y a pas de durée établie pour ce projet, « car nous sommes en train de rassembler des données pour trouver un design approprié pour la communauté Cham ». « Le projet Cham Silk comporte plusieurs étapes, notamment la phase de recherche, au cours de laquelle nous recueillons les données nécessaires auprès de sources historiques et nous interrogeons les villageois pour en savoir plus sur chaque dessin et chaque couleur de la soie, afin de produire une couleur et un dessin représentatifs de la communauté cham. Une fois le projet terminé, nous ferons enregistrer les modèles auprès du ministère du Commerce ». L’étape suivante sera celle de la formation, à laquelle les survivants pourront contribuer en tissant le motif de soie qu’ils souhaitent dès qu’ils en auront le temps et en leur donnant une chance d’exprimer leur créativité. Il est très probable que lorsque les résultats seront prêts, il y aura une nouvelle collaboration dans ce projet de tissage, qui sera également partagé avec le reste de la société cambodgienne et étendu à l’étranger. Le projet Cham Silk est une initiative du centre de documentation du Cambodge soutenue financièrement par la TIKA par l’intermédiaire de l’ambassade de Turquie au Cambodge. L’objectif du projet est de restaurer les couleurs et les motifs de la soie grâce à la mémoire des survivants et d’en faire une source de revenus pour la communauté. L’objectif du Centre de documentation du Cambodge est de populariser ce projet et de le faire connaître tant au niveau national qu’international : « Il est extrêmement important de préserver et de rappeler les couleurs et les motifs de la soie à travers les souvenirs des survivants ». Après que le pays eut été dévasté par les Khmers rouges, la communauté a commencé à revivre en 1979. Ils ont évoqué leurs souvenirs pendant le régime khmer rouge ainsi que leurs expériences de survie. Ils nous ont également parlé de leur vie avant les Khmers rouges et de leur artisanat. Photos par So Farina Texte de Lim Iphing et Chey Chansineth Centre de documentation des archives du Cambodge

Accueil   Économie   Tourisme     Culture     Destination     Gastronomie     Sport   Environnement 

bottom of page