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Santé & Solidarité : Jean-Paul Béraha, 38e mission pour les « Enfants Sourds du Cambodge »

L'association « Enfants Sourds du Cambodge » a débuté sa 38e mission dans le Royaume. Elle se déroulera jusqu'au 10 juin 2022 et marquera les 20 ans de l'action de développement audio logique dans cinq écoles spécialisées pour enfants malentendants.

Jean-Paul Béraha, fondateur de l'association Enfants Sourds du Cambodge
Jean-Paul Béraha, fondateur de l'association Enfants Sourds du Cambodge

L’équipe de la mission 38 composée de 14 professionnels de santé (audiologistes et médecins français et belges) est actuellement à la Special Éducation High School de Phnom Penh Thmey. Demain, elle partira en tournée dans les autres écoles de Kampong Cham, Siem Reap et Battambang. Retour à Phnom Penh Chbar Ampeu le 6 juin.

À propos

L’association Enfants Sourds du Cambodge prend en charge les soins médicaux et audiologiques des enfants sourds accueillis dans les cinq écoles spécialisées de l’ONG Krousar Thmey. Elle contribue également à la formation du personnel spécialisé assurant la rééducation orthophonique de ces enfants.

 

Cambodge Mag a rencontré Jean-Paul Béraha, fondateur d’Enfants Sourds du Cambodge :

Interview

CM : Êtes-vous audioprothésiste ou audiologiste ?

Quand je me présente à l’international, je suis audiologiste. Néanmoins en France le diplôme d’État est intitulé audioprothésiste. Il s’agit d’une profession de santé qui nécessite trois années de préparation.

CM : En quoi consiste concrètement votre métier ?

Mon métier consiste à prescrire un appareillage par l’établissement d’examens d’évaluation de l’audition, puis à l’adapter aux patients. On parle ainsi d’audiométrie.

CM : À partir de quand avez-vous commencé à pratiquer dans l’humanitaire ? Qu’est qui vous a poussé vers cette activité ?

À partir des années 1990, plusieurs confrères s’établissaient un peu partout dans le monde. Le Brésil, dans lequel j’ai fait ma première mission, a été un concours de circonstances.

J’y suis allé avec une consœur. Mais globalement les interventions humanitaires d’audioprothésistes se font partout dans le monde, notamment là où la France a été présente.

CM : Vous avez indiqué que l’expérience n’avait pas été très concluante. Dans quel sens ?

Au Brésil, je travaillais avec une ONG créée par un prêtre catholique, ayant collaboré avec le fameux Don Hélder Câmara, un archevêque leader de l’Église progressiste au Brésil. Il avait pris le parti des paysans pauvres du nord du Brésil via le mouvement des sans-terres (mouvement social qui s’est construit en opposition aux grands propriétaires terriens).

À l’époque, je n’étais pas satisfait de l’organisation. Entre temps j’ai été amené à pratiquer au Cambodge après ma rencontre avec Benoît Duchâteau-Arminjon, le fondateur de Krousar Thmey, qui m’avait suggéré de venir au royaume pour une première mission.

Bien que j’avais déjà voyagé en Asie, je n’étais jamais passé par le Cambodge. J’avais bien sûr entendu parler du régime des Khmers rouges, comme toutes les personnes de ma génération.

CM : À votre arrivée, quelle a été votre impression ?

À mon arrivée en 2001, ce fut un véritable choc ! Pas ou peu de voitures dans les rues de Phnom Penh. Arrivé en juillet, au cœur de la saison des pluies, les rues étaient fréquemment inondées.

À l’époque, la route entre Phnom Penh et Battambang prenait 12 heures. Tous les ponts étaient détruits, les routes ressemblaient à des pistes.  Pour Siem Reap, nous étions forcés de prendre l’avion.

Première mission
Premières missions de Krousar Thmey dans les années 2000

CM : Durant votre première mission, quelles ont été vos activités ?

D’abord, nous avons examiné les enfants et fait des premiers tests auditifs. Il a fallu ensuite se demander ce que nous pouvions apporter au niveau des appareils auditifs. Nous en avions conclu qu’il nous fallait des appareils très puissants, car la plupart des enfants ont des surdités profondes. Par exemple, ils n’étaient pas en capacité d’entendre une voiture klaxonner.

Actuellement, nous donnons aux enfants des prothèses auditives contenant un microphone et un amplificateur numérique, dont le signal repart vers un embout auriculaire. Cet appareil leur permet d’entendre les sons de la parole avec un seuil de cinquante décibels.

CM : L’initiative de Krousar Thmey était-elle unique ?

Il n’y avait rien du tout hormis cette initiative. Benoît a commencé à s’occuper des enfants sourds à la fin des années 1990. Lorsque nous sommes arrivés il n’y avait que trois écoles. La structure était viable, les professeurs impliqués et la direction opérationnelle composée de volontaires internationaux et de Cambodgiens.

À notre arrivé en 2001, le langage des signes avait été traduit en khmer par Krousar Thmey pour que les enfants puissent communiquer entre eux et avec leurs professeurs. Maintenant avec Internet, ils peuvent communiquer partout dans le monde.

Pour la petite histoire, une des élèves qui est devenue professeure en langue des signes a, grâce à Internet, rencontré son futur mari  japonais, lui aussi malentendant.

CM : Quelles étaient les prévalences ?  

Disons que dans les pays développés comme la France, dans le cas d’une surdité totale, l’enfant est se voit poser un implant. C’est un implant cochléaire, électronique, relié à l’oreille interne par des électrodes, ce qui lui permet d’entendre.

Aujourd’hui la plupart des enfants de pays développés sont équipés de ce genre de dispositif. Le cas de Singapour est un bon exemple.

CM : Dans ce cas, pourquoi continuer à apprendre le langage des signes ?

À Singapour, la pratique du langage des signes est prohibée. Un programme d’éducation intitulé audio-oral a été développé. L’enfant est équipé d’un appareil auditif, et il est ensuite accompagné par des professionnels qui vont apprendre à l’enfant à parler. Ces enfants sont naturellement malentendants. Ils n’ont donc pas développé les structures neuronales qui leur permettent de comprendre et d’utiliser les sons. Dès lors, il faut les stimuler du point de vue auditif.

Au Cambodge, les implants cochléaires commencent tout juste à être introduits. Des enfants ont récemment été opérés par des chirurgiens coréens. Mais il va falloir du temps pour que ces implants soient accessibles à tous les Cambodgiens.

CM : Pour quelle raison cette technologie peine-t-elle à s’établir au Cambodge ?

À cause de son prix. Il faut compter 50 000 dollars US pour la chirurgie et le matériel. De plus la rééducation et l’apprentissage des sons sont des processus très lourds en investissement. Ils nécessitent des professionnels spécialisés et cela prend du temps, des mois, voire des années.

CM : Ces enfants étaient-ils scolarisés ?

Ils étaient scolarisés, mais ils entraient à l’école à des âges très divers, de six à quatorze ans en moyenne. Ce que nous voulions, c’était d’être en mesure d’éduquer les enfants le plus tôt possible.

Les enfants sourds vivaient complètement à l’écart de la société. Je voyais des enfants sourds au marché Orussey, posés dans un coin par terre ! Il a fallu faire comprendre aux familles que ces enfants n’avaient pas été « marqués par le karma », mais qu’ils étaient nés avec un handicap fonctionnel.

Notre rôle était aussi de faire en sorte que ces enfants puissent s’intégrer dans la société.

CM : Combien de missions effectuez-vous par an ? Et pour quels résultats ?

Nous réalisons deux missions par an. Nous avons appareillé plus de 1 500 enfants, tous équipés d’appareils de technologie de pointe. Certains ont à présent des emplois dans des entreprises sociales. Et, cela démontre que le Cambodge peut parvenir à l’insertion sociale de ses malentendants.

Notre but reste de faire en sorte que les enfants soient appareillés, qu’ils aient accès à la parole, qu’ils reçoivent une éducation spécialisée en travaillant avec des orthophonistes. Ces orthophonistes effectuent des examens audiométriques grâce à des audiomètres installés dans les écoles par nos soins.

Nous avons également installé des cabines audiométriques avec des appareils de haute technologie. À l’heure actuelle, il y a deux à trois orthophonistes par école.

CM : Quand un enfant entend pour la première fois, qu’est-ce que cela produit comme sensation ?

Du bonheur ! D’ailleurs nous filmons toujours ces premiers instants. Un enfant qui entend sa propre voix et celle de ses parents est un moment d’émotion extraordinaire. « Même à 70 ans ça me tord les tripes. »

S’occuper de personnes malentendantes est très libérateur en termes de bénéfices psychologiques. Le retour avec les patients est fantastique. A contrario parfois il y a de grandes colères. La lenteur au Cambodge est un frein.  J’ai appris à être parfois très dur avec les enseignants quand ils ne font pas ce qu’ils devraient faire en temps et en heure.

Test d’audition & appareillage
Test d’audition & appareillage

CM : Quels sont vos projets dorénavant ?

Mon objectif est de faire en sorte que le Ministère de l’Éducation se rende compte du budget énorme que représente l’appareillage des enfants. Les appareils doivent être entretenus, remplacés aussi, car l’humidité réduit leur durée de vie. J’aimerais aussi que soit créé au sein de l’Université des Sciences de la Santé un département d’audiologie afin de former des étudiants. Ces derniers pourront devenir de véritables praticiens de la Santé.

Vidéos

Retrouvez en vidéo les missions et la Khmérisation des postes de travail

Propos recueillis par Eva Marcadé

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