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Le Meilleur de 2023 & PapiDo : « Faire rayonner en France la gastronomie cambodgienne »

Ce n’est que sur le tard que « PapiDo » a entamé sa carrière d’influenceur sur Instagram. Et encore aura-t-il fallu un pari pour le convaincre de se lancer dans le grand bain des likes, des reels et autres stories chères au réseau social. Bien lui en a pris, car sa popularité lui a permis de faire rayonner en France la gastronomie cambodgienne, tout en lui fournissant une excellente excuse pour assouvir sa passion envers les arts de la table. 

La vie aigre-douce de PapiDo

« Bonjour bonjour, soursdey soursdey ! » C’est avec ces quelques mots, devenus des gimmicks incontournables, que PapiDo entame invariablement ses vidéos. Sous l’œil de la caméra, le jeune sexagénaire s’active dans sa cuisine, tablier vissé sur une chemise blanche toujours impeccable. Ne se contentant pas de réaliser des recettes standards, PapiDo adapte les plats cambodgiens « à ma façon, c’est-à-dire en tenant compte de certaines spécificités ou contraintes hexagonales. Il est possible en France de se procurer à peu près tous les ingrédients, pour peu que l’on réside à proximité d’une grande ville » constate Do, qui, dans une vidéo, déambule dans les rayons d’un supermarché asiatique et fournit, entre deux fou-rires, de précieuses indications sur le choix des produits.

« Mais il peut être coûteux de s’en procurer certains, voire même impossible de mettre la main dessus pour celles et ceux qui ne disposent pas d’un point de vente proposant ce genre d’article. Il faut aussi adapter les saveurs aux palais occidentaux, qui se montrent, par exemple, assez peu réceptifs au prahok ou au durian. Et, bien entendu, je bannis toute utilisation de glutamate et autres produits nocifs pour la santé. En étant à cheval sur deux cultures, trouver les bonnes combinaisons n’est absolument pas un problème, bien au contraire. Et les recettes en deviennent ainsi totalement uniques ! »

Do, alias PapiDo ou TontonDo, en tenue de travail
Do, alias PapiDo ou TontonDo, en tenue de travail

« La mayonnaise a tout de suite pris »

Lancé en février 2022, son compte Instagram cumule d’ores et déjà 29 000 abonnés, formant une communauté active et assidue. Son bel accent, ses yeux pétillants, son bouc poivre et sel et ses lunettes rondes sont devenus assez fameux pour qu’on le reconnaisse dans les rues françaises, mais aussi cambodgiennes : « Lors de ce séjour, un couple m’a abordé à Phnom Penh et une personne m’a parlé de ma chaîne sur un marché de Siem Reap. D’autres m’appellent via Instagram afin de clarifier tel ou tel point d’une recette, pour demander des conseils ou pour poser des questions quelques fois saugrenues. Avec les réseaux sociaux, nous rentrons vraiment dans la vie des gens, au point de faire partie de leur intimité. C’est quelque chose que j’ai découvert récemment, car je n’étais auparavant pas du tout accro à internet. C’est ma fille Sophie, influenceuse sur Instagram, qui m’a convaincu de me lancer dans ce domaine. Ma femme Dominique m’aide aussi beaucoup. Depuis, une vingtaine de recettes ont été mises en ligne, de l’amok à la salade de papaye, en passant par le gâteau au pandan et le “Tigre qui pleure”. Et j’en ai beaucoup, beaucoup d’autres en réserve » confie PapiDo, qui profite de chacun de ses séjours au Cambodge pour découvrir de nouvelles spécialités culinaires, de nouveaux ingrédients et la façon de les accommoder. 

Une vingtaine de recettes ont été mises en ligne
Une vingtaine de recettes ont été mises en ligne

Jeunesse volée

Pourtant, ce natif de Phnom Penh a longtemps voulu oublier le Cambodge, son histoire, sa langue et sa gastronomie. Marqué par un passé qui lui a enlevé la plupart des membres de sa famille, mais aussi sa jeunesse et ses espoirs. « Lorsque je suis arrivé en France en 1980, je ne voulais plus jamais entendre parler du Cambodge. Les choses ont depuis changé, mais il aura fallu attendre longtemps avant de renouer avec mon pays. Il faut pour comprendre cela remonter loin dans des histoires que j’ai enfouies au point de ne quasiment jamais en parler à mes proches. Ce que je vais vous raconter là, mes enfants ne l’ont entendu que très récemment, et encore ne connaissent-ils pas certains détails. » Posément, Do entame le récit de sa vie, commençant par une jeunesse assez malheureuse malgré l’aisance matérielle de ses parents. « Nous vivions dans un quartier huppé de Phnom Penh, dans une maison assez grande pour héberger notre grande famille. J’étais le cadet de 5 frères et 3 sœurs, mais souffrit très jeune de problèmes de santé récurrents, que les médecins se montraient impuissants à guérir. Poussés par l’inquiétude, mes parents m’ont amené consulter un Kru, un médecin traditionnel, qui a fini par trouver, du moins selon lui, la cause de tous mes maux. Étant du même signe astrologique que mon père, il fallait, si je voulais guérir, m’éloigner du domicile paternel. J’avais 10 ans lorsque l’on m’a séparé de ceux que j’aimais pour me placer en nourrice, à quelques centaines de mètres de la maison familiale. De mon balcon, j’apercevais mes proches réunis, c’était infiniment triste. D’autant plus que le Kru avait prescrit pas moins de cinq ans d’éloignement ! Enfin, fin 1974, me voilà autorisé à rejoindre mes parents. J’avais quinze ans, la vie pouvait commencer. Vous connaissez la suite de l’histoire : quelques mois plus tard, les Khmers rouges prenaient Phnom Penh, et ma famille s’est retrouvée sur les routes, marchant vers Battambang où je devais passer près de cinq années dans un camp. De toute ma famille, il ne restait qu’un frère et une sœur, tous les autres sont morts de famine ou de mauvais traitements. »

La vie aigre-douce de PapiDo

Santana à l’usine

« C’est curieux, d’ailleurs, le rapport que l’on peut entretenir avec la nourriture lorsque l’on a souffert de la faim. De nombreux Cambodgiens ayant traversé cette épreuve ne peuvent pas s’empêcher de parler de nourriture, tout le temps, comme une obsession. Mais revenons à mon histoire : en 1979, je me retrouve seul, à 18 ans, sur la route de Phnom Penh, faisant à pied le trajet effectué cinq ans plus tôt en sens inverse. Il fallait éviter les points chauds, où s’échangeaient encore des coups de feu, et les champs de mines. Une fois arrivé à Phnom Penh, la maison familiale était occupée et il fut impossible de la récupérer. Par contre, je suis parvenu à retrouver une tante et un cousin, qui n’avaient qu’une envie : fuir le Cambodge le plus tôt possible. L’idée me tentait bien, moi aussi. En attendant de trouver des passeurs ou un moyen quelconque de gagner la frontière thaïlandaise, je fus employé comme musicien dans une usine de tabac. Avec d’autres collègues, nous accompagnions les ouvriers par des chansons traditionnelles. Cela me rappelle une anecdote : un jour où nous avions un peu bu, emportés par la fougue de notre jeunesse et notre amour pour le rock, nous avons entamé un morceau de Santana, Black Magic Woman. Cela m’a coûté quelques nuits en prison ! » raconte Do en esquissant un sourire teinté d’amertume. Conscient qu’il n’avait pas sa place dans un pays qu’il ne reconnaissait plus, mû par l’espoir d’une nouvelle vie, il repart vers l’ouest et une frontière pleine de promesses, sans avoir la moindre idée de ce que l’avenir lui réservera.

Nouvel âge et nouveau nom

Parvenu à la frontière thaïe, Do transite par le camp de réfugiés de Khao-i-dang. « Je ne savais pas quel pays finirait par m’accueillir, d’autant plus que je ne parlais aucune langue autre que le khmer. Ce fut finalement la France, au bout de seulement quelques mois d’attente. En voyant mon apparence fluette, l’un des conseillers qui s’occupaient de nous m’a suggéré de changer mon âge afin de pouvoir poursuivre des études sans trop de difficultés. C’est donc rajeuni de cinq ans, et portant dorénavant le nom de ma tante, que j’ai atterri en France un jour d’hiver 1980. Le dépaysement fut au rendez-vous, qu’il s’agisse du climat ou de la nourriture. Le froid et les épinards servis à la cantine font partie de mes premiers chocs culturels ! Mais l’intégration ne m’a posé aucun problème. J’ai très vite appris le français, me suis trouvé un talent particulier pour les maths et la physique et me suis senti à l’aise dans la société. J’ai été embauché dans une usine de Wasquehal où j’ai effectué toute ma carrière professionnelle. Je vous rappelle, comme je vous l’ai dit, que je voulais vraiment tourner la page et oublier le Cambodge. »

Do en 1982, peu après son arrivée en France
Do en 1982, peu après son arrivée en France

« Il était temps de retisser des liens avec mon pays »

Rencontrée en 1982, sa femme Dominique confirme en une phrase : « J’ai épousé un Français, pas un Khmer. » Une vie paisible se déroule alors, marquée par la naissance de trois enfants, dont deux futurs influenceurs sur Instagram. Vint aussi, en 1991, le temps de retisser des liens avec le Cambodge. « Mon frère, dont je n’avais plus de nouvelles depuis dix ans, m’a contacté et invité à venir passer quelques semaines à Phnom Penh. Il était resté au royaume et faisait une belle carrière. » À la question « comment avez-vous trouvé le Cambodge, quitté tant d’années auparavant ? », Do Répond simplement qu’il n’a absolument rien remarqué du pays, trop occupé à la joie de retrouver son frère bien-aimé. S’ensuivront des voyages fréquents, au moins une fois par an, apaisant peu à peu le feu de la colère et du ressentiment. 

Pari gagnant

« Mais revenons à la nourriture, et à tout ce qu’elle représente. Quel meilleur moyen de réunir les gens qu’on aime ? De passer un agréable moment, de découvrir de nouvelles saveurs, de se fabriquer de beaux souvenirs ? J’ai toujours aimé cuisiner et partager. En cela, j’ai beaucoup appris de ma tante, qui était cuisinière et maîtrisait certaines recettes servies à la table royale. Victime d’un plan social, je me suis retrouvé inactif, gardant mes petits-enfants et cuisinant de plus en plus. Ma fille, célèbre instagrameuse, m’a suggéré de mettre en ligne les recettes qu’elle apprécie tant. Je n’étais pas très convaincu, alors on a fait un pari : si ma première recette, postée sur la page de ma fille, atteignait les 10 000 “j’aime”, il me faudrait alors créer un compte et partager le reste de mes secrets culinaires…

C’est ainsi que le compte lesrecettesdepapido est né. » Depuis, Do engrange les abonnés et enchaîne les recettes, tout en espérant que sa réputation lui ouvrira de nouvelles perspectives professionnelles. « Être chef de cuisine ou formateur serait une belle opportunité, et me permettrait aussi, accessoirement, de cotiser aux trimestres de retraite manquants. Et puis, surtout, il y a la satisfaction que cela procure, de partager ainsi ses recettes, de voir que des cuisiniers, chez eux, s’en inspirent et les commentent. Cela permet de concrétiser ce que j’aime tant dans la gastronomie : réunir ceux que j’aime, que je les connaisse… ou non ! »

Pour retrouver PapiDo sur Instagram : @lesrecettesdepapido

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