Ros Serey Sothea, la voix d'or, héritage d'une étoile disparue
- La Rédaction

- 9 nov.
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Le 6 novembre célébrait la naissance d'une légende incontournable de la musique cambodgienne : Ros Serey Sothea. Née en 1947 dans la province de Battambang, au sein d’une famille modeste, elle s'est élevée pour incarner la quintessence du chant khmer, gagnant le titre honorifique de « Reine à la voix d'or » décerné par le roi Norodom Sihanouk lui-même.

Malgré une disparition tragique à l'âge de 30 ans durant le régime des Khmers rouges, son œuvre résonne encore profondément plus de six décennies après sa naissance.
Les origines d'une voix exceptionnelle
Ros Sothea est née Ros Sothea, le 6 novembre 1947, dans un village de Battambang, une région rurale où sa famille vivait modestement. Dès son plus jeune âge, elle fit preuve d'un talent vocal remarquable, prenant peu à peu le chemin d'une carrière artistique exceptionnelle. Encouragée par ses proches, elle participa en 1963 à un concours régional de chant, qu'elle remporta, propulsant sa notoriété locale.
L'ascension à Phnom Penh
Adoptant le nom de scène Ros Serey Sothea, elle s'installa dans la capitale Phnom Penh pour poursuivre une carrière musicale plus ambitieuse. Elle devint chanteuse pour la station nationale de radio, se produisant d'abord en duo avec d’autres artistes puis en solo.
Son premier grand succès, « Stung Khieu » (La rivière bleue), sorti en 1967, signala l'avènement d'une voix haute, claire et expressive qui devait conquérir tout le pays.
Son répertoire se révéla éclectique : ballades romantiques envoûtantes, chansons traditionnelles revisitées et surtout une incorporation audacieuse d’influences occidentales.
Sous l'influence notamment de la musique rock américaine et britannique — popularisée par la présence militaire américaine au Vietnam voisin — Ros Serey Sothea mêla son chant aux guitares électriques, batteries et orgues Farfisa, créant un son unique, parfois psychédélique, qui marqua profondément le paysage musical cambodgien.
La collaboration avec les géants de la musique khmère
Ros Serey Sothea forma un duo mythique avec Sinn Sisamouth, la figure emblématique de la scène musicale khmère. Ensemble, ils enregistrèrent plusieurs dizaines de chansons qui amalgamaient jazz, rock, folk khmer et sons occidentaux. Leur musique, parfois des adaptations libres de tubes occidentaux comme « Proud Mary » ou « Wooly Bully », touche encore la sensibilité d'auditeurs contemporains.
Son travail cinématographique fut tout aussi notable ; elle prêta sa voix pour environ 250 films cambodgiens perdus dans les années de conflit. Ros Serey Sothea ne se limita jamais à un seul style, traversant avec aisance les genres tout en offrant une identité authentiquement cambodgienne à sa musique.
L'Étoile des années tourmentées
La décennie 1970 fut le théâtre du bouleversement politique et social au Cambodge. Le régime du Sangkum Reastr Niyum trébucha, laissant place à la République Khmère et bientôt au règne terrifiant des Khmers rouges. Fidèle à sa patrie, Ros Serey Sothea soutint par ses chansons le combat contre les forces insurgées, avant que Phnom Penh ne tombe aux mains des Khmers rouges en avril 1975.

Comme beaucoup d'intellectuels et d'artistes, Ros Serey Sothea fut déplacée dans la campagne à Kampong Speu, où elle dut travailler dans des conditions inhumaines. Malgré sa qualité de star, son talent fut détourné à des fins de propagande communiste.
Forcée de chanter pour les dirigeants du régime et mariée de force à un officier Khmer Rouge, son existence devint un calvaire. Plusieurs récits divergent sur sa fin tragique ; certains évoquent une exécution en 1977, d'autres une mort par épuisement ou malnutrition, laissant l'ombre de la disparition irrésolue planer depuis.
Un Héritage Indélébile
Ros Serey Sothea symbolise à la fois l'apogée d'un âge d'or de la musique cambodgienne et le traumatisme profond causé par le génocide. Bien que la majorité de ses enregistrements originaux aient été détruits durant la guerre et le régime Khmer Rouge, ses chansons ont survécu grâce à des vinyles disséminés et surtout grâce à la mémoire collective.
Sa sœur aînée, Ros Saboeut, joua un rôle crucial dans la renaissance de la musique cambodgienne post-Khmers rouges, réunissant les survivants et les musiciens dispersés pour reconstituer le patrimoine musical perdu.
Aujourd'hui encore, les mélodies de Ros Serey Sothea inspirent les nouvelles générations, tant au Cambodge que dans le monde entier. Documentaires, albums hommage et recherches historiques continuent à faire revivre l’œuvre de celle qui fut la « Voix d'Or de la Capitale Royale », hommage vibrant à une artiste disparue trop tôt mais jamais oubliée.







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