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Parcours : Toun Socheat, une carrière de forgeron d'armes anciennes khmères

Lorsque Toun Socheat avait 10 ans, il commença à s’intéresser aux « sastravuth » ou armes de métal qu’il contemplait dans les livres d’arts martiaux de son grand-père. Elles enflammaient son imagination et son attention restait rivée sur les photos qui les représentaient sur les pages.

Une étagère remplie de créations au Hanuman Weapons and Khmer Amulets. Photo Hean Rangsey
Une étagère remplie de créations au Hanuman Weapons and Khmer Amulets. Photo Hean Rangsey

Des années plus tard, alors que Socheat étudiait à l’université, il a appris l’histoire et les traditions de ces armes anciennes et a fait sien l’héritage de ses ancêtres depuis huit générations. Aussi fou que cela puisse paraître au XXIe siècle, il a décidé de poursuivre une carrière de forgeron d’armes anciennes khmères.

L’un des nombreux clients de Socheat est Hun Manith, l’un des fils du Premier ministre Hun Sen. Manith sert dans l’Armée Royale en tant que général quatre étoiles et chef adjoint du renseignement militaire. Il a acheté plusieurs types d’épées à Socheat, y compris les épées « royales » les plus élaborées.

Socheat a publié avec fierté une photo de lui-même, des épées et de Manith sur sa page Facebook, soulignant que pendant des centaines d’années, les illustres commandants du Royaume ont utilisé de telles armes pour mener leurs armées au combat contre d’innombrables ennemis.

« Lorsque j’ai fabriqué ces épées pour Manith, il s’agissait d’une situation très inhabituelle, car il en a commandé huit à la fois ! J’ai passé près d’un an à les fabriquer et à m’assurer qu’elles étaient parfaites. »

« Il en était très content et il en a utilisé certains pour décorer sa maison parce qu’il aime les objets de style ancien, et il en a aussi offert quelques-unes », raconte Socheat.

Toun Socheat, 30 ans, fondateur de Hanuman Weapons and Khmer Amulets. Photo Hean Rangsey
Toun Socheat, 30 ans, fondateur de Hanuman Weapons and Khmer Amulets. Photo Hean Rangsey

Après avoir débuté sa carrière en fabriquant deux épées en 2014, Socheat raconte qu’il ne s’attendait pas à avoir autant de clients ni à ce que tant de gens s’intéressent aux armes khmères anciennes.

Des ancêtres cape et d’épée

Il se souvient des histoires de son grand-père selon lesquelles, il y a huit générations, l’un de ses ancêtres était quelqu’un qui avait probablement le rang de Khun ou « envoyé royal » — une sorte de fonctionnaire, mais avec la noblesse d’un titre royal et qui était également appelé à mener des hommes au combat.

Son grand-père lui a raconté que son ancêtre avait mené des hommes à la victoire dans de nombreuses batailles contre des bandits et contre des envahisseurs siamois. Cependant, avec le temps, la famille a perdu ses connaissances martiales et n’a plus que les récits des exploits de leur ancêtre, sans pour autant posséder aucune de ses compétences en matière d’art martial.

« Quand j’étais enfant, mon grand-père possédait une bibliothèque de livres anciens et j’étais toujours très excité de regarder les images de ces armes khmères qu’ils contenaient. Je voyais le terme “sastravuth” et je me demandais ce que cela signifiait. J’étais fasciné par les épées en les regardant simplement en photo - je n’aurais jamais imaginé en posséder ou en fabriquer — et je pouvais passer des heures à feuilleter les pages », raconte Socheat.

Socheat est allé à l’université et a obtenu un diplôme de technicien de laboratoire, mais sa véritable passion a commencé à se manifester et il s’est empressé de se documenter et d’apprendre comment les armes traditionnelles khmères étaient fabriquées.

« J’ai fabriqué deux épées pour m’entraîner au combat à l’épée. Lorsque je les ai enfin terminées et que les gens y ont jeté un coup d’œil, plusieurs d’entre eux ont voulu les acheter, alors j’ai commencé à voir plus grand. J’ai vendu les deux premières et utilisé les fonds pour en fabriquer quatre autres, puis j’ai vendu celles-ci et financé la création de huit autres épées », explique-t-il.

« Au départ, c’était un passe-temps, puis c’est devenu une entreprise parce que le revenu était plus attractif que celui que j’aurais obtenu en travaillant dans le domaine où j’ai obtenu mon diplôme, donc cela suffit certainement pour être heureux. Au fur et à mesure de mes fabrications, j’ai affiné et développé la qualité des épées et cela se voyait rien qu’en les regardant. J’ai beaucoup appris à ce stade et je me suis progressivement perfectionné », explique Socheat.

Des armes personnalisées pour les guerriers du dimanche

Socheat détaille la méthode de fabrication des épées appelée « samlork ». Le processus implique l’utilisation de mots rimés, la mesure de l’arme à la main et des prédictions sur le destin de l’utilisateur en fonction de sa date de naissance.

Socheat travaille sur une sculpture complexe sur une épée traditionnelle. Photo Hean Rangsey
Socheat travaille sur une sculpture complexe sur une épée traditionnelle. Photo Hean Rangsey

« Les motifs artistiques sculptés sur les épées sont — à première vue — identiques ou similaires les uns aux autres. Mais en réalité, ils ne sont pas identiques. Ils varient en hauteur, en largeur et en longueur en fonction de la taille, de la force et de l’énergie du signe zodiacal de la personne concernée », explique-t-il.

Socheat précise qu’il existait de nombreux types d’épées dans l’ancien temps, mais que pour les fonctionnaires royaux, chaque épée avait sept niveaux possibles, qui indiquaient le statut de l’utilisateur : Pol Meun, Meun, Khun, Preah, Oknha et Nea Meun. Au-dessus de ce rang se trouvait le roi et nul autre que le roi.

Socheat explique que pour que l’arme convienne à chaque utilisateur, il doit lui demander beaucoup d’informations sur son passé et sur les raisons pour lesquelles il souhaite acheter une telle arme.

« Je demande leur date de naissance pour connaître leur signe zodiacal. Et je leur demande ce qu’ils font dans la vie et s’ils ont une position plus élevée dans la société, cela détermine le niveau de l’épée qu’ils doivent posséder. »

Socheat confie qu’il mesure ensuite la taille de l’utilisateur pour déterminer la longueur de lame qui lui convient, puis l’arme entière est mesurée selon les règles du samlork.

L’ordre des mesures est le suivant : La poignée (chab dorng), la garde transversale (rong chherng), le ricasso ou la partie émoussée de la lame juste au-dessus du pommeau (veng torng), le fuller ou la rainure pour élargir la lame (rong sambath), le tranchant de la lame (pat norkor), son arête centrale (vorak chey) et sa pointe (bang krab satrov).

Épées magiques, amulettes porte-bonheur

« Toutes mes techniques de métallurgie, je les ai apprises par la recherche et surtout auprès des vieux dans les zones rurales. Quand le moment est venu, il semble que quelqu’un soit venu me guider et m’indiquer les endroits où je devais aller », explique Socheat.

Il mentionne que parce qu’il effectue un travail transmis par les ancêtres, il ne peut en ignorer les aspects spirituels. Les épées fabriquées par des professionnels doivent être accompagnées d’une offrande à l’un des sensei qui aide l’utilisateur à déterminer sa voie en tant que guerrier.

En plus des offrandes aux esprits des anciens maîtres, des charmes magiques sont jetés sur les épées et une amulette les accompagne pour empêcher les forces obscures de s’attacher à l’arme ou à son utilisateur.

« Pour les épées magiques, nous organisons une cérémonie avec des offrandes pour les ancêtres. Nous avons des fruits, des feuilles de bétel, des noix, des boissons et des fleurs pour eux, ainsi que nos prières et nos supplications.»

« Nous disons : s’il vous plaît, seigneurs de la bataille, senseis et guerriers, venez prendre les offrandes et apportez-nous l’esprit d’un de vos soldats pour le placer dans cette arme.

« Quand le produit final sera prêt, nous ferons une autre cérémonie. Vous pourrez alors commencer à l’utiliser correctement. Si vous la gardez chez vous ou près de vous la plupart du temps, elle peut ajuster votre destin », dit Socheat.

Les gravures complexes sur les armes les plus ornées prennent du temps à être réalisées. Photo Hean Rangsey
Les gravures complexes sur les armes les plus ornées prennent du temps à être réalisées. Photo Hean Rangsey

Vendeur d’épées du XXIe siècle

Les huit épées que Manith a commandées ont toutes été achevées en un an seulement, en raison de son importance et de son rang évidents, mais une personne ordinaire qui en commanderait autant en une seule fois pourrait attendre jusqu’à trois ans avant de les recevoir, en raison du volume de commandes qu’il reçoit et du manque de personnes qualifiées pour réaliser ce type de travail.

Socheat a décidé d’apprendre à graver lui-même les motifs sur les lames, car cela était devenu un véritable challenge dans son processus de production. Il a eu beaucoup de mal à y arriver et, pendant les premiers mois, il s’est souvent blessé en travaillant avec des ciseaux.

Les épées sculptées sont plus chères que les épées unies, dit Socheat, et il préfère faire les moins chères, car les délais sont beaucoup plus courts et ses clients n’ont pas à attendre trop longtemps.

Tout le monde peut acheter une épée à Socheat, à condition d’avoir 18 ans et de pouvoir le prouver avec une pièce d’identité.
Tout le monde peut acheter une épée à Socheat, à condition d’avoir 18 ans et de pouvoir le prouver avec une pièce d’identité. Photo fournie

« Si vous me contactez via Facebook Messenger, vous devez donner votre vrai nom et être âgé d’au moins 18 ans. Vous pouvez être un étudiant, un employé ou un homme d’affaires, pour autant qu’il s’agisse d’une profession légale. Nous vous interrogeons sur les médias sociaux et recherchons le moindre signe de problème avant de vous vendre des armes », explique Socheat.

Dans le cadre de l’exigence de vérification des antécédents que Socheat s’est imposée, vous pouvez également vous attendre à devoir répondre à quelques questions sur la raison exacte pour laquelle vous souhaitez acheter une épée.

« Si votre réponse répond à nos critères, par exemple s’il s’agit d’un objet de culte, d’une décoration ou d’un objet à transmettre à vos fils, ces raisons sont acceptables, mais dans l’ensemble, depuis que j’ai commencé à faire ce travail il y a presque dix ans, je n’ai jamais eu de problèmes », dit-il, ajoutant qu’il lui est arrivé de refuser des gens par le passé, mais très rarement.

 

Pour plus d’informations : 085 95 22 68 ou visiter sa page Facebook : @KhmerTraditonalArtWorker.

Raksmey Hong avec notre partenaire The Phnom Penh Post

Merci pour votre envoi !

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