Opinion & Conflit frontalier : « La Thaïlande doit réécrire son histoire et accepter la vérité »
- Chroniqueur
- il y a 7 jours
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Par le Général Major Tith Viseth : La Thaïlande se tire une balle dans le pied en attaquant le Cambodge ! Au-delà de la haine et de la colère, c’est bel et bien pour ces raisons que l’armée thaïlandaise ne cesse de provoquer le Cambodge à un moment où un cessez-le-feu immédiat et inconditionnel a été décrété par la Malaisie.

La Violence : Un Faux Remède aux Problèmes Internes
La violence et la guerre n’ont jamais réglé les problèmes internes. Cela permet peut-être de raviver le nationalisme en temps de crise, mais cela ne résoudra jamais les problèmes de fond. C’est comme si l’on se disputait avec sa femme et qu’on accusait son voisin par jalousie.
C’est une réaction primaire. Dans les sociétés évoluées, des lois et des règlements ont été instaurés pour garantir la paix et l’évolution de la société, avec des limites à ne pas franchir.
Sinon, ce serait la loi du plus fort, où les plus puissants pourraient tout se permettre sans jamais se soucier de la justice. La société ne pourrait être en paix, elle reviendrait alors à l’état “primaire”.
Un Conflit d’Identité et d’Histoire
Le modèle thaïlandais, « tigre de l’ASEAN », en conflit armé avec son petit voisin pacifiste qu’est le Cambodge, montre qu’elle choisit la voie du plus fort sans se soucier du droit international. Par exemple, le temple de Preah Vihear est d’abord un temple khmer, construit par les Khmers, reconnu par les livres d’histoire, les historiens et chercheurs internationaux.
De plus, la CIJ (Cour Internationale de Justice) a confirmé la souveraineté du Cambodge en 1962, puis à nouveau en 2013 pour tout le plateau adjacent. Quelle leçon les dirigeants thaïlandais veulent-ils transmettre à leurs enfants et à toutes les futures générations ?
« Vous pouvez voler, piller, détruire votre voisin, mentir, calomnier, manipuler... tant que vous êtes les plus forts et que vous avez les armes » ?
Les Racines du Mépris et de la Falsification
Ce mépris thaïlandais envers les Cambodgiens, allant du racisme primaire à d’autres formes de discrimination, provient de l’héritage nationaliste thaïlandais. Les pseudo-intellectuels ont systématiquement falsifié l’histoire des Khmers afin de discréditer les héritiers de l’empire d’Angkor et de s’approprier leur héritage historique et culturel.
Ainsi, les manuels scolaires thaïlandais donnent une image nationaliste, présentant les Khmers comme un peuple “inférieur” tout en minimisant leur rôle dans la fondation de l’empire khmer et les joyaux d’Angkor.
Le terme “Khom”, inventé au XXe siècle, n’a aucun fondement historique reconnu par des chercheurs internationaux.
Effacement de l’Héritage Khmer
Je me souviens de ma première visite en Thaïlande : en achetant un livre d’histoire locale, j’ai constaté avec étonnement que leur récit historique commence là où débute celle des Khmers, du 1er au 6e siècle à Oc-Eo (ère du Founan, sud du Vietnam actuel). Du 6e au 13e siècle, c’est presque le vide ; l’histoire thaïe semble ne commencer véritablement qu’avec le royaume de Sukhothaï au XIIIe siècle.
Dans les musées, les sculptures et statues khmères ne sont pas signalées. L’écriture thaïe ancienne comme le sanskrit, provient du vieux khmer sous l’ère pré-angkorienne et angkorienne.
Tout ce remodelage et camouflage systématique sert à effacer ou modifier l’héritage khmer au sein de la famille royale thaïlandaise et, ensuite, dans la construction de la civilisation siamoise. L’écriture thaïe a pour ancêtre direct le “khmer ancien”, utilisé dans les textes sacrés et les inscriptions royales. Même au couronnement de Rama X (Vajiralongkorn), on y trouve des prières en khmer.
Pourquoi Renier la Vérité ?
Renier la réalité revient à nier une part fondamentale de soi. Il serait absurde que les historiens français cachent que la langue française dérive du grec et du latin pour tenter de s’approprier l’identité historique de la Grèce antique.
L’héritage de la langue et de l’écriture khmère dans la famille royale thaïlandaise est profond et ancien, symbole des liens historiques, culturels et politiques entre le royaume khmer et le royaume de Siam.
Dès le Xe siècle, la Thaïlande a adopté l’ancien khmer comme système d’écriture ; la langue thaïe n’avait alors pas de script propre. Au XIIIe et XIVe siècles, le roi Ramkhamhaeng créa le script Sukhothaï, ancêtre direct du système d’écriture thaï moderne, dérivé du khmer.
Nationalisme et Haine Silencieuse
La volonté d’effacer le passé khmer dans la construction identitaire de la Thaïlande, c’est comme renier ses propres ancêtres. Ce déni historique, couplé à la construction d’un récit xénophobe, a généré une haine silencieuse et rampante au fil du temps, nuisible à l’amitié des deux peuples.
Aujourd’hui, elle éclate lors de périodes troubles où le nationalisme extrémiste prospère sur fond d’inculture. Sur les réseaux sociaux regorgent de vidéos montrant des groupes de Thaïlandais violenter des travailleurs khmers, provoquant des pogroms dont la sauvagerie est inouïe. Les autorités thaïlandaises n’appellent pas à la retenue, à la différence du Cambodge qui interdit toute attaque contre les Thaïlandais et leurs biens sous peine de poursuites.
Héritage, Mémoire et Perspective d’Avenir
L’éducation et la falsification historique en Thaïlande nourrissent cette haine depuis longtemps, semblable à une bombe à retardement que manipulent extrémistes et militaires pour gagner en popularité.
Dans cette complexité, la diplomatie, la compréhension interculturelle et un regard ouvert sur l’histoire commune pourront, espérons-le, contribuer à un avenir plus pacifique et prospère.
La Thaïlande doit réécrire son histoire afin de rééduquer ses enfants à accepter la vérité historique sur les Khmers, ses ancêtres culturels. L’Allemagne et la France ont su se réconcilier après la Seconde Guerre mondiale. Il faut s’inspirer de cet exemple.
Cambodge : Ami de Tous, Ennemi de Personne
Le Cambodge est l’ami de tous, l’ennemi de personne. La Thaïlande, quant à elle, est en conflit avec nombre de ses voisins : différends frontaliers avec le Cambodge et le Myanmar, conflits sur le Mékong avec le Laos, tensions ethniques avec la Malaisie, rivalités avec le Vietnam.
L’événement tragique du Phnom Dangrek illustre la mentalité méprisante : en 1979, alors que les réfugiés cambodgiens fuyaient les Khmers rouges, les militaires thaïlandais ont forcé des milliers de civils à descendre une falaise abrupte, causant de nombreux morts.
Conclusion
Les cicatrices sont profondes. Pourtant, le peuple cambodgien a choisi de regarder vers l’avenir tandis que le récit raciste et xénophobe subsiste dans la narration thaïlandaise. Les militaires thaïlandais n’hésitent pas à attiser la fièvre nationaliste lors de crises internes, notamment lors de tensions frontalières avec le Cambodge.
Pour bâtir un futur commun, il est impératif de revisiter l’histoire, de reconnaître les liens profonds qui unissent les deux pays, et de privilégier la paix et la vérité.
Major General Tith VisethDirecteur des Relations Internationales au ministère de l’IntérieurDiplômé de Lyon 2, Lyon 3, Paris Assas 2, ENA, ENSP, INHESJ
Un grand merci pour cet article qui nous permet une meilleure compréhension de l'histoire de nos origines.
Très bon texte. Triste pour le peuples thaïlandais pour qui leurs histoires est bafouée.
Je suis fier de mon second pays de cœur après la France qui m'a vu naître. J'ai visité le Cambodge lors de mes vacances et je n'ai jamais pu repartir...le cambodgiens dans leur ensemble, le gouvernement, m'ont accueilli chaleureusement. Je suis tombe amoureux de ce peuple "vrai" et doté de réalisme face à l’histoire du pays. L'humilité et l'intelligence collectives se mettent en place progressivement. Le pays commence à être reconnu de ses qualités sur la scène internationale. Développons le tourisme, eduquons nos enfants, protégeons notre terre et notre environnement...et diffusons nos vérités pour accéder au futur que le Cambodge mérite aujourd'hui. Profondément respectueux de mon deuxième pays.
Je j ai bien retenue la leçon: on ne sera jamais en paix avec un voisin méprisant et manipulé par sa classe dirigeante : donc il faut renforcer nos frontières avec des bunkers et des murs dans le futur qui sera la variable d ajustement de leur problème interne .
Félicitations