La cuisine royale du Cambodge : un héritage précieux entre histoire, raffinement et tradition

La cuisine royale cambodgienne, bien que moins connue que celle de ses prestigieux voisins d'Asie du Sud-Est, possède une histoire riche, subtile et profondément enracinée dans la culture khmère.

La princesse Norodom Rasmi Sobbhana (1895-1971), grande figure de la préservation de cet art, consacra des années à la collecte et à la codification de ces recettes dans un guide culinaire qui témoigne d’un âge d’or gastronomique

À l'origine de cette tradition culinaire spécifique se trouve non seulement le raffinement des palais mais également une transmission minutieuse d'un art ancestral, fondé sur un mélange d'influences régionales et un savoir-faire qui transcende la simple alimentation pour devenir une expression culturelle d'exception.

Aux sources historiques de la cuisine royale khmère

L'histoire de la cuisine royale cambodgienne s'inscrit dans le contexte plus large de l'Empire khmer, ancien puissant royaume qui régnait sur la péninsule indochinoise. Ce régime a influencé durablement la tradition gastronomique de la région. Contrairement à certains pays voisins comme la Thaïlande ou le Japon, où une séparation stricte entre cuisine royale et populaire existe, le Cambodge propose une cuisine royale qui s'inscrit dans une continuité avec la cuisine traditionnelle khmère mais avec des accents particuliers.

La spécificité royale réside surtout dans le soin extrême apporté à la préparation, la qualité des ingrédients, la subtilité des saveurs et surtout la présentation des plats. Selon des témoignages recueillis auprès de spécialistes et des membres de la famille royale, ce qui définit la cuisine « royale » est en premier lieu la minutie, la patience et la sophistication du travail en cuisine, ainsi que le temps long consacré à la préparation.​

Le raffinement culinaire fut porteur d'une symbolique de pouvoir et de prestige, où chaque mets servait à magnifier la puissance du souverain et la grandeur du royaume. Les chefs royaux étaient chargés de préparer des plats qui devaient satisfaire non seulement le goût, mais aussi l'esthétique et l'équilibre nutritionnel. La princesse Norodom Rasmi Sobbhana (1895-1971), grande figure de la préservation de cet art, consacra des années à la collecte et à la codification de ces recettes dans un guide culinaire qui témoigne d’un âge d’or gastronomique.​

L'œuvre emblématique de la princesse Norodom Rasmi Sobbhana

La contribution la plus précieuse à la connaissance de cette cuisine royale nous vient de SAR la princesse Norodom Rasmi Sobbhana, qui dans les années 1960 rédigea un guide culinaire essentiel, intitulé The Culinary Art of Cambodia. Cet ouvrage, admirablement repris et traduit plus récemment, compile plus de 300 recettes entre khmer et anglais, offrant une fenêtre rare sur les pratiques culinaires royales, avec un accent sur des plats raffinés et peu épicés, conformément aux goûts du roi Norodom Sihanouk qui préférait cette sobriété.​

Ce livre n’est pas une simple compilation de recettes, mais un véritable témoignage historique et culturel, qui souligne la nécessité du temps, des soins et de la passion pour la cuisine royale. La princesse insistait aussi sur l’importance de la transmission de ce savoir-faire face aux changements sociaux et à la modernisation du pays. La cuisine royale n’est donc pas une cuisine figée, mais bien une tradition vivante et évolutive.​

Recettes royales emblématiques

Parmi les nombreux plats qui composent la gastronomie royale, certains sont devenus emblématiques et continuent d’incarner l’essence du raffinement khmer :

• Amok trey : sans doute le plat le plus connu, un curry de poisson cuit à la vapeur dans une feuille de bananier, où le poisson est nappé d'une crème épicée à base de kroeung (pâte de curry locale) et de lait de coco. Sa texture délicate et ses arômes subtils en font un met de choix lors des grandes occasions.​

• Somlar Kari Saek Mouan : un curry rouge doux, souvent préparé pour les cérémonies royales et les fêtes, mettant en valeur la richesse des épices locales et du lait de coco, symbole de convivialité et d'abondance.​​

• Phoât Khsat : une spécialité moins connue, décrite dans les archives royales, reflétant la subtile alliance entre traditions culinaires anciennes et exigences esthétiques du palais.​

Livres et ressources pour approfondir

Pour qui souhaite explorer en profondeur la cuisine royale cambodgienne, plusieurs ouvrages sont essentiels :

• The Culinary Art of Cambodia par la princesse Norodom Rasmi Sobbhana, édité par Bernard Cohen, est une référence incontournable. Il est disponible à la vente au Cambodge et en ligne, proposant un riche panorama de recettes classiques avec contexte et conseils.​

• Le livre Saoy, Royal Cambodian Home Cuisine du chef Nak, revisite ces recettes ancestrales avec un regard contemporain, rendant accessible ce patrimoine culinaire royal à un public moderne.​

Ces ouvrages offrent une précieuse documentation, très attendue par les gastronomes, les historiens et les chefs cuisiniers souhaitant perpétuer cet art historiquement chargé.

La cuisine royale cambodgienne illustre la richesse d’un patrimoine longtemps protégé et transmis avec soin, un métissage d’histoire, de culture et d’art culinaire. Plus qu’une simple nourriture, elle est une expression de la dignité royale, du raffinement esthétique et d’une identité nationale. Ses recettes, minutieusement préparées, témoignent du soin apporté à chaque détail pour satisfaire les palais les plus exigeants.