Kuala Lumpur 2025 : La paix retrouvée entre le Cambodge et la Thaïlande, un tournant diplomatique historique
- La Rédaction
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Dimanche 26 octobre 2025 restera gravé dans l’histoire de l’Asie du Sud-Est comme le jour où le Cambodge et la Thaïlande ont conclu la Déclaration de paix de Kuala Lumpur, mettant un terme à des mois d’affrontements meurtriers le long de leur frontière commune.

Au-delà du faste protocolaire, cette déclaration symbolise la renaissance d’un dialogue bilatéral longtemps miné par les différends territoriaux et les méfiances réciproques. Après les affrontements de juillet – les plus violents depuis une décennie – le cessez-le-feu de Putrajaya avait ouvert la voie à cette solution pacifique.
Une signature au cœur du Sommet de l’ASEAN
La scène était solennelle : drapeaux, caméras et applaudissements accompagnaient la signature de ce document sur la scène du 47e Sommet de l’ASEAN à Kuala Lumpur. Sous la présidence tournante de la Malaisie, le thème de « l’inclusivité et la durabilité » a trouvé écho dans cette réconciliation inattendue. Hun Manet et Anutin ont réaffirmé leur « engagement indéfectible envers la paix, la sécurité et le respect de la souveraineté mutuelle », selon le texte officiel publié par la Maison Blanche.
Contenu de l'accord :
Cessation immédiate des hostilités
Les deux parties s’engagent à mettre fin à toute action militaire et artillerie dans les zones disputées, notamment autour du temple de Preah Vihear et des localités de Ban-Nong-Chan et Ban-Nong-Yaa-Keu. Cette trêve s’inscrit dans la continuité du cessez-le-feu signé à Putrajaya en juillet 2025.
Retrait des troupes et des armes lourdes
Une clause essentielle de l’accord impose le retrait progressif des unités armées et des armes lourdes des zones sensibles le long de la frontière commune, afin de restaurer la confiance entre les deux armées et de réduire les risques de nouveaux accrochages.
Libération des prisonniers de guerre
La Thaïlande s’engage à libérer 18 soldats cambodgiens capturés lors des combats de juillet. Cette mesure, considérée comme le premier geste concret du processus de paix, a été saluée par Phnom Penh comme un signe de bonne foi.
Lancement d’opérations de déminage
Les deux gouvernements conviennent de coopérer pour le déminage complet des zones frontalières, notamment dans les provinces de Surin et d’Oddar Meanchey, encore parsemées de mines issues d’anciens conflits.
Création d’une mission régionale d’observation
Une équipe d’observateurs de l’ASEAN, incluant principalement des officiers malaisiens, sera déployée pour contrôler le respect de la trêve et établir des rapports réguliers sur la situation de sécurité dans les zones frontalières.
Mise en place d’un mécanisme bilatéral de gestion des frontières
Les parties établiront un Comité conjoint de délimitation frontalière chargé de mener un relevé topographique commun et d’assurer une gestion coordonnée des points de passage, dans le cadre d’une coopération économique et sécuritaire durable.
Lutte contre les réseaux criminels transfrontaliers
Le texte comprend un volet sur la coopération policière visant à combattre les réseaux de criminalité organisée, notamment les escroqueries en ligne et la traite d’êtres humains opérant dans les zones frontalières.
Respect du droit international et de la souveraineté
L’accord réaffirme la non-recours à la force, le respect de la souveraineté nationale, de l’intégrité territoriale et de l’égalité entre États, conformément aux principes de la Charte des Nations unies et de la Charte de l’ASEAN.
Mécanismes de suivi et de sanctions graduées
Le Kuala Lumpur Peace Accord signé entre le Cambodge et la Thaïlande inclut un ensemble de mécanismes de suivi et de sanctions graduées destinés à garantir le respect des engagements pris le 26 octobre 2025 lors du Sommet de l’ASEAN. Bien que les termes du texte restent diplomatiquement formulés — l’accord relevant davantage d’un cadre politique que d’un traité juridiquement contraignant — plusieurs dispositifs précis encadrent le contrôle de sa mise en œuvre.
Mesures diplomatiques graduées
L’accord prévoit que tout manquement avéré (retour d’unités armées, refus de retrait, obstruction au contrôle, ou reprise d’activités hostiles) entraînerait :
Une mise en alerte diplomatique transmise par le président de l’ASEAN.
Une suspension temporaire de la coopération militaire bilatérale et des réunions de haut niveau jusqu’à conformité.
Une notification officielle à la Maison Blanche et au Secrétariat général de l’ONU, si la violation est jugée grave ou prolongée.
Donald Trump et Anwar Ibrahim, en tant que garants de la médiation, disposent du pouvoir d'initier une réunion d’urgence entre chefs d’État pour éviter une escalade armée.
Sanctions économiques implicites
Bien qu’aucune sanction internationale formelle ne figure dans le texte principal, Washington a indiqué que la coopération commerciale et les accords d’investissement bilatéraux conclus en parallèle pourront être révisés ou suspendus en cas de rupture du cessez-le-feu. Ces leviers économiques — qualifiés par le Président Trump comme des « incitations à la paix » — visent à décourager toute action militaire en reliant stabilité politique et continuité des échanges.
Renvoi à l’arbitrage régional
L’accord prévoit aussi, conformément à la Charte de l’ASEAN, le recours à un mécanisme de règlement pacifique des différends :en cas d’échec de la médiation directe, la question peut être portée devant le Comité de conciliation de l’ASEAN pour arbitrage, voire devant la Cour internationale de Justice, si les deux parties y consentent.
Engagements publics et mécanisme de nommage
Pour renforcer la pression morale, le texte inclut un engagement de publication systématique des rapports de manquements. Ces rapports, rendus publics chaque trimestre par la mission d’observation, auront valeur d’« avertissement » diplomatique. Les États auteurs de violations répétées pourraient être nommés publiquement lors des sommets de l’ASEAN, dans un mécanisme dit de naming and shaming.
En résumé, le KL Peace Accord ne s’appuie pas sur des sanctions coercitives au sens strict, mais sur un système de pression diplomatique et économique graduée, adossé à des mécanismes régionaux de médiation et à la garantie politique des États garants.
Son efficacité repose donc moins sur la contrainte que sur la surveillance systématique, la transparence, et le coût politique du non-respect dans un environnement régional où la stabilité commune est désormais perçue comme un intérêt partagé.
Le rôle clé de la diplomatie américaine et malaise
Donald Trump, présent en Malaisie pour le sommet ASEAN et diverses négociations commerciales, s’est attribué le mérite d’avoir « rendu la paix possible là où d’autres avaient échoué ».
Selon le communiqué de la Maison Blanche, le Président américain a non seulement favorisé le rapprochement, mais aussi couplé la paix à des accords économiques réciproques avec Phnom Penh et Bangkok. Anwar Ibrahim, pour sa part, a été salué comme un médiateur habile ayant permis de rapprocher les positions des deux voisins après plusieurs mois de tensions. C’est lui qui, dès juillet, avait organisé les pourparlers de Putrajaya, prélude à cette normalisation diplomatique.
Une paix durable ou trêve fragile ?
Si la communauté internationale salue unanimement ce pas vers la paix, plusieurs analystes appellent à la prudence. Le politologue thaïlandais Sihasak Phuangketkeow a souligné que ce texte constituait « davantage une déclaration commune qu’un traité définitif », insistant sur le besoin d’un suivi rigoureux sur le terrain.
Les deux pays partagent une frontière de plus de 800 kilomètres, théâtre de multiples incidents depuis des décennies, notamment autour du temple de Preah Vihear. Le déploiement prochain de la mission d’observation régionale sera donc crucial pour éviter de nouveaux affrontements.
Fait notable, cette détente marque aussi le retour de l’ASEAN comme acteur diplomatique central dans la gestion des crises internes au bloc. Après des années de divisions, la coopération entre Kuala Lumpur, Phnom Penh et Bangkok illustre une volonté de résoudre les différends « à la sud-est-asiatique », c’est-à-dire par le dialogue et la non-ingérence.
Un signal pour la région
Au-delà des frontières cambodgiennes et thaïlandaises, la Déclaration de Kuala Lumpur pourrait bien redéfinir l’équilibre politique régional. En choisissant de placer la paix sous le double parrainage de Washington et de l’ASEAN, les signataires affirment une diplomatie à double ancrage : régionale et globale. Alors que les tensions en mer de Chine méridionale restent latentes, ce compromis envoie un message clair : la paix en Asie passe d’abord par la coopération régionale.
Si certains observateurs dénoncent un « accord centré sur Trump » servant autant les intérêts américains que ceux indochinois, d’autres y voient l’amorce d’une ère nouvelle de confiance et de stabilité.
Une nouvelle page pour l’ASEAN
En définitive, cette paix scellée à Kuala Lumpur ne se limite pas à la cessation d’un conflit frontalier : elle incarne le renouveau d’une communauté régionale capable de maîtriser ses tensions internes. Pour le Cambodge comme pour la Thaïlande, la normalisation ouvre la voie à de nouveaux projets transfrontaliers, économiques et culturels, dans une logique d’apaisement durable.
À l’heure où le monde redoute la fragmentation des alliances, l’Asie du Sud-Est démontre qu’il est encore possible de bâtir la paix à travers le dialogue et la volonté politique. Le « KL Peace Accord » ne scelle pas seulement la fin d’un conflit : il symbolise la résilience politique de toute une région, décidée à tourner la page des armes pour réécrire celle de la coopération.



