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Interview exclusive : Fabienne Thibeault à Siem Reap, voix emblématique de la francophonie, messagère d’une culture universelle

Durant ce week-end au Village de la Francophonie 2025 à Siem Reap, Fabienne Thibeault, figure emblématique de la chanson francophone, s’est livrée à un entretien chaleureux et empreint d’émotion.

Fabienne Thibeault
Fabienne Thibeault

Avec une finesse d’expression et une sagesse acquise au fil des années, elle a partagé son parcours artistique, son engagement pour la francophonie, ainsi que son émerveillement face à la richesse culturelle du Cambodge.

Fabienne, vous êtes bien connue pour votre rôle déterminant dans l’opéra-rock Starmania. Quel impact cette œuvre mythique a-t-elle eu sur votre vie et votre carrière ?

Starmania a été véritablement un tournant incontournable. J’y ai incarné Marie-Jeanne, la serveuse automate, dont les chansons Le Monde est stone et Un garçon pas comme les autres sont devenues des hymnes. Conçue par Michel Berger et écrite par Luc Plamondon, cette fresque musicale a connu un immense succès dès 1978, propulsant ma carrière sur la scène internationale.

Ce rôle m’a offert la possibilité de représenter la culture francophone avec force et émotion dans de nombreux pays, notamment en France, en Suisse, en Belgique, mais aussi au Japon et en Afrique francophone.

Cette aventure artistique a durablement marqué mon engagement : la musique devenait un pont entre les cultures, un langage universel qui transcende les frontières.

Par la suite, j’ai poursuivi ma carrière en explorant aussi mes racines québécoises, tout en conservant une démarche indépendante pour créer et diffuser mes propres œuvres.​​

Votre attachement à la francophonie est profond. Qu’est-ce qui vous inspire dans cette communauté linguistique et culturelle ?

La francophonie dépasse la simple langue. Elle est une identité, un creuset de savoirs, de cultures diverses et un espace d’ouverture au monde. Mes origines françaises, mêlées à mon vécu québécois, m’ont sensibilisée dès l’enfance à la complexité d’une langue fragile face à la domination anglo-saxonne.

Pourtant, la francophonie institutionnelle, malgré ses belles ambitions diplomatiques, manque parfois un peu de chaleur humaine. C’est là que les artistes entrent en jeu : nous insufflons vie, parole vraie et audace là où il faut. La chanson, le théâtre, la littérature portent ce rôle fondamental, celui de relier les êtres au-delà des mots.

Je crois fermement en ce pouvoir et c’est pourquoi j’ai choisi de devenir une ambassadrice culturelle, humble et active, de cette francophonie plurielle et dynamique.​

Comment votre parcours personnel a-t-il nourri cette passion pour la francophonie et les échanges interculturels ?

Je suis née en 1952 au Québec, dans un milieu francophone pur, avec des racines en Normandie et en Charlevoix, où j’ai grandi avec le goût du patrimoine et des traditions. Mon parcours universitaire en sciences de l’éducation, complété par une forte inclination pour la littérature, a renforcé mon regard critique et ouvert sur le monde.

En mêlant mes expériences musicales à la découverte de divers territoires francophones, que ce soit le Québec, la France ou l’Afrique, j’ai appris que la langue française constituait aussi un vecteur de renouveau culturel à chaque endroit.

Contrairement à l’anglais, qui parfois peut se montrer hégémonique, je perçois le français comme une langue diplomatique et un espace d’échange véritable, capable d’accueillir la diversité des cultures et des identités. C’est cette richesse qui nourrit mon engagement aujourd’hui.​

Le Cambodge est un pays marqué par une histoire tragique. Quelles impressions avez-vous ressenties en venant ici pour la première fois ?

Le passé du Cambodge, celui des années sombres du régime des Khmers rouges, m’a toujours profondément émue. Née dans une époque de revendications pacifiques et de contestations sociales, j’ai été sensible à cette histoire tragique qui a marqué le pays. Ce qui m’a aussi frappée, c’est la résilience et la vitalité de cette population.

À Montréal, une partie de ma jeunesse a été influencée par la présence d’immigrants d’Asie du Sud-Est, reflet d’une communauté travailleuse, attachée à sa culture et profondément humaine.

Ici, à Siem Reap, j’ai découvert un peuple d’une extrême politesse, avec des sourires sincères, une grâce presque chorégraphique dans les salutations, inspirée des gestes traditionnels bouddhiques. La beauté des paysages, la chaleur des relations humaines, tout cela forme un tableau vivant d’un pays qui avance, renaît et s’affirme avec fierté.​

Vous avez partagé la scène avec les danseuses sacrées d’Angkor. Quelle signification donnez-vous à cette expérience ?

C’était un moment chargé d’émotion, un instant suspendu dans le temps. La chanson Les filles comme moi que nous avons interprétée ensemble célèbre la femme dans toute sa complexité — tendre, spirituelle, forte. Le talent et la discipline de ces jeunes danseuses sacralisent la scène, transformant notre performance en un rituel de beauté et d’expression profonde.

Fabienne Thibeault à Siem Reap,  voix emblématique de la francophonie, messagère d’une culture universelle

Ce lien qui se crée entre la musique et la gestuelle traditionnelle transcende les barrières culturelles pour parler directement au cœur. Ce fut bouleversant, les larmes aux yeux, une communion dans l’art qui incarne la résilience et la grâce féminine, un magnifique hommage qui dépasse toutes les différences.​

Un projet de collaboration avec des artistes cambodgiens est-il envisagé ?

Tout à fait. L’idée d’enregistrer et de créer un spectacle avec des artistes locaux m’enthousiasme beaucoup. De déjà premiers échanges ont eu lieu avec Sochhata, une jeune chanteuse talentueuse qui a traduit un couplet de Les uns contre les autres en khmer.

Nous envisageons aussi d’adapter certains morceaux de Starmania dans cette langue, ce qui serait un merveilleux pont entre nos cultures. Cela ouvrirait des perspectives inédites de dialogue artistique et renforcerait l’empreinte de la francophonie au Cambodge. C’est un projet en devenir, mais je suis positive sur son avenir.​

Quels sont vos ressentis par rapport aux particularités culturelles et culinaires du Cambodge ?

La cuisine khmère m’a enchantée. Elle porte une grande authenticité, j’ai vraiment apprécié la qualité des produits, la subtilité des épices, et surtout le lien avec la nature que cette gastronomie incarne. Ce contact avec la cuisine locale enrichit encore plus mon expérience de ce pays magnifique.​

Au-delà de la musique et de la culture, que retenez-vous de votre séjour à Siem Reap ?

C’est avant tout la rencontre humaine qui restera gravée dans ma mémoire : la douceur des sourires, la politesse sincère, mais aussi la force et la fierté d’un peuple qui regarde l’avenir avec espoir.

La richesse patrimoniale, la beauté des paysages et la profondeur spirituelle, tout cela compose un tableau vibrant d’un Cambodge en pleine renaissance.

Cet équilibre entre tradition et modernité est un exemple pour nous tous. Je repars inspirée et le cœur rempli d’une énergie nouvelle, heureuse d’avoir pu contribuer à ce moment d’échange entre les cultures.​

Pour conclure, un message pour les jeunes générations qui découvrent la francophonie ?

La francophonie est un univers passionnant, un espace où cohabitent mille histoires, langues, et identités. Elle est un vecteur de paix, de partage et de création. Je leur dirais de la chérir, de la faire vivre avec audace et amour, car elle grandit à travers nous tous. La musique, le théâtre, l’écriture sont des armes puissantes pour construire des ponts entre les peuples.

Engagez-vous, exprimez-vous, et surtout, écoutez les voix du monde, car la francophonie est un hymne à la diversité et à l’ouverture. Que cette langue soit pour vous un tremplin vers la découverte et le respect mutuel.​

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