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Photo du rédacteurChristophe Gargiulo

Histoire & Hommage : Ballet royal, Le Temps des Splendeurs

Après la visite du roi Sisowath et de ses danseuses en France, les décennies suivantes sont marquées par un enthousiasme grandissant pour le Cambodge. À chaque exposition universelle, le pavillon indochinois attire de plus en plus de visiteurs. En 1931, les Français iront même jusqu’à construire une réplique du temple d’Angkor Wat en plein Paris. On parle alors de véritable « Angkor mania ».

Époque Sihanouk

Le 23 avril 1941, au Cambodge, le jeune prince Sihanouk monte sur le trône, il n’a que 18 ans. Il deviendra plus tard l’un des personnages les plus marquants et les plus populaires de l’histoire du Royaume. Il sera aussi le père de l’indépendance du Cambodge.

le jeune prince Sihanouk
Le jeune prince Sihanouk

En 1955, Norodom Sihanouk abdiquera en faveur de ses parents afin de se consacrer à la politique. Sa mère, Sa Majesté la reine Kossamak entrera dans la légende en redonnant prestige et splendeur au Ballet royal. Elle saura adapter les légendes anciennes, elle saura moderniser le ballet tout en respectant ses codes. La reine Kossamak déploiera une énergie incroyable pour faire revivre le ballet.

Influence de la reine

Nous voyons sur cette photo la reine Kossamak au palais royal en 1965. La reine assiste à la cérémonie des diplômes de l’École des Beaux-Arts dont elle est la marraine. Comme le veut la tradition, les jeunes danseuses novices sont présentées à la reine. C’est un acte de dévotion et de loyauté envers le souverain, pratiqué depuis les temps anciens. Grâce à la reine Kossamak et a ses initiatives, en 1965, le Ballet royal comptait 300 enseignants de danse classique et 500 élèves. Les danseuses n’étaient plus recrutées exclusivement parmi les familles résidant au Palais, elles étaient recrutées parmi toutes les couches de la société.

La reine Kossamak veilla personnellement à ce que les danseuses puissent répéter dans les meilleures conditions. C’est ainsi que la grande salle Chanchhaya fut dévouée à la danse, pour les répétitions et pour les spectacles. La reine s’employa aussi à débarrasser le ballet des influences étrangères qui s’étaient imposées au début du siècle. La reine découpa en plusieurs scènes les longues séquences du Ream-Ker, qui pouvaient durer plus d’une nuit, pour en faire des spectacles plus courts et cohérents.

La reine s’entoura aussi des meilleurs professeurs afin de former à la perfection les futures générations de danseuses. Consciente du devoir de mémoire, elle fut aussi la première à autoriser les caméras étrangères dans l’enceinte du Palais Royal pour filmer toutes les activités du Ballet royal. Elle avait un goût indiscutable pour l’art de la scène et pour la direction chorégraphique, comme en témoignent ces images ci-dessous d’un spectacle de danse organisé par la reine, et se déroulant dans les enceintes mythiques de la cité des temples.

Depuis le souverain jusqu’aux gens du peuple, les descendants des Khmers bénissent leurs traditions. Les danseuses du Ballet royal font partie de cette tradition. En 1965, les jeunes danseuses vont répéter au palais royal, sous la direction personnelle de Sa Majesté la reine Kossamak. Ces danseuses sont toujours parmi les meilleures artistes du Royaume, tout comme dans l’ancien temps.

Pour intégrer la troupe du Ballet royal, les danseuses commencent leur apprentissage très tôt. Les maîtresses de ballet devront enseigner les rôles aux enfants. Ce sera peut-être le rôle d’un roi, celui d’une reine, celui d’un prince, d’un géant ou de tout autre personnage du Ream-Ker. Mais, quel que soit le rôle, les maîtresses de ballet basent leur choix sur l’aspect physique et les qualités physiques des élèves.

Costumes

Dans les temps anciens, les danseuses du Ballet royal dansaient à moitié vêtues, comme les légendaires apsaras. Sa Majesté Preah Bat Ang Duong, qui régna sur le Royaume de 1841 à 1860, fit confectionner quatre costumes pour les danseuses. Par eux-mêmes, les étoffes et les bijoux qui habillaient les danseuses valaient une fortune. Or, argent, diamants et autres pierres précieuses ornaient les costumes de soie et de lamé de chacun des personnages.

Il fallait et il faut toujours beaucoup de patience et de soin pour la confection de chaque costume de danseur. À l’époque, il y avait de l’or et des pierres précieuses en abondance qui entraient dans la confection des costumes. De nos jours encore, la fabrication des costumes est un travail très délicat et parfois très long. La confection d’un costume d’un personnage principal peut prendre plusieurs mois.

Sa Majesté la reine Kossamak restera dans les mémoires comme celle qui a sauvé le ballet royal. Elle fut aussi la première à le moderniser en mettant en scène de nouvelles légendes, en concevant de nouveaux ballets, s’inspirant des bas-reliefs d’Angkor Wat qu’elle partait étudier soigneusement pendant de longues journées.

Sylvain Lim, costumier du ballet
Sylvain Lim, costumier du ballet

Aujourd’hui encore, la tendance se perpétue, mais les conditions sont plus difficiles. Sylvain Lim, costumier du ballet raconte :

« Il faut rendre la tradition plus moderne, c’est exact. Mais les méthodes ont changé. Nous sommes dans une autre phase. Même pour les matériaux… certains ont disparu et d’autres coûtent trop cher. Et, avec tout ce que nous trouvons actuellement.

« Nous essayons de nous rapprocher de l’ancien. Il n’est pas possible d’oublier l’ancien, c’est notre source d’inspiration. On ne peut pas oublier l’ancien. Mais, comme il est trop coûteux d’être complètement fidèle aux méthodes anciennes, nous gardons notre inspiration ancienne et utilisons des techniques plus modernes. Le fond reste toujours. La forme peut évoluer. Mais, à l’œil, il faut que le costume reste classique »

Les bijoux portés par les danseuses étaient aussi fabriqués et réparés par l’école des beaux-arts. Cela souligne encore combien les bijoux et masques font aussi partie de la tradition du ballet classique. Chaque bijou était une réplique exacte de ceux qu’on trouvait portés par les apsaras de pierre sur les murs d’Angkor. La fabrication des masques est aussi une vieille tradition, aussi ancienne que le ballet royal. Ils sont une part essentielle de la danse royale. Leur fabrication était aussi enseignée à l’école des beaux-arts.

Rôles

Les rôles féminins n’utilisent pas de masques. Par contre la plupart des rôles masculins utilisent un masque pour leurs caractères. L’accessoire le plus précieux parmi les costumes des danseurs, la couronne, est habituellement fabriqué en or. Les jeunes danseurs du Ballet royal devaient commencer très jeunes à s’entrainer pour pouvoir maîtriser les gestes de leurs rôles. Ils répètent ici, en face du palais royal, les gestes du dieu singe Hanuman et de son armée qui viendront à la rescousse d’un prince dont la fiancée a été enlevée par un géant.

À L’exception de quelques danseurs qui jouent le rôle d’animaux ou de comiques, tous les rôles, féminins ou masculins, sont assumés par des femmes. Sous le règne de Sa Majesté Kossamak, les artisans fabriquaient et réparaient les instruments de musique dans leurs ateliers situés au sous-sol de la salle de répétition Chanchhaya. La musique utilisée pour le ballet royal est jouée par un ensemble d’instruments à vent et de percussions. Certains des instruments ont traversé le temps tel le skor thom, déjà utilisé dans l’ancien temps.

À l’inverse des ballets occidentaux et des danses modernes, l’orchestre du ballet royal du Cambodge joue en fonction des mouvements des danseuses. Des partitions spéciales ont été créées pour certaines actions. Quant à l’histoire, elle est évoquée et chantée par des chorales. En général, instruments et voix ne se mélangent pas, chacun a un rôle spécifique, l’action avec la musique, l’histoire avec les voix.

Christophe Gargiulo

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