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Environnement : « Zéro déchet plastique » est-il possible au Cambodge ?

La récente période difficile qu’a connu le Cambodge et le ralentissement de l’économie a quelque peu occulté l’un des défis majeurs du royaume : réduire de façon drastique l’utilisation du plastique. L’un ne va pas sans l’autre alors que l’amélioration des conditions d’hygiène demeure une préoccupation commune dans la lutte contre ce fléau.

Décharge de Dangkor. Photographie Tum Malis/VOA Khmer
Décharge de Dangkor. Photographie Tum Malis/VOA Khmer

Tradition

Lang Teng et son épouse Him Chan Ouen vendent des légumes depuis plus de quarante ans. Ils possèdent deux étals totalisant quatre mètres carrés sur le marché de Boeung Keng Kang dans le centre-ville, là où les clients peuvent se faire couper les cheveux, acheter des articles ménagers, de l’épicerie, des produits de beauté, des vêtements… etc.

Lang Teng a ouvert son entreprise à Phnom Penh peu de temps après la fin du règne des Khmers rouges en 1979. Aujourd’hui, il se souvient comment les clients venaient au marché à l’époque, chacun avec un panier vide. Ils se déplaçaient de stalle en stalle, achetant les produits de base — légumes, viande, poisson, œufs — et fourrant les achats dans leurs paniers qui semblaient toujours avoir de la place pour un autre produit.

Jusqu’à la fin des années 1990, Lang Teng raconte :

« les vendeurs enveloppaient les articles dans des feuilles de bananier, et des cordes de jacinthe d’eau. Maintenant, nous ne voyons plus cela. »

Aujourd’hui, les gens vont au marché sans panier et rentrent chez eux avec des aliments et autres produits emballés dans des sacs en plastique. Même les gros blocs de glace sont protégés avec des sacs en plastique, un changement radical par rapport à la méthode traditionnelle consistant à attacher les blocs de glace avec des cordes de jacinthe d’eau pour les transporter.

marché de Boeung Keng Kang
Marché de Boeung Keng Kang. Photographie Christophe Gargiulo

Les Cambodgiens de cette génération se souviennent avoir vécu en produisant peu ou pas de déchets. Avec un revenu par habitant de 103 $, ils n’étaient donc pas de gros consommateurs. Ce qu’ils avaient, ils l’utilisaient au maximum et réutilisaient ou recyclaient ce qui restait. En avance, quelque part, ils menaient une vie « zéro déchet ».

Zéro Déchet ?

L’ONG « Zero Waste International Alliance – Alliance internationale pour Zéro Déchet » définit cette notion comme « la conservation de toutes les ressources grâce à une production, une consommation, une réutilisation et une récupération responsables des produits, des emballages et des matériaux sans brûler et sans rejet dans le sol, l’eau ou l’air et donc sans menacer l’environnement ou la santé humaine. »

Les habitants de Phnom Penh produisent chaque jour environ 3 000 tonnes de déchets solides, près de 60 % des déchets solides proviennent des ménages, suivis des hôtels et chambres d’hôtes (16,7 %), des restaurants (13,8 %), des marchés (7,5 %), des magasins (5,4 %) et des bureaux (1,4 %), indique une étude de 2018 publiée par le Programme des Nations Unies.

Les chiffres sont accablants et après les déchets alimentaires (63,3 %), le plastique est la catégorie la plus importante (15,5 %), suivi par les feuillages et le bois (6,8 %), et le papier et le carton (6,4 %).

Stratégie

Les autorités locales ont ouvert le site d’enfouissement de Dangkor en 2009, prévoyant qu’il absorberait des déchets pendant les 25 prochaines années. « Depuis son ouverture, la quantité de déchets entrant dans la décharge est passée d’environ 800 tonnes par jour en 2009 à 1 475 tonnes par jour en 2014, certaines prévisions estiment que cela passera rapidement à plus de 2 200 tonnes par jour », indique une étude publiée par The Asia Foundation.

La croissance rapide de la population, le recyclage encore artisanal et la croissance économique sont parmi les facteurs qui conduisent à une augmentation exponentielle de la quantité de déchets qui submergent la décharge.

Dans la stratégie et le plan d’action de gestion des déchets de Phnom Penh du gouvernement royal 2018-2035, l’accent est mis sur la gestion des déchets, la collecte, le transport et l’élimination des déchets. Le document de 166 pages publié en octobre 2018 souligne l’importance des « 3 R » (réduire, réutiliser et recycler les déchets) et la nécessité de promouvoir l’éducation des producteurs de déchets sur les méthodes d’élimination efficaces.

Concept difficile

« Ce concept zéro déchet est applicable dans les pays asiatiques, y compris le Cambodge, cependant, atteindre zéro déchet est un très long voyage », déclare Rajeev Rajeev Kuman Singh, chercheur à l’Institut des stratégies environnementales mondiales (IGES) au Japon. Il a travaillé comme consultant avec le gouvernement cambodgien pour la planification de la gestion des déchets.

Chrin Chhenglea, vendeur de viande porcine au marché de Boeung Keng Kang déclare que la réduction des déchets en plastique doit aussi venir de l’attitude des clients.

« C’est possible si cela commence par le comportement des clients », confie Chhenglea. « Les vendeurs comme nous ne veulent pas à priori distribuer de sacs en plastique ; il faut éduquer les acheteurs. Ils devraient apporter leur propre sac à provisions. »

Chhenglea ajoute qu’il serait plus efficace de promouvoir la réduction de l’utilisation du plastique sur des marchés comme Boeung Keng Kang, car de nombreux Cambodgiens fréquentent ce type de marché au lieu des grands centres commerciaux.

Associations

Les militants environnementaux et les ONG travaillent pour accroître la compréhension des 3 R. Beaucoup se concentrent sur la réduction des déchets plastiques.

At Sotheavy, fondatrice de « Think Plastic », une association de sensibilisation à l’utilisation du plastique et aux moyens de la réduire, pense que le Cambodge devrait d’améliorer sa gestion de base des déchets avant d’adopter la notion de zéro déchet.

« Je n’aurais jamais prévu d’être aussi radicale. Je n’y ai jamais pensé, je ne me vois pas du tout aller totalement vers le zéro déchet », déclare-t-elle.

Bien qu’At Sotheavy soutienne sans réserve l’idée de zéro déchet, elle s’interroge : « Comment pourrions-nous commencer à l’étape 10 alors que nous en sommes seulement aux étapes 1, 2 et 3 ? Nous venons juste de commencer à parler gestion des déchets. »

Des paniers, des feuilles de bananier et des cordes et des tiges de jacinthe d’eau pouvaient convenir aux Cambodgiens lorsque Lang Teng a commencé son activité, mais quatre décennies plus tard, le plastique est si bon marché et si pratique que des millions de sacs en plastique sont utilisés chaque jour à Phnom Penh.

Un rapport du PNUD indique :

« Tant que le pays ne dispose pas d’une infrastructure de gestion des déchets, le recyclage efficace des déchets plastiques au Cambodge est un gigantesque challenge »

Alors que le Cambodge doit mettre en place son système de gestion des déchets et réduire les déchets, les processus doivent être bien pensés, selon Nick Beresford, ancien directeur du PNUD au Cambodge. « Nous voulons pouvoir faire cette transition sans que le fardeau pèse sur les plus démunis », déclare-t-il.

« C’est vraiment le cœur de la question que nous examinons avec le gouvernement, car il est inutile d’interdire simplement l’utilisation du plastique, car nous n’avons pas d’alternatives particulièrement efficaces pour le moment », ajoute Beresford.

Importations, consommation responsable

Les importations de sacs en plastique en provenance du Vietnam et de Thaïlande se chiffraient à environ cent millions de dollars en 2018. L’engagement du gouvernement cambodgien de réduire l’utilisation des sacs en plastique de 50 % s’est traduit par la création en avril 2018 d’une facturation sur les sacs en plastique chez les commerçants afin de favoriser une consommation responsable. Il était également question de coopérer avec le Japon pour la création d’une usine de recyclage destinée à transformer les déchets plastiques en meubles et articles ménagers – et de coopérer avec la Chine pour la production d’énergie à partir des déchets, plusieurs projets qui sont toujours à l’état d’étude.

Quant à l’impact de la facturation des sacs plastiques, la mesure est appliquée dans les malls et supermarchés, elle l’est beaucoup moins dans les marchés et petits commerces de proximité.

Plusieurs groupes hôteliers travaillent déjà à éliminer les sacs plastiques et autres matériaux jetables dans ses opérations quotidiennes, avec le soutien de nombreuses organisations locales. De nombreux « Cleaning days » ou journées de nettoyage sont régulièrement organisées par les professionnels du tourisme et de la restauration.

Challenge

La consommation de plastique au Cambodge est fortement ancrée dans la vie de tous les jours au Cambodge. Rien qu’à Phnom Penh, environ 10 millions de sacs en plastique sont utilisés quotidiennement. Des vendeurs d’aliments aux détaillants de vêtements, la plupart des articles consommés sont emballés, emballés ou servis avec du plastique. La consommation de plastique est une réalité omniprésente à tous les niveaux de la chaîne d’approvisionnement.

Combiné à un manque d’infrastructures de gestion des déchets, le recyclage efficace des déchets plastiques au Cambodge demeure très compliqué.

Selon l’UNDP, compte tenu de l’ampleur et de la complexité du problème, « la lutte contre le plastique nécessitera une évaluation intersectorielle, la production et la promotion d’alternatives viables en plastique, le renforcement des capacités nationales et infranationales, des stratégies de communication efficaces et une meilleure éducation sur les questions environnementales. »

CG avec Sokummono Khan & Malis Tum — VOA Khmer & UNDP

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