De Phnom Penh à Paris : Le voyage et le triomphe du chef Sao Sopheak
- La Rédaction

- 9 oct.
- 6 min de lecture
Le chef Sao Sopheak était l'objet de toutes les attentions lors de la récente soirée de rentrée de la Chambre de Commerce et d'Industrie France-Cambodge. Le voyage en France de ce « chef étoilé » et sa victoire au Village International de la Gastronomie ont renforcé sa confiance et prouvé que la cuisine khmère pouvait séduire les Français, ce qui n'est pas rien quand on connaît la réputation mondiale de la cuisine française.

« C'était une belle expérience, à la fois difficile et incroyablement gratifiante. Bien que la compétition ait été féroce avec des concurrents sérieux, je suis resté fidèle à mes principes : qualité, originalité, authenticité et un peu d'audace », explique-t-il.
Aujourd'hui, le chef Sao Sopheak brille de mille feux sur les scènes culinaires cambodgienne et française. Son succès est le reflet de sa persévérance, de sa créativité et de son engagement passionné pour son héritage culturel. Sa récente victoire à ce prestigieux concours culinaire international en France marque une étape importante non seulement pour sa carrière personnelle, mais aussi pour l'élévation de la position de la cuisine khmère sur la scène gastronomique mondiale.
Des débuts modestes et une décision qui change la vie
Né et élevé à Phnom Penh au sein d'une famille très unie, Sao Sopheak a commencé sa vie davantage par nécessité que par ambition. Après avoir terminé l'école primaire, il a d'abord été apprenti chez son oncle, où il réparait des voitures. Bien que pratique, ce travail n'a pas éveillé sa passion.
« En 2005, j'ai pris une décision cruciale : quitter le monde de la mécanique pour entrer dans la cuisine trépidante d'un restaurant local. Avec un niveau d'anglais limité et sans formation culinaire formelle, j'ai commencé par le service, mais ma curiosité m'a rapidement poussé vers la cuisine, poussé par le désir de construire un avenir avec un nouvel ensemble de compétences », se souvient-il.
Sans le soutien d'écoles culinaires, Sao s'est essentiellement formé tout seul. Il a appris quelques techniques auprès de collègues expérimentés, de vidéos en ligne et de livres de cuisine, passant ainsi du statut d'apprenti cuisinier à celui d'artisan créatif.
Ses premiers postes importants ont été occupés dans des restaurants de Siem Reap, où l'exposition à de grands chefs et à des cuisines internationales a affiné son talent. Son passage au célèbre restaurant Sugar Palm lui a notamment permis de développer ses propres recettes et son propre style, et d'accéder en toute confiance au rôle de chef.
Un style unique ancré dans la tradition et l'innovation
La philosophie culinaire de Sao allie les saveurs cambodgiennes traditionnelles aux influences mondiales modernes. Il préconise des ingrédients frais et sains et des présentations innovantes qui racontent des histoires. Ses plats préférés, tels que la pastèque grillée au poisson séché, le Khor Trei (mérou poché dans une sauce cambodgienne caramélisée) et le canard fumé à la sauce jungle, incarnent son attachement à l'authenticité et à la créativité.
« Au-delà du goût, j'ai un sens esthétique aigu, inspiré par la photographie culinaire, qui me pousse à parfaire l'équilibre et l'impact visuel de chaque plat. Chaque assiette devient un voyage sensoriel soigneusement élaboré, invitant les convives à redécouvrir les saveurs khmères sous un jour nouveau », partage-t-il.
Premier voyage en France
Bien que Sao n'ait pas eu beaucoup de temps pour explorer Paris, c'est en découvrant la capitale française pour la première fois qu'il a loué sa beauté. En se préparant pour le concours, il admet avoir eu quelques difficultés à se procurer les ingrédients dont il avait besoin.
« Vous pouvez tout trouver, mais les prix sont assez élevés », dit-il.
Néanmoins, Sao a eu la chance de visiter une ferme particulière.

« Je suis fier d'être le premier chef cambodgien à avoir visité la ferme Sturia en Nouvelle-Aquitaine, en France. Ce fut une expérience incroyable qui m'a permis d'explorer et de comprendre l'un des ingrédients les plus luxueux au monde, le caviar, chéri par les chefs et servi dans les restaurants étoilés du monde entier. En tant que chef cambodgien et ambassadeur de Sturia, je me concentrerai sur l'innovation dans la cuisine cambodgienne, en créant des accords uniques qui mettent en valeur la richesse de notre patrimoine culinaire avec cet ingrédient extraordinaire, et en promouvant les saveurs cambodgiennes à l'échelle internationale », déclare-t-il.
Reconnaissance internationale et triomphe français
L'étoile montante de Sao Sopheak a rapidement gagné une reconnaissance internationale. Il a remporté une médaille de bronze au Thailand Ultimate Chef Challenge 2019 et a été acclamé pour son livre de cuisine, récompensé par le prix du meilleur livre de cuisine asiatique lors des Gourmet World Cookbook Awards 2022. Il a été nommé meilleur maître cuisinier lors des Best Awards 2024 à Singapour et, en 2025, il est devenu le premier ambassadeur du Cambodge pour le caviar Sturia.
Son récent triomphe en France l'a propulsé au rang de célébrité culinaire mondiale. Du 11 au 14 septembre 2025, le chef Sao a participé à la Private Chef World Cup qui s'est tenue au Village international de la gastronomie à Paris, sous la Tour Eiffel. La compétition a attiré des chefs de 62 pays, tous désireux d'impressionner les juges par leurs compétences, leur innovation et leur originalité.
Le thème du concours, « Prolonger l'été »,, mettait les participants au défi de créer un menu de trois plats à partir d'ingrédients identiques : Viande française, saumon, ail noir et huile d'olive, le tout cuit au barbecue en moins d'une heure. Ce qui a rendu la performance de Sao exceptionnelle, c'est son choix audacieux d'incorporer des éléments cambodgiens dans ces ingrédients, en créant des plats qui honorent l'identité culinaire khmère tout en s'harmonisant avec la tradition française.
Son menu gagnant comprenait une entrée de pastèque grillée à la sauce de poisson et au poisson séché, un plat principal de steak de bœuf enrichi d'aromates khmers et d'une sauce au prahok et au vin rouge, ainsi qu'un dessert intitulé « L'œuf dans son nid ». Le dessert comprenait une panna cotta à base de gelée de noix de coco et de citronnelle, un coulis de fruits de la passion et un brouillard d'azote qui a captivé l'imagination des juges grâce à sa créativité et à son raffinement.
Sao explique son approche :
« Je voulais montrer comment le prahok cambodgien peut compléter les traditions de la sauce française sans perdre son âme. Chaque plat respecte ses racines tout en parlant une langue internationale. »
Ce savant équilibre entre authenticité et innovation a été unanimement salué par le jury et les critiques gastronomiques.
Un impact au-delà du trophée
La victoire du chef Sao Sopheak marque un tournant dans le rôle de la cuisine cambodgienne sur la scène internationale. Elle remet en question l'idée selon laquelle l'Asie du Sud-Est n'est qu'une destination touristique pour les amateurs de cuisine plutôt qu'un centre d'innovation culinaire. Sa victoire signale un changement dans le pouvoir gastronomique mondial, où l'authenticité et l'identité culturelle sont reconnues comme les plus grandes sources de créativité et de valeur.

Sa collaboration avec des institutions telles que l'école professionnelle d'hôtellerie et de tourisme Paul Dubrule témoigne de son engagement en faveur de l'éducation et du développement professionnel dans l'industrie alimentaire cambodgienne. Grâce à des démonstrations culinaires en direct et au mentorat de la prochaine génération de chefs, Sao s'assure que son héritage inspirera beaucoup d'autres personnes.
Vie personnelle et vision
Malgré sa renommée internationale, Sao garde les pieds sur terre. Marié et père de deux enfants, il concilie sa carrière exigeante avec sa vie de famille et nourrit des passions pour la photographie culinaire et la vidéographie, des outils qui lui permettent de raconter des histoires à travers la nourriture.
Son histoire - d'apprenti mécanicien à Phnom Penh à chef de renommée mondiale à Paris - est celle d'une passion, d'une résilience et d'une curiosité sans fin. Il incarne le pouvoir de l'auto-apprentissage et de la fierté culturelle pour transformer des vies et élever des traditions entières.
Aujourd'hui, le chef Sao Sopheap est un véritable ambassadeur de la cuisine khmère moderne, éclairant la voie pour les chefs qui osent innover tout en honorant leurs racines. Son parcours et son triomphe en France représentent non seulement une réussite personnelle, mais aussi le début d'un nouveau chapitre de la gastronomie mondiale, où les riches saveurs du Cambodge gagnent à juste titre leur place sur la carte culinaire mondiale.















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