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Cambodge & Kampong Phluk : la Vie sur Pilotis

Accrochées sur les rives du Tonlé Sap, les maisons de Kampong Phluk semblent défier les lois de la gravité. Perchées sur leurs pilotis et s’élevant pour certaines à près de huit mètres du sol, ces drôles d’habitations se jouent des crues et décrues du Grand lac. Devenue depuis quelques années une importante destination touristique, cette bourgade de pêcheurs vit comme en équilibre, quelque part entre ciel et eau.

Accrochées sur les rives du Tonlé Sap, les maisons de Kampong Phluk semblent défier les lois de la gravité. Perchées sur leurs pilotis et s’élevant pour certaines à près de huit mètres du sol, ces drôles d’habitations se jouent des crues et décrues du Grand lac. Devenue depuis quelques années une importante destination touristique, cette bourgade de pêcheurs vit comme en équilibre, quelque part entre ciel et eau.

Les fabuleux temples d’Angkor, classés au Patrimoine mondial de l’UNESCO, attirent chaque année des visiteurs venus du monde entier. Mais la ville de Siem Reap et ses environs abritent pourtant bien d’autres merveilles, parfois surprenantes. Lassés des visites au pas de charge et forcément fragmentaires, de plus en plus de touristes désirent découvrir d’autres aspects de la vie locale, en dehors des sentiers battus. Les villages bordant les rivages du Tonlé Sap, dont celui de Kampong Phluk, font partie de ces destinations nouvellement prisées.

Maisons hautes

Certains de ces villages lacustres se situent en plein milieu du plus grand lac d’eau douce d’Asie du Sud-Est, poumon aquatique du Royaume. Leurs habitations colorées, semblables à des confettis que l’on aurait jetés par poignées, reposent sur des flotteurs les maintenant à la surface. Là n’est pas le cas de Kampong Phluk qui, décidément, ne fait rien comme les autres. Reliées au Tonlé Sap par un chenal et à la terre ferme par une route submergée la moitié de l’année, ses maisons en bois ont choisi les pilotis pour se reposer.

Le recours à un tel procédé n’est certes pas propre à ce lieu. Dans les campagnes cambodgiennes, et parfois en ville, il n’est pas rare de trouver des habitations reposant ainsi sur des poteaux. Ce qui frappe, ici, c’est la démesure du procédé, poussé à son extrême.

La respiration du lac

Lorsque, clôturant la saison sèche, abondent les eaux du Mékong, la superficie du Grand lac se trouve multipliée par cinq. Cette montée des eaux se traduit par un changement de niveau atteignant plusieurs mètres d’amplitude. La vitesse de crue et de décrue est fulgurante, de l’ordre de plusieurs centimètres par jour.

En l’espace de deux semaines, la rue principale se retrouve entièrement submergée, et les embarcations remplacent piétons et mobylettes. Le seul moyen d’accès aux habitations, bien à l’abri des eaux perchées sur leurs épieux, est le bateau, dont l’utilisation devient alors indispensable. Même les enfants, portant leur uniforme immaculé, se rendent à l’école sur leurs esquifs plus ou moins frêles, garant leurs embarcations et déposant leurs rames à l’entrée de l’établissement.

Le poisson dans tous ses états

Depuis quand existe-t-elle, cette agglomération, qui accueillerait, selon les estimations, un peu plus de 4 000 habitants ? Personne ne semble en mesure de fournir une date précise, « Il y a fort longtemps » demeurant la réponse faisant consensus. La vocation du village, elle, ne fait aucun doute : la pêche constitue l’activité première de ses habitants. Partant tôt le matin, les hommes rentreront tard dans l’après-midi, les filets chargés de poissons et les seaux emplis de crevettes.

« Cette année est très bonne pour nous » témoigne un pêcheur de retour d’une journée de travail. Déchargeant son bateau par pelletées, il explique le système économique qui régit son activité. « À la fin de la journée, la pêche est assemblée et triée sur les rives. Les femmes, qui se sont auparavant occupées du ravaudage des filets, nous rejoignent et nous aident à trier les poissons selon leur taille. Les plus petits seront utilisés pour la confection du prahok. Les plus gros, dont les prix peuvent monter assez haut en fonction de l’espèce à laquelle ils appartiennent, sont vendus à des intermédiaires, qui viennent tous les jours et repartent avec leurs remorques chargées. »

Vers un avenir meilleur ?

Une énorme majorité des habitants de Kampong Phluk vit donc de la pêche, sans pour autant en faire fortune. « Les conditions sont dures, le matériel coûte cher et le salaire n’est pas très élevé. Pourtant, nous aimons notre métier, c’était celui qu’exerçaient nos pères et nos grands-pères. Mais j’aimerais pourtant que mon fils puisse avoir d’autres horizons professionnels que celui-ci » témoigne Dara, dont les enfants plongent en riant leurs petites mains dans le poisson encore frétillant.

La situation de Kompong Phluk, qui demeure relativement accessible, car non loin des terres, n’est pas la pire. D’autres villages, perdus dans les replis du lac, manquent cruellement d’infrastructures basiques, et même d’eau et d’électricité. Pourtant les défis auxquels doivent faire face ses habitants restent une source de préoccupations majeures.

La vie en retrait

Située en marge de la société, l’agglomération, qui regroupe trois communes, ne dispose que d’un accès aux soins les plus basiques. Si un petit dispensaire répare les bobos du quotidien, une pathologie plus sérieuse requiert un trajet long et compliqué. Ici, pas de dentiste ni de maternité. Les risques liés aux maladies, aggravés par la précarité des conditions de vie, sont à prendre plus au sérieux que partout ailleurs. La collecte des eaux usées est inexistante, ainsi que celle des déchets, qui sont brûlés aux pieds des maisons.

L’éducation, jusqu’alors très en retard, s’est considérablement améliorée avec l’ouverture récente d’une classe de lycée. Mais tout se complique au sujet des études supérieures : la route pour se rendre à Siem Reap étant trop longue, les étudiants se voient contraints de trouver un logement en ville. Les coûts liés à un tel changement de vie en dissuadent plus d’un de poursuivre leur cursus.

Diversification des activités

Depuis une dizaine d’années, des embarcations chargées de visiteurs ont fait leur apparition, apportant aux habitants quelques revenus supplémentaires. Une industrie du tourisme s’est ébauchée, avec à la clé la création de nombreux emplois. S’émancipant des travaux ménagers, des femmes se sont reconverties en rameuses, promenant leurs passagers sous les cimes de la mangrove attenante. Un service de bateaux se charge quant à lui de mener les visiteurs sur les canaux de la ville, poussant le trajet jusqu’au seuil du Tonlé Sap.

Là, les globe-trotteurs en quête d’originalité visiteront des fermes aux crocodiles et trinqueront à la lueur du soleil couchant, admirant la silhouette des bateaux à longue queue se détachant sur le disque solaire. Cette économie du tourisme, loin de représenter une manne financière, permet néanmoins d’améliorer quelque peu le quotidien des habitants. D’autres se tournent, durant la saison sèche, vers l’agriculture, dont la pratique est facilitée par les terres limoneuses. En plein centre-ville, un jardin suspendu est en cours de construction, promettant d’accueillir une production assez conséquente (et spectaculaire) de légumes poussant dans le ciel.

Symbiose et osmose

L’équilibre délicat dans lequel évoluent les habitants de Kampong Phluk fait en quelque sorte partie de leur culture. « Nous sommes habitués à un mode de vie changeant, alternant entre périodes de submersion et d’assèchement. Nous ne luttons ni contre les éléments ni contre la nature. Nous nous adaptons aux conditions du mieux que nous le pouvons, avec un certain succès », raconte, en français, un ancien assis sur le haut escalier qui monte vers sa maison.

Récemment, les amateurs de science-fiction ont pu apercevoir sur grand écran le village, qui a servi de décor pour quelques scènes du film « Le créateur ». Le tourisme ainsi que des reportages ont attiré l’attention sur Kampong Phluk, entraînant dans la foulée la création d’ONG et d’écoles privées. Si le niveau de vie reste encore bien en-deçà de la moyenne nationale, une amélioration sensible est constatée. Reste à conserver une fragile harmonie, dans la toujours délicate équation comprenant le tourisme, la préservation des ressources naturelles et celle des traditions.


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