Chhin Sothy sera parmi les intervenants du prochain pop-up de la CCIFC ayant pour thème l'art contemporain au Cambodge. Comme beaucoup d’artistes de sa génération, Chhim Sothy a été marqué par le régime des Khmers rouges.
À l’arrivée des chemises noires, sa famille quitte son domicile de Takhmau pour s’exiler à Pursat. Enfant, Sothy continue à pratiquer son talent pour le dessin, mais officie désormais au charbon de bois ou sur le sable.
En 1979, sa famille compte ses morts ; son père, fonctionnaire d’état sous le régime de Lon Nol a été exécuté, son grand-père, un petit-frère et une petite-sœur ont suivi. Assis au milieu de cette pièce colorée, Sothy se souvient de ses années sombres ; son retour dans une capitale silencieuse en 1980, ses heures passées à couper les joncs dans les étangs de Takhmau afin de faire vivre les siens, et sa passion pour le Français.
« J’ai toujours voulu apprendre cette langue, alors après le boulot, je prenais des cours privés avec un vieux professeur survivant, que je payais en pots de riz », raconte Sothy.
En 1985, Sothy réalise son rêve et intègre les Beaux-Arts, à Phnom Penh. Comme de nombreux étudiants pauvres, il vit sur place. « Avant qu’un internat ne soit construit, on étendait nos hamacs le soir pour dormir dans les couloirs », se remémore-t-il, nostalgique.
Il passera dix ans dans ce lieu cher ; deux ans en peinture classique religieuse, deux ans en création d’affiches, puis cinq ans en peinture moderne, un cursus créé suite aux Accords de Paris.
« L’APRONUC faisait venir des professeurs étrangers, ils nous ramenaient des livres d’art ; j’ai découvert Monet, Manet, Picasso, Les Nabis, Les Fauves », énumère-t-il avec délice.
De 1995 à 1997, Sothy s’implique dans différents projets comme directeur artistique. Mais c’est le nouveau millénaire qui voit sa carrière décoller. Il expose aux autres coins du monde : Vietnam, États-Unis, Philippines, France, ou encore en Chine.
Son style, classique - fait de grands formats aux tons bleus ayant pour objet les récits légendaires du Reamker - est reconnaissable entre tous, mais le peintre veut surprendre.
« Je me suis passionné pour l’abstraction qui ne dit pas les choses, mais les laisse deviner », sourit-il.
Ce touche-à-tout poursuit son exploration, de l’univers impressionniste à l’expressionnisme, de la technique du Dripping de Jackson Pollock, aux Ready Made à la Marcel Duchamp. Si une recherche de spiritualité affleure toute son œuvre, Sothy s’est aussi intéressé plus récemment à des sujets tels que l’environnement, ou encore les inégalités sociales. « La vie d’artiste, c’est une vie d’imagination », philosophie-t-il, face à son chevalet, où il aime peindre tôt le matin, lorsque l’air est frais et la lumière claire.
Textes et photographies : Eléonore Sok
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