Cambodge & Solidarité : L’Initiative Humanitaire se Renforce au Fil des Jours
- La Rédaction
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Mi-décembre 2025, la solidarité envers les réfugiés cambodgiens du conflit frontalier avec la Thaïlande ne se contente plus de gestes symboliques : elle s’est structurée en véritable offensive humanitaire. Plus de 400 000 personnes ont été évacuées, les combats entrant dans leur deuxième semaine, et les besoins explosent en abris, eau, nourriture et soutien psychosocial.

Face à cette crise prolongée, ONG, État, secteur privé et communautés locales intensifient leurs réponses, en volume comme en sophistication.
Nouvelles Dynamiques sur le Terrain
Depuis le 11 décembre, le nombre de sites de déplacement a continué d’augmenter, dépassant 30 camps structurés dans au moins quatre provinces, avec une congestion marquée à Oddar Meanchey, Preah Vihear, Banteay Meanchey et Battambang. Des témoignages de femmes enceintes craignant d’accoucher dans les camps, relayés par la presse internationale, soulignent la vulnérabilité extrême de certains groupes et la nécessité d’un appui médical et psychologique continu. Les combattants des deux côtés poursuivent les échanges de tirs et les artilleries, tandis que les autorités thaïlandaises travaillent à rapatrier environ 6 000 de leurs ressortissants bloqués à la frontière fermée côté cambodgien.
Les organisations humanitaires rassemblées au sein du Humanitarian Response Forum (HRF) ont publié un nouveau situation report le 13 décembre, insistant sur l’ampleur inédite de la crise et la tension sur les capacités logistiques. Ce cadre de coordination encourage partage d’information, ciblage des zones rouges et harmonisation des standards de réponse (shelter, WASH, protection). Le gouvernement cambodgien, de son côté, réaffirme par communiqués que la suspension des passages terrestres vise à protéger les civils, alors que les communiqués thaïlandais accusent Phnom Penh d’escalade, signe d’un contexte politique lourd où l’humanitaire tente de rester neutre.
Titans Économiques : Dons Massifs et Logistique Immédiate
Le Royal Group of Companies, pilier de l’économie khmère, a annoncé le 10 décembre un don de 2 millions de dollars US via sa fondation, en partenariat avec Wing Bank. Ces fonds financent riz, tentes et médicaments pour 50 000 réfugiés dans six provinces affectées, avec des convois sécurisés déjà en route.
Pung Kheav Se, président du Canadia Group, a suivi le 12 décembre avec 3 millions de dollars personnels, priorisant familles déplacées et soldats à Oddar Meanchey. L’Association des Banques du Cambodge (ABC) prolonge ses engagements : virements gratuits via ABA et Wing pour la diaspora, et kits d’urgence distribués sur place. Ces initiatives montrent comment l’élite économique passe de la parole aux actes en 48 heures.
World Vision : Montée en Puissance de la Protection de l’Enfance
World Vision Cambodia est devenue l’un des acteurs centraux des derniers jours, en élargissant fortement son dispositif. Entre le 11 et le 14 décembre, ses équipes ont apporté un soutien direct à plus de 44 600 personnes dans 30 sites de déplacement, via des espaces amis des enfants, des services WASH d’urgence et la distribution de biens non alimentaires. Trente espaces dédiés aux enfants ont été mis en place ou renforcés, offrant activités éducatives, soutien psychosocial et zones sûres pour se protéger de la violence et du chaos ambiant.
En parallèle, 37 latrines et 19 réservoirs d’eau ont été installés dans les camps, tandis que 1 560 kits NFI (moustiquaires, couvertures, nattes) ont été distribués aux familles les plus exposées. Plus de 1 200 personnes ont suivi des sessions de sensibilisation psycho-sociale, cruciales pour gérer anxiété, traumatismes et stress post-traumatique. Le 16 décembre, World Vision a lancé un appel pressant à l’intention des bailleurs et partenaires pour un renforcement immédiat de l’aide, soulignant que l’ampleur de la crise dépasse largement les capacités actuelles, malgré l’engagement du gouvernement et d’autres organisations.
Croix-Rouge Cambodgienne : De l’Urgence à la Structuration
La Croix-Rouge cambodgienne (CRC), déjà très active dès les premiers jours de la crise, a formalisé sa réponse dans un cadre d’urgence soutenu par la Fédération internationale (IFRC). Une opération humanitaire spécifique est répertoriée au niveau international, soulignant que la CRC se dit « profondément préoccupée » par la reprise des affrontements depuis le 7 décembre et la détresse des civils. Cette opération vise la fourniture continue de riz, d’eau, d’articles de première nécessité et de services de santé dans les grandes zones de déplacement, avec une montée en puissance prévue si les combats se prolongent.
Les distributions d’« aide royale » se poursuivent et s’étendent : après les 3 600 familles initialement aidées à Oddar Meanchey, la couverture s’aligne progressivement sur les chiffres de près de 400 000 évacués, même si l’assistance reste encore en deçà des besoins agrégés. Les autorités de l’Intérieur et de la Défense continuent de coordonner les évacuations, tandis que les équipes CRC gèrent de plus en plus la logistique interne aux sites (enregistrement, priorisation des ménages vulnérables, prise en charge de certains blessés légers). L’inscription de la crise sur la plateforme d’urgence de la Fédération reflète un changement d’échelle : on n’est plus dans l’accident ponctuel, mais bien dans une crise prolongée aux frontières.

Éducation, Gouvernance et Aide ciblée aux Élèves
Les derniers jours ont également vu une montée en première ligne du Ministère de l’Éducation, de la Jeunesse et des Sports, signe que la solidarité ne se limite plus au strict vital. Le 14 décembre, le ministère a alloué plus de 10 000 dollars ainsi que des fournitures scolaires, des denrées alimentaires et d’autres biens essentiels aux élèves, familles et enseignants déplacés par les attaques. Cette aide à maintenir un minimum de continuité éducative et à prévenir le décrochage massif d’enfants coupés de leurs écoles.
Au-delà des chiffres, cette intervention éducative s’inscrit dans une logique de protection intégrée : combiner sécurité physique (abri, nourriture), accès à l’éducation et soutien psychosocial. Elle complète les espaces amis des enfants gérés par World Vision, Caritas et d’autres ONG, créant de facto une architecture de protection de l’enfance multi-acteurs dans les camps. En termes d’image et de gouvernance, le ministère montre ainsi que l’État ne se cantonne pas au sécuritaire et au sanitaire, mais prend en compte l’impact de long terme du conflit sur le capital humain du pays.
Secteur Privé et Charités Locales : Une Générosité Qui se Confirme
Les autorités provinciales, notamment le gouverneur d’Oddar Meanchey, soulignent que de nouveaux dons de nourriture, d’eau et de produits de base continuent d’affluer de la part d’entreprises locales et d’associations caritatives. Des reportages de terrain mettent en avant des distributions assurées par des compagnies agroalimentaires, des groupes de transport et des fondations d’entreprise, qui complètent les engagements déjà connus de géants comme Royal Group et Canadia Group.
Pour les familles réfugiées, ces dons se traduisent en sacs de riz, huile de cuisson, lait pour enfants et parfois petites enveloppes de cash permettant de couvrir des besoins spécifiques.
Parallèlement, des organisations religieuses telles que Caritas Cambodia poursuivent et adaptent leurs actions, mettant l’accent sur le soutien psychosocial, les espaces amis des enfants et le suivi à long terme des traumatismes. Dans certains camps, leurs équipes travaillent en synergie avec World Vision et d’autres acteurs, afin d’éviter les doublons et de cibler les poches les plus négligées. Cette combinaison entre mécénat d’entreprise, charité locale et ONG confessionnelles renforce la profondeur de la réponse, en allant au-delà de la simple aide matérielle vers une véritable attention à la dignité des personnes déplacées.
Une Crise qui S’installe, une Solidarité qui s’Organise
Alors que les affrontements entrent dans leur deuxième semaine, les évacués frôlent ou dépassent les 400 000 personnes, et la tendance reste à la hausse. La situation sécuritaire demeure instable et imprévisible, tant selon les live blogs régionaux que les alertes de sécurité émises aux ressortissants étrangers. Dans ce contexte, la solidarité cambodgienne ne faiblit pas : au contraire, elle se professionnalise, se coordonne et tente de passer de la charité d’urgence à une réponse structurée, capable de durer.
Les possibilités de cessez-le-feu restent incertaines, malgré les pressions internationales, mais la société civile, le secteur privé, les ONG internationales et les institutions publiques continuent d’ériger un rempart humanitaire autour des familles réfugiées. La crise révèle un Cambodge meurtri mais remarquablement uni, où l’élan de solidarité, loin de se dissiper après la première vague d’émotion, gagne en profondeur et en organisation à mesure que les jours passent. Dans les camps, cet engagement se traduit chaque jour par un repas chaud, une classe improvisée, un kit d’hygiène ou un espace de jeu sécurisé – autant de petites victoires arrachées à la brutalité de la guerre.



