Il est l’image même de l’expatrié qui s’épanouit, que ce soit aux USA ou en Cambodge, Arnaud Kebaili est un jeune Français au parcours insolite qui part des ciels de Californie aux prairies fertiles du Mondolkiri. Son ambition : faire du Royaume un producteur de vanille de premier plan. Entretien autour du fameux « business lunch » du Topaz.
Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Je m’appelle Arnaud Kebaily, j’ai 33 ans. Je suis originaire de Paris. J’ai suivi des études de Business Administration aux USA et je suis parti ensuite sur une école de pilotage, car c’était une passion depuis l’enfance. Je voulais devenir pilote d’avion. J’ai obtenu mes licences de pilote là-bas entre 2011 et 2014.
J’ai ensuite travaillé un peu à Miami, en tant que pilote, et instructeur de vol surtout. Une fois que tu passes tes diplômes, ce qu’il te faut, c’est acquérir des heures de vol, trouver un boulot. Toutefois, en tant qu’étranger aux USA, tu n’es pas le premier sur la liste pour être embauché. Donc, je faisais de petits jobs à côté, comme proposer des vols pour les touristes à Miami, des vols en Cessna d’une demi-heure, une heure. Cela me plaisait, c’était vraiment sympa.
Puis, j’ai dû sortir du pays, faire un petit tour au Panama pendant cinq jours pour des histoires de visa. Et du coup, un ami que j’avais rencontré en Floride, un Français qui s’était expatrié au Cambodge, m’a contacté en 2014 et demandé si j’étais intéressé à travailler pour une nouvelle compagnie aérienne qui s’installait dans le Royaume. C’était en 2014 et je me suis tout de suite rendu sur place.
Connaissiez-vous déjà le Cambodge ?
Pas du tout, je connaissais un peu la Thaïlande. J’y étais allé avec les parents il y a longtemps. Mais je ne connaissais pas le Cambodge. J’ai obtenu le poste et j’ai commencé à travailler pour Bayon Airlines fin 2014.
En quoi consistait votre travail ?
Je naviguais sur un petit courrier, un avion de fabrication chinoise - similaire à un ATR 42 -. Cela impliquait pas mal de sessions de formation en Chine. Il faut savoir que pour piloter un avion, il faut avoir une certification et cela s’applique à chaque type d’appareil.
Vos impressions sur le Cambodge lors de cette première expérience ?
Je trouvais ça super. J’avais vraiment une grande liberté. Toutefois, à mon arrivée, je n’habitais pas dans le meilleur des quartiers. Aprés, j’ai découvert Boeng Keng Kang 1 et j’ai alors découvert un côté un peu plus développé de la ville. Mais oui, très sympa. De surcroît, en tant que pilote je bénéficiais d’un bon salaire et c’était plutôt la belle vie. Ça a duré cinq ans.
Et ensuite, après Bayon Airlines ?
Ils ont fermé en 2019 et je suis rentré en France pendant an et demi. J’ai travaillé un peu en famille dans l’immobilier commercial. Ce n’était pas facile, il a fallu se réadapter après dix ans d’expatriation. Puis le Covid est arrivé et quand le Cambodge a rouvert ses frontières, j’ai décidé de revenir en novembre 2020.
Quel type d’activité cette fois-ci ?
Je me suis aventuré dans la restauration de rue avec un petit concept de burger chinois, le Roujiamo, que j’avais découvert pendant mes voyages en Chine. Je me suis dit que c’était un concept qui pourrait certainement être franchisé. Ça n’a pas fonctionné pour plusieurs raisons. Ensuite, je me suis lancé dans un projet d’exploitation de vanille avec un ami pilote de longue date qui est à l’origine de ce projet pilote.
Pourquoi avoir choisi la vanille ?
D’abord, il n’y a pas grand monde qui produit localement et je crois sincèrement qu’il existe une demande pour de la vanille naturelle. Étant un pays avec un climat et un relief favorables pour ce type de culture, n’y a pas de raison que le Cambodge ne puisse pas en produire, même à grande échelle, localement et pour les pays de la région.
Nous avons commencé à planter fin 2022 après avoir installé la plantation dans le Mondolkiri. Pour l’instant, nous n’avons pas encore de grosse récolte, c’est trop tôt, nous aurons seulement entre dix et quinze kilos cette année, l’objectif étant à terme de parvenir à produire entre 1,5 et 2,5 tonnes à l’hectare. Donc on peut espérer avoir une belle récolte fin 2025.
Parlez-nous de l’entreprise
La société s’appelle Demeter Plantation Management et nous sommes trois associés. Mon ami Simon qui est dans la recherche et le développement, un Tahitien qui est un authentique expert de la vanille, un vrai pro qui produisait déjà de la vanille à petite échelle à Kandal, et moi-même qui suis plutôt dans la gestion et l’administration de l’entreprise. Pour le moment, nous avons un hectare et demi de planté avec une dizaine d’employés.
Comment voyez-vous le marché de la vanille au Cambodge ?
Il y a une demande locale qui grandit, notamment avec les restaurants de bon standing, les épiceries fines et les pâtisseries de qualité. Sans oublier l’utilisation de la vanille dans les cosmétiques. Je crois que les tendances actuelles s’éloignent des produits de synthèse dans ces secteurs pour se tourner vers l’utilisation de produits naturels. Plusieurs restaurateurs ont goûté notre vanille et se sont montrés plutôt enthousiastes.
« Notre ambition est de faire du Mondolkiri la province de la vanille, car cette région reste encore assez inexploitée et produit déjà des fruits, légumes et plantes qui rencontrent un certain succès. »
Outre ce projet, notre entreprise propose une activité de conseil, sur la construction et l’exploitation de plantations, l’idée étant de proposer un service clé en main à d’éventuels investisseurs et agriculteurs qui souhaiteraient diversifier leurs activités. Dans ce cadre, nous nous occupons de tout, de A à Z. Nous construisons la plantation, formons le personnel, gérons l’exploitation et commercialisons le produit. Au final, l’idéal serait d’avoir plusieurs producteurs et ainsi d’obtenir à terme une indication géographique pour la vanille du Mondolkiri. Donc, si quelqu’un veut investir et participer à la création de l’industrie de la vanille au Cambodge, c’est vraiment là que ça m’intéresse.
Pour l’instant, nous avons la plus grosse plantation en termes de surface et l’objectif de la société serait d’avoir plus de surface en exploitation.
D’autres activités ?
Nous nous sommes également lancés dans la production de melons avec des objectifs de production d’une tonne par semaine.
Que fait Arnaud pendant ses loisirs ?
Je joue depuis longtemps au tennis et bien plus régulièrement depuis que je suis au Cambodge. Autrement, je voyage pas mal dans le pays. Ce qui me manque un peu, c’est la possibilité de pratiquer les sports motorisés, course automobile, moto ou même balade en avion.
Qu’est-ce que vous aimez le plus, et le moins, au Cambodge ?
Ce que j’aime le plus, ce serait cette sensation de liberté que je ressens au quotidien. Ce que j’ aime le moins, ce serait la circulation et certaines méthodes de conduite (sourire). Mais, pour conclure, au final, la France me manque un peu moins depuis que je vis au Cambodge.
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