top of page
Ancre 1

TSA – Sanctions économiques : La Commission Européenne inflexible

Retrait…

La suédoise Cecilia Malmström, commissaire européenne chargée du commerce, a indiqué sur le blog officiel de la Commission européenne qu’elle et la représentante de l’Union Européenne (UE), l’italienne Federica Mogherini, avaient officiellement informé le Cambodge du processus de retrait de son traitement commercial préférentiel dans le cadre du régime «Tout sauf les armes» (TSA).

La suédoise Cecilia Malmström, commissaire européenne chargée du commerce

La suédoise Cecilia Malmström, commissaire européenne chargée du commerce


Insensible

La commissaire semble donc rester insensible aux nombreuses réactions locales qui ont suivi la mission européenne de juillet dernier dans le royaume. Professionnels, syndicats cambodgiens et représentants consulaires avaient protesté d’une même voix contre les effets négatifs très probables sur l’économie du pays et les répercussions sociales d’un éventuel retrait du régime préférentiel.

L’Union européenne et le Cambodge avaient aussi réaffirmé en mars 2018  leur engagement à renforcer les liens économiques et à soutenir l’intégration du pays dans les chaînes d’approvisionnement régionales. L’engagement avait été pris lors de la 10ème réunion du Comité mixte entre le Cambodge et l’UE.

Dernier recours

A l’issue de la mission de juillet, Cecilia Malmström indiquait dans un communiqué de presse : ”…Le retrait du Cambodge du système d’échange préférentiel ne serait qu’un ”…dernier recours…le Cambodge a tout de même réalisé un développement réel en termes d’économie et de droits sociaux…Personne ne peut nier les réalisations et les progrès réalisés dans le Royaume, en particulier au sujet du développement et de la croissance économique. En outre, la démocratie progresse, même si elle n’est pas aussi rapide que l’UE le souhaite….”.

Arguments aujourd’hui :

Cecilia Malmström

Rappel : Cette dernière a été proposée comme Commissaire européenne chargée du Commerce en septembre 2014. Sa principale mission est de finaliser le partenariat transatlantique de commerce et d’investissement, l’accord commercial entre l’Union européenne et les États-Unis, ainsi que l’accord commercial entre l’Union européenne et le Canada. Cette mission qui se déroule dans le secret des négociations avec les représentants des États-Unis a fait l’objet d’amples manifestations en Allemagne et en Belgique. En effet, ses détracteurs lui reprochent de favoriser les intérêts des lobbys aux dépens des consommateurs.

Concernant le Cambodge, dans son texte de vendredi, la commissaire européenne reprend strictement les leitmotivs qui ont, officiellement, guidé la position de la Commission Européenne au début :

”…Notre récente mission de l’UE dans le pays a montré des violations graves et systémiques de la liberté d’expression, des droits des travailleurs et de la liberté d’association…Cela s’ajoute à des problèmes de longue date en matière de droits des travailleurs et d’accaparement des terres…Comme je l’ai souligné à plusieurs reprises, notre politique commerciale doit être guidée par nos valeurs. En conséquence, lorsque nous sommes confrontés à un mépris flagrant de ces valeurs, l’Union européenne doit agir…”.

Elle ajoute : ”…Au Cambodge, nous assistons à des développements très troublants avec une nette détérioration sans améliorations convaincantes à venir…Tout au long de ce processus, un espace de négociation et de dialogue sera prévu avec le pays. Nous tiendrons également les états membres de l’UE informés des prochaines étapes…”, avant de conclure : ”…Nous ne sommes pas encore au bord du précipice, et il est encore temps pour le Cambodge de se rattrapper….Cependant, les conséquences du parcours de ce pays sont à présent clairement visibles…”.

Federica Mogherini

Federica Mogherini, haute représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, a co-signé la notification officielle de la procédure de sanction contre le Cambodge. La représentante est l’ancienne ministre des ministre des Affaires étrangères du gouvernement Matteo Renzi. Elle est aussi deuxième vice-présidente de la Commission européenne. Ses positions récentes connues à l’égard du Cambodge remontent à décembre 2017. Cette dernière avait appuyé, avec six pays de l’Union, la requête de l’Italie appelant à des restrictions sur la quantité de riz importé du Cambodge en raison des difficultés économiques des riziculteurs italiens.

Federica Mogherini, haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité

Federica Mogherini, haute représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité


Concernant la situation politique au Cambodge, la représentante avait déjà en septembre dernier fait part d’exigences : ”…Nous exhortons les autorités cambodgiennes à abandonner toutes les charges à l’encontre de militants pour des motifs politiques et à lever l’interdiction d’activité politique de 118 membres de l’opposition. Les conseillers locaux de l’opposition élus en juin dernier 2017 devraient être réintégrés…”, ajoutant : ”…nous attendons des autorités cambodgiennes qu’elles rétablissent la liberté du débat politique et de la concurrence et respectent l’espace pour une société civile libre et indépendante…”. Ces déclarations avaient alors provoqué quelques réactions pesées du côté du gouvernement : ”…Il s’agit de chantage guidé par un agenda politique et d’une atteinte à notre souveraineté…”, avait tout de suite déclaré Sok Eysan, porte-parole du parti au pouvoir.

Positions locales

Georges Edgar

Lors d’une rencontre avec le Club des journalistes cambodgiens jeudi dernier, l’ambassadeur de l’UE au Cambodge, George Edgar vantait les mérites de cet accord préférentiel. Devant les journalistes, l’ambassadeur a déclaré : ”…L’accès au marché européen a entraîné un développement rapide des industries exportatrices du Cambodge…ce régime préférentiel a permis au pays d’obtenir un avantage concurrentiel substantiel, de développer l’économie et de créer des emplois…”.

Ironie du calendrier, cette position de l’ambassadeur en faveur du régime préférentiel intervient 24 heures avant la publication du texte de Cecilia Malmström. C’est aussi durant ces dernières 24 heures que syndicats, patrons du textile et gouvernement se sont mis d’accord pour une augmentation des salaires dans ce secteur-clé directement menacé par la position de la Commission Européenne.

Rencontre européenne avec le Club des Journalistes Cambodgiens

Rencontre européenne avec le Club des Journalistes Cambodgiens


Précédemment, Cambodge Mag s’était également fait l’écho des réactions, notamment des syndicats, qui indiquaient : ”…Nous exhortons ‘l’Union Européenne à maintenir le régime Tout sauf les armes au Cambodge afin que nos familles aient des emplois, de meilleures conditions de travail, et la liberté syndicale au Cambodge…”.

Dans une longue interview  sur ce sujet, le Président de la Chambre de Commerce Européenne au Cambodge, Arnaud Darc, déclarait : ”…A mon avis, si ces discussions aboutissent dans le sens d’une suspension des facilités accordées au pays dans ses échanges commerciaux avec l’Europe, cela affectera directement les investissements européens et, plus généralement, le bien-être de la population…”.

Chheang Vun

Plus récemment, le porte-parole de l’Assemblée nationale, Chheang Vun, déclarait que la proposition du Parlement européen sur le retrait du régime «Tout sauf les armes» ne reposait pas sur des principes de démocratie et de droits de l’homme au Cambodge : ”…Il s’agit d’une manoeuvre commerciale de l’Italie, qui a perdu des parts de marché sur le riz en Europe en raison de l’exportation de riz cambodgien vers le marché de l’UE…le retrait du régime préférentiel a été proposé par l’ancienne ministre italienne des Affaires étrangères, Federica Mogherini. Cette dernière souhaite sécuriser le marché italien du riz en exhortant l’UE à supprimer le régime préférentiel du Cambodge…”.

Som Aun

Enfin, à l’annonce de vendredi, Som Aun, président de la National Union Alliance Chamber of Cambodia, a déclaré à la presse locale que les travailleurs cambodgiens dépendaient du secteur de l’habillement et de la chaussure pour leur subsistance et qu’ils ne devraient pas avoir à subir de revers en raison d’une sanction motivée par des raisons politiques : …”Nous demandons instamment à l’Union Européenne d’examiner attentivement l’impact de la suppression du régime préférentiel, susceptible d’affecter directement l’emploi et les moyens de subsistance des travailleurs et de leurs familles…”, a-t-il déclaré.

Le Premier ministre Hun Sen lors de la 73ème Assemblée générale des Nations Unies

Le Premier ministre Hun Sen lors de la 73ème Assemblée générale des Nations Unies


Hun Sen

Sans citer nommément l’Union Européenne, le Premier ministre Hun Sen a, lors de son récent discours à la 73ème Assemblée générale des Nations Unies, déclaré que ”…Nous regrettons de tout cœur de souligner que les droits de l’homme de nos jours sont devenus une mission pour imposer la civilisation par certaines grandes nations…l’imposition de sanctions unilatérales est devenue une arme populaire de ces nations dans la gestion de leur politique internationale, complètement dictée par leurs programmes géopolitiques…”.

Opposition

Si les petits partis d’opposition locaux n’ont pas réagi, Sam Rainsy, ancien leader du CNRP, a largement partagé les récentes déclarations européennes sur les reseaux sociaux. Ce dernier n’a en effet jamais caché sa position en faveur de sanctions économiques contre le régime d’Hun Sen. A la tête d’une délégation, Sam Rainsy était invité le 12 septembre dernier au Parlement Européen. Sur France 24, il déclarait le même jour : ”…trop, c’est trop, il faut des sanctions contre le régime. Il faut les appliquer progressivement et je pense que ces sanctions seront efficaces…Hun Sen sait que son régime ne peut pas survivre à l’imposition de droits de douane sur les échanges commerciaux avec l’UE, les principaux marchés d’exportation du Cambodge. Il doit faire tout ce qui est nécessaire pour éviter ce scénario et rétablir la démocratie….”.

Commission européenne

Quelques explications pour éviter les confusions entre les différentes entités politiques et administratives de l’Union Européenne :

La Commission européenne est l’une des principales institutions de l’Union européenne. Sa fonction principale est de proposer et de mettre en œuvre les politiques communautaires. Gardienne des traités, elle veille à leur application et jouit d’un quasi-monopole du droit d’initiative dans le domaine des compétences exclusives de l’Union, comme l’union douanière, le marché intérieur, la monnaie unique.

La commission est dotée d’autres compétences, comme la négociation des accords de commerce et d’association avec les États tiers, l’établissement de l’avant projet de budget et la gestion des fonds communautaires. 28 commissaires, nommés sur proposition des gouvernements des États membres, forment cette commission. Nommés pour cinq ans, ils sont choisis, en principe, en raison de leur compétence générale.

Siège de la Commission européenne, Bruxelles

Siège de la Commission européenne, Bruxelles


Lobbys

A plusieurs reprises, la Commission a été accusée d’avoir son champ d’action limité par l’influence non négligeable des groupes d’intérêt. Selon le Corporate Europe Observatory, entre 15 à 30.000 personnes travaillent à Bruxelles pour le compte de lobbys, dont 70 % pour le secteur privé.

La Commission agit indépendamment des gouvernements des États membres. Elle partage les pouvoirs exécutif et législatif avec le Conseil de l’Europe. C’est important car cela signifie que la décision de retrait du régime préférentiel pour le Cambodge, ou tout autre pays, est techniquement possible sans l’accord ou le vote des états membres de l’Union.

Les seules possibilités de recours du parlement européen contre des sanctions vers des pays tiers comme le Cambodge restent la pression diplomatique ou un droit de véto, ce dernier ne pouvant toutefois s’appliquer qu’à la gestion globale de la Commission Européenne.

Origines du désaccord sur le régime préférentiel

Les polémiques liées au régime préférentiel remontent à 2010 alors que l’UE était critiquée par des ONG humanitaires pour son soutien à divers projets agro-industriels. La polémique s’était ensuite atténuée alors qu’un comité conduit par des représentants des communautés lésées, l’ambassadeur de l’UE de l’époque, les industriels  et des membres de la Commission européenne avaient proposé des mesures de compensation. Ce n’est que depuis les élections de juillet 2018 que les menaces de sanctions sévères se sont largement révélées et qu’un processus s’est très rapidement mis en place.

Experts et analystes : risques de récession

Anwita Basu

Pour Anwita Basu, consultante-analyste à l’entreprise réputée Economist Intelligence Unit, sans des programmes comme le régime TSA, l’économie cambodgienne pourrait sombrer dans la récession. Pour des raisons humanitaires et géopolitiques, Anwita Basu ne croit pas que le régime TSA sera révoqué : ”…Les puissances occidentales ne veulent pas pousser complètement le Cambodge dans la sphère chinoise…”, souligne-t-elle dans newnaratif.com, ajoutant que :  ”…je pense que le rôle de la Chine dans l’économie cambodgienne, tel qu’il se présente actuellement, a été exagéré, mais le potentiel d’un engagement plus profond avec la Chine est très élevé…”.

Alors que les puissances occidentales telles que l’UE se méfient de l’influence économique de la Chine, Anwita Basu affirme que la véritable crainte réside dans son positionnement stratégique dans la région.

Astrid Noren-Nilsson

Pour Astrid Noren-Nilsson, politologue et auteure de l’ouvrage ”Cambodia’s Second Kingdom: Nation, Imagination, and Democracy”, le Cambodge n’est pas le seul pays mis en cause concernant les droits de l’homme. Elle critique également le manque de cohérence de l’UE dans l’application de sanctions.

Selon Noren-Nilsson, l’UE préférera sans doute recourir à des moyens de dissuasion plutôt qu’à des sanctions concrètes, dans l’espoir que la menace de révocation du TSA suffira à influencer le gouvernement de Hun Sen.”…L’UE utilise le seul véritable levier qu’elle a sur le gouvernement cambodgien à l’heure actuelle : l’accord TSA…”, indiquait-t-elle dans newnaratif.com à l’annonce de la première résolution.

Robertson de Human Right Watch,  souligne que le processus de prise de décision n’est pas simple. Il déclare que la décision fait partie d’un processus en cours qui ”….tiendra compte des intérêts des travailleurs cambodgiens…”, sans donner de détails sur ce dernier point.

Antécédents et efficacité

Le régime Tout sauf les Armes  accordé par l’Union concerne 19 pays dont le Cambodge. Depuis son entrée en vigueur le 5 mars 2001, l’Union Européenne n’a suspendu ses accords préférentiels que dans trois pays: la Biélorussie, le Myanmar et le Sri Lanka.

Le Sri Lanka a été temporairement suspendu du régime préférentiel pour violation des droits politiques pendant la guerre civile – un cas bien plus grave que le Cambodge. Le régime préférentiel a été rétabli en 2017.

Suspendu du TSA en 1997, le Myanmar a retrouvé les bonnes grâces de l’UE depuis 2013 en reconnaissance des ”…efforts déployés par le pays pour améliorer l’environnement politique, social et du travail…” – des efforts qui, avec la crise Rohingya et les arrestations de journalistes, ne semblent pas avoir été couronnés de succès. Le Myanmar est à présent également menacé du retrait du régime préférentiel aux côtés du Cambodge, dans la même déclaration rédigée par Cecilia Malmström.

Importance des liens Cambodge-Union Européenne

Chiffres

L’Union Européenne est la principale destination des exportations du Cambodge. Elle représente 40% de toutes ses exportations. Celles-ci ont fortement augmenté ces dernières années, augmentant de 227% entre 2011 et 2016.

En 2017, le commerce total entre le Cambodge et l’UE s’est élevé à 5,86 milliards d’euros. Mais le Cambodge en est le principal bénéficiaire, avec environ cinq milliards d’euros d’exportations vers l’UE. Les exportations cambodgiennes sont dominées par les vêtements, les chaussures et les produits agricoles.

L’UE a exporté près de 851 millions d’euros de marchandises vers le Cambodge en 2017. Les principales exportations de l’UE vers le Cambodge sont les machines, le matériel de transport et les produits agricoles.

La valeur des exportations du Cambodge vers l’Europe atteint 25% du produit intérieur brut du Cambodge. L’UE est le deuxième partenaire commercial du Cambodge après les États-Unis.

Le Cambodge est maintenant le deuxième pays parmi tous les bénéficiaires de l’initiative TSA en termes de volume d’échanges parmi les 19 bénéficiaires.

De nombreuses entreprises du pays opèrent en tant que sous-traitants de grandes marques telles que Adidas, Gap, H & M, Marks & Spencer et Uniqlo.

Dans le textile, après l’Union Européenne, viennent ensuite les États-Unis (30%), le Canada (9%) et le Japon (4%).

Travailleuses du textile à Phnom Penh. Photographie ILO (CC)

Travailleuses du textile à Phnom Penh. Photographie ILO (CC)


L’industrie du vêtement est essentiellement dominée par des entreprises à capitaux étrangers, principalement des pays voisins tels que la Chine, Hong Kong, Singapour, la Malaisie et la République de Corée. L’association avec des entreprises de confection ou des marques étrangères appartenant à des étrangers offre à l’industrie du textile au Cambodge un important canal d’accès à la chaîne de valeur mondiale de l’habillement.

Avec plus de 600 usines et environ 700 000 employés et ouvriers, le textile reste le premier secteur d’emploi du royaume.

La main d’oeuvre au Cambodge est moins chère que la plupart des concurrents régionaux, à l’exception du Laos et du Myanmar. Le salaire minimum mensuel du pays reste le plus compétitif par rapport à la Thaïlande (250 USD),  il ne l’est plus par rapport au Vietnam.

Selon Eurocham, le tarif préférentiel pratiqué pour les produits finis exportés du royaume vers l’Europe a un impact social très fort. C’est l’une des clés qui a permis au pays d’améliorer la situation des petits revenus, et de participer à la réduction de la pauvreté. D’augmenter le salaire minimum mensuel n’aurait pas été possible sans cette mesure. Il y a seulement cinq ans, le salaire minimum plafonnait à 61 dollars US, à peine de quoi subvenir aux besoins quotidiens.

Au delà des chiffres, ”….L’Europe a joué un rôle essentiel qui va au-delà de simples mesures de soutien. L’Europe est un sponsor de la reconstruction et de la paix, un donneur à travers son assistance à différents programmes, et un partenaire commercial. Avec les entreprises européennes présentes au Cambodge, le royaume bénéficie d’une plus-value qui ne se mesure pas seulement en terme de revenus fiscaux et d’emplois, mais aussi en terme de formation, d’ouverture et de rayonnement…”, ajoute son président Arnaud Darc.

Menaces sur le textile et le riz

L’industrie textile avoisine globalement  sept milliards de dollars US, tous clients confondus.

Certains dirigeants syndicaux estiment que des emplois dans l’industrie du vêtement sont en jeu si des sanctions sont imposées au Cambodge. ”…Ce seront les travailleurs des usines de confection qui seront les plus touchés, car ils comptent uniquement sur leurs petits salaires pour joindre les deux bouts…”, a déclaré Ath Thon, président de la Coalition des travailleurs démocrates cambodgiens du secteur du vêtement.

Beaucoup d’entre eux sont endettés et, s’ils perdent leur emploi, ils devront faire face à de sérieux problèmes.

Riziculteurs au Cambodge. Photographie Brad Collis (CC)

Riziculteurs au Cambodge. Photographie Brad Collis (CC)


Le sujet est moins abordé mais les exportations de riz cambodgien vers l’Union risquent aussi d’être affectées par cette sanction. Les exportations de riz cambodgien vers l’Europe constituent 40% des exports du secteur.

Dilemme Cambodgien

Il semble difficile de prédire la suite des événements tant la menace de sanctions affectant deux secteurs sensibles de l’économie cambodgienne semblait non pas impossible mais peu probable.

Paradoxes

Alors l’un des principaux artisans de la reconstruction du pays martyr, l’Europe – ou plus précisément la Commission Européenne risque, au moins en termes purement économiques, de devenir l’artisan d’une récession. Paradoxal, car la croissance vigoureuse de ces dernières années a largement été portée par les efforts de l’Europe. Paradoxal, car les Européens sont à la recherche de partenariats locaux et cherchent à contrecarrer l’hégémonie de la Chine qui se profile ouvertement dans cette région du monde. En retirant le régime préférentiel, il est très probable que le gouvernement se tourne alors vers son ”ami d’acier” pour faire face aux chocs économiques sectoriels qui risquent de se succéder.

Chocs économiques car, bien qu’étant un secteur stratégique de l’économie du royaume, l’industrie textile est celle dont la croissance a été la moins dynamique au profit du tourisme et de l’immobilier ces deux dernières années. Bien qu’il soit envisageable à terme, pour des raisons économiques, de supprimer progressivement le régime préférentiel, le royaume n’a pas encore suffisamment diversifié son industrie pour absorber ce type de mesure-sanction immédiate. En clair, il est trop tôt, le Cambodge a encore besoin de son industrie textile et l’imposition de taxes lui fera instantanément perdre ses avantages par rapport à ses concurrents voisins. Et, les premiers touchés seront les travailleurs du secteurs et leurs familles.

Diplomatie

Peut-on envisager une telle mesure aux effets économiques et sociaux sans passer par le canal diplomatique ? Beaucoup ont pensé qu’il s’agissait de pressions diplomatiques exacerbées par les élections de juillet et destinées à pousser le gouvernement à beaucoup plus d’ouverture vers l’opposition et les associations.

Rappelons que la grâce de Sam Rainsy intervenue en 2013 avait été précédée par des menaces de sanctions des USA. L’Europe ne serait-elle pas tentée d’utiliser la même méthode ? Ce serait oublier que le Premier ministre ne semble pas s’armer de patience vis-à-vis des actuelles pressions européennes.

Ce serait oublier aussi, peut-être, que la diplomatie à la méthode asiatique-cambodgienne exclut totalement la possibilité pour un dirigeant de perdre la face. Et, les requêtes de Federica Mogherini concernant la réinstallation de l’opposition CNRP, ajoutées à des déclarations publiques assez vives, risquent de contribuer à un durcissement de la position cambodgienne qui exclut tout retour politique du CNRP.

Le discours du Premier ministre à l’ONU était clair sur ce point, il n’a pas hésité à parler de ”méthode brutale” de la part des pays qui tentent d’imposer leur volonté à travers des sanctions. A mentionner aussi que, conforté par un secteur sensible mais en bonne santé, le Premier ministre a fait appliquer une série de mesures sociales significatives en faveur des ouvriers du textile. Avec l’annulation du régime préférentiel envisagée, il sera très compliqué de conserver ses mesures.

Toutefois, dans l’absolu et dans le cadre de l’accord d’un régime préférentiel, il est normal que l’UE se préoccupe des conditions de respect de l’accord et qu’il y ait effectivement des échanges entre partenaires de l’accord. On peut alors s’étonner alors que le durcissement de la Commission intervient huit ans après les premiers incidents mettant en cause la pertinence de l’accord TSA.

On peut s’étonner également de la rapidité avec laquelle le processus s’est mis en place ces derniers mois. On peut aussi s’étonner de l’efficacité d’une mission de quelques jours pour évaluer une situation tout de même très complexe et pointant du doigt des attitudes qui ne sont pas nouvelles.

Certains conseillers du gouvernement cambodgien n’ont d’ailleurs pas hésité à fustiger le peu d’empathie et le manque d’écoute des membres de la Commission Européenne qui ont conduit la mission de Juillet dernier (R.Jennar – Fresh News).

La Commission, malgré la notification officielle de vendredi, a déclaré que l’espace était toujours ouvert au dialogue. Bien que cela n’ait apparemment pas donné de résultats tangibles, le gouvernement cambodgien avait envoyé une mission diplomatique il y a quelques semaines pour tenter d’infléchir la position européenne. Il y a donc des tentatives diplomatiques des deux côtés pour éviter la concrétisation de cette sanction de ”dernier recours”.

Et, c’est peut-être la seule petite lueur d’espoir pour qu’un compromis se dessine alors que le sort de quelques centaines de milliers de petits salaires cambodgiens et un secteur économique tout entier sont en jeu, pour ne pas dire en otage.

Christophe Gargiulo

Merci pour votre envoi !

  • Instagram
  • Facebook Social Icône
  • Gazouillement
  • LinkedIn Social Icône

Accueil   Économie   Tourisme     Culture     Destination     Gastronomie     Sport   Environnement 

bottom of page