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Tourisme & Société : Vers la fin des tuk-tuks traditionnels au Cambodge

Les « tuk-tuks indiens » ou riskshaw, plus petits, plus faciles à conduire et moins coûteux à utiliser car ils fonctionnent au gaz de pétrole liquéfié (GPL), ont rapidement gagné en popularité et semblent en passe de détrôner les tuk-tuks traditionnels à quatre roues autrefois connus comme les « empereurs de la route ».

Il reste cependant des conducteurs encore attachés à l'attrait touristique de ce véhicule traditionnel.
Il reste cependant des conducteurs encore attachés à l'attrait touristique de ce véhicule traditionnel. Photo Rodney Topor

Du milieu des années 2000 jusqu’à 2010, lorsque Chhean Vanna fabriquait des tuk-tuks khmers, l’offre n’était souvent pas suffisante pour répondre à la demande. Cependant, l’introduction des « tuk-tuk indiens », associée à la commodité des applications de covoiturage et aux petits prix des services, a fait que ses commandes ont régulièrement diminué jusqu’à presque rien. Il fabriquait autrefois 20 à 30 tuk-tuks par jour, chacun valant environ 3 000 dollars, mais à partir de 2015, les commandes ont commencé à chuter.

Vanna, 45 ans, raconte : « J'ai arrêté de fabriquer des tuk-tuk khmers pendant la pandémie de Covid-19, car il n'y avait plus de demande. Je suis maintenant ouvrier de chantier. Cela ne veut pas dire que je ne veux plus en construire, mais la demande est presque inexistante. Les tuk-tuks indiens sont arrivés et les modèles khmers ne sont plus nécessaires. »

Vorn Pov, chef de l’Association démocratique indépendante de l’économie informelle (IDEA), affirme qu’environ 80 000 de ces tuk-tuks GPL à trois roues sont connectés à des applications de covoiturage à Phnom Penh. Il estime qu’il y en a environ 100 000 en service dans le pays. Il admet que les tuk-tuks traditionnels ont presque disparu, même s’il en reste quelques-uns à la périphérie de la capitale, où ils sont utilisés pour le transport de marchandises et les touristes occasionnels.

« La disparition du tuk-tuk traditionnel est due aux tuk- tuks indiens. ces derniers se connectent aux applications et utilisent le GPL, ils sont donc moins chers et plus populaires auprès des passagers », dit-il.

« Cependant, les touristes n’aiment pas trop monter dans ces petits véhicules à trois roues, mais préfèrent les tuk-tuks traditionnels. Dans certaines provinces, ces derniers sont encore disponibles », ajoute-t-il.

De même, Cheang Chin, 72 ans, fabricant de voitures et de remorques dans le district d’Angkor Chey à Kampot, confie qu’il n’ a pas beaucoup de clients, car ces véhicules ne sont plus très utilisés.

Le vieil homme — qui a transmis son savoir-faire en matière de fabrication de calèches à son fils — pense que « c’est peut-être parce qu’ils les trouvent bon marché ».

Le « canapé rouge » du tuk-tuk traditionnel de Phnom Penh accueillait autrefois les jeunes et les vieux, les hommes et les femmes qui s'y asseyaient confortablement, mais les canapés en cuir ne sont plus aussi familiers et réconfortants. Cela est souvent dû à l'odeur résiduelle des marchandises que les chauffeurs sont obligés de transporter en attendant les passagers qui veulent profiter de la brise fraîche et de la grande visibilité d'un tuk-tuk traditionnel.

Seng Thun, conducteur de tuk-tuk depuis huit ans, confie qu'il utilise toujours son véhicule traditionnel et qu'il ne veut pas suivre ses amis dans les engins de style plus récent. Il a changé d’orientation en passant du transport de passagers à celui de marchandises et de touristes étrangers.

Seng Thun, conducteur de tuk-tuk depuis huit ans, confie qu'il utilise toujours son tuk-tuk traditionnel et qu'il ne veut pas suivre ses amis dans les véhicules de style plus récent

« Même si c’était difficile pendant le Covid-19, j’ai maintenant des passagers vietnamiens presque tous les jours. Ils aiment monter dans mon tuk-tuk parce qu'il est spacieux, qu'il permet de voir beaucoup plus de la ville et qu'ils peuvent facilement transporter leurs courses en explorant Phnom Penh », explique l’homme de 52 ans au Post.

Il confie qu’il reçoit régulièrement des appels de sociétés de voyage et de tourisme pour transporter des passagers. Il est payé 80 000 riels par jour, mais certains passagers généreux lui donnent de bons pourboires.

Sur la rue Charles De Gaulle à Siem Reap, Men Nak est assis dans son tuk-tuk, attendant patiemment son tour pour emmener des clients d'un hôtel vers les temples, les marchés et les attractions de Siem Reap.

Cet homme de 38 ans, qui exerce ce métier depuis près de dix ans, admet que les passagers cambodgiens préfèrent les "pass-apps" à l'indienne, mais que les touristes étrangers préfèrent le tuk-tuk traditionnel.

« Je commence à voir le retour des touristes étrangers, mais ils ne sont pas encore nombreux », dit-il.

Nak - qui dépend du tourisme pour ses revenus - confie que malgré sa place régulière dans la file d'attente des tuk-tuks à l'hôtel, il faut parfois attendre quelques jours avant que ce soit son tour de prendre des passagers.

« Avant le Covid-19, j’avais trop de clients et je ne pouvais pas tous les prendre. Maintenant, je n’ai presque plus de revenus. Il n'y a pas d'autre travail que je puisse faire, car je n'ai pas d'autres compétences, donc je vais continuer à conduire mon tuk-tuk », dit-il.

Nak - qui dépend du tourisme pour ses revenus - confie que malgré sa place régulière dans la file d'attente des tuk-tuk à l'hôtel, il faut parfois attendre quelques jours avant que ce soit son tour de prendre des passagers.

« Quand c’est mon tour de prendre des touristes, je les transporte le plus souvent le matin. Les prix ne sont pas réguliers. Si je les emmène au marché voisin, je peux gagner cinq ou six dollars, mais si je les emmène visiter les temples du parc d’Angkor, je peux gagner jusqu’à 18 dollars. »

Pour Nak, originaire de Takeo, le véhicule de style khmer est bien meilleur pour les touristes, car il peut transporter jusqu’à quatre personnes et offre de jolies vues, qu’il s’agisse de visiter des sites naturels et historiques ou simplement de profiter des scènes souvent — pour les touristes — amusantes et colorées le long des rues.

« Chalky », qui conduit un tuk-tuk khmer depuis plus de 20 ans, reconnaît que ce type de véhicule reste le choix préféré des touristes, malgré l'invasion de leurs petits frères indiens.

Avec une grosse moto noire et blanche traînant son attelage, il confie : « D’après mon expérience de transport depuis de nombreuses années, en termes de confort, les clients préfèrent le modèle traditionnel. La plupart des tuk-tuk indiens sont utilisés pour de courts trajets. »

« Chalky », qui conduit un tuk-tuk khmer depuis plus de 20 ans, reconnaît que les tuk-tuk khmers restent le choix préféré des touristes
« Chalky », qui conduit un tuk-tuk khmer depuis plus de 20 ans, reconnaît que les tuk-tuk khmers restent le choix préféré des touristes

« Les touristes étrangers préfèrent les tuk-tuks khmers, car ils sont plus spacieux. Les modèles à trois roues ont des sièges plus petits et des bâches de pluie permanentes, ce qui leur donne un air étroit et exigu. Dans un tuk-tuk khmer, on ne baisse les bâches que lorsque c'est nécessaire. Nos véhicules sont très confortables et plus spacieux, avec une brise très agréable. Les modèles indiens sont construits comme une petite cage, basse et étroite », ajoute-t-il.

Ce chauffeur âgé de plus de 50 ans — qui préfère être appelé « Chalky » pour faciliter la prononciation de son nom — fait la promotion de ses services sur sa page Facebook et est également inscrit sur Tripadvisor.

« Mes services ce mois-ci sont entièrement pré-réservés, par des clients locaux et étrangers. Je les emmènerai dans les temples et autres attractions touristiques », confie-t-il.

Sur sa page Facebook, Chalky propose de nombreuses options d’excursions — dont un court circuit du parc archéologique d’Angkor qui se termine par un coucher de soleil sur Angkor Wat — à partir de 18 dollars seulement.

Il explique qu’il peut aller chercher les passagers à leur hôtel le matin et les emmener acheter leurs laissez-passer pour le parc archéologique d’Angkor. De là, ils peuvent choisir de visiter l’un des célèbres temples, du joyau du parc, Angkor Wat, à Ta Prohm — un lieu utilisé dans le film à succès Tomb Raider — ou l’ancienne capitale de l’empire d’Angkor, Angkor Thom. Parmi les autres attractions populaires, citons aussi le temple Bayon et la Terrasse des éléphants.

Bien que le Cambodge ait rouvert ses portes et commencé à accueillir les touristes en novembre de l’année dernière, le nombre de visiteurs étrangers reste minuscule par rapport à l’époque faste d’avant la pandémie.

Meas Sopha, un guide touristique qui s’est reconverti dans le secteur immobilier de Siem Reap, a déclaré que, d’après ses observations, Siem Reap ne recevait toujours qu’un faible flux de touristes par rapport aux années pré-2020.

« Je n’ai pas encore vu beaucoup de touristes étrangers. Certains guides ont commencé à reprendre progressivement leurs activités, et certains hôtels et restaurants ont rouvert, mais la ville est loin d’être aussi fréquentée qu’elle l’était auparavant », confie-t-il.

Hong Raksmey & CG avec notre partenaire The Phnom Penh Post

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