La province de Siem Reap est témoin d’une modernisation et d’une urbanisation rapides. L’économie locale s’est transformée, tout comme le style architectural.
Ky Soklim de Thmey Thmey s’entretient avec Long Kosal de l’Autorité nationale d’Apsara sur l’intérêt de la préservation de l’architecture traditionnelle khmère. Entretien :
Ky Soklim : Environ combien de familles vivent dans la région du parc d’Angkor ?
Depuis l’époque de l’APRONUC (Autorité de transition des Nations Unies au Cambodge), 100 000 personnes vivaient dans cette région. Cependant, la population augmente très rapidement et cela nous pose quelques problèmes.
Ky Soklim : Quels problèmes rencontrez-vous ? Je crois comprendre que certains ont construit des maisons qui ne respectent pas les directives de l’Autorité nationale Apsara
Eh bien, il y a beaucoup de problèmes provenant de la population toujours croissante. Le premier est l’augmentation du nombre de personnes qui vivaient à l’origine dans le parc d’Angkor. Il s’agit d’un phénomène qui exerce une forme de pression sur les traditions et les modes de vie des habitants.
La pression s’accompagne également du nombre de plus en plus important de nouvelles constructions. Dans toutes les situations, le parc d’Angkor a toujours été protégé par la population locale qui y vit, ce qui signifie que les habitants doivent participer à la préservation de cette zone. Leur implication permet de maintenir les relations entre les gens dans la région, mais également celles entre les personnes et les objets sacrés, ce qui contribue à préserver l’âme des temples.
Cependant, l’augmentation de la population en provenance des zones extérieures exerce une pression qui a un impact sur toutes ces valeurs. Cela provoque des changements dans les mentalités, les pratiques traditionnelles et le style de vie. Ces facteurs ne produisent pas vraiment de résultat positif pour le parc d’Angkor.
Ky Soklim : Ainsi, lorsque le mode de vie local est perturbé, par exemple par des personnes qui construisent des maisons plus grandes malgré les principes du gouvernement, cela est-il préjudiciable au parc d’Angkor ?
25 ans se sont écoulés depuis la création de l’Autorité nationale Apsara et 28 ans depuis que le temple d’Angkor Wat a été inscrit au patrimoine mondial. Au fil du temps, nous avons observé une augmentation du nombre de personnes et cela a conduit inéluctablement à une modification de l’état d’esprit et des modes de vie des gens.
Par exemple, l’accent de certains habitants du village de Preah Dak disparait. Auparavant, ces habitants avaient un accent et des interactions tout à fait uniques. Cependant, maintenant tout cela change. En outre, leurs structures de logement ont également changé. Les nouveaux arrivants construisent des bâtiments qui ne sont pas vraiment conformes. Dans l’ensemble, cela entraîne un résultat négatif pour la préservation de la valeur du parc d’Angkor.
Ky Soklim : Alors que les changements deviennent plus extrêmes, cela pourrait-il conduire à une baisse de la valeur du parc d’Angkor en tant que site touristique et patrimonial ?
Oui, c’est l’un des points cruciaux dans la préservation du site touristique d’Angkor. Ce qui est important, c’est de préserver l’originalité d’une région et de ses habitants. Sur ce point, il faut inclure les temples, mais aussi la culture et tous les aspects de la tradition, ainsi que les modes de vie.
Ky Soklim : Qu’en est-il lorsque les nouvelles structures ne correspondent pas à l’originalité de la région ?
Dans la région d’Angkor, nous cherchons à promouvoir la culture khmère. C’est pourquoi l’Autorité nationale Apsara a créé des règlements pour préserver les maisons à l’architecture traditionnelle khmère. Récemment, certains citoyens ont vu leurs conditions financières s’améliorer, mais ils semblent bien moins familiers avec nos réglementations. L’Autorité nationale Apsara propose des idées et des explications pour la construction de leur logement. Nous encourageons également des discussions sur les plans architecturaux afin de leur permettre de construire leurs maisons avec le design traditionnel. Derrière moi se trouve un modèle de maison traditionnelle khmère dans laquelle nous poussons les locaux à reproduire cette architecture lorsqu’ils construisent leurs maisons. Nous avons en fait cinq à six maisons modèles exposées. Nous voulons vraiment que les habitants construisent leurs maisons comme cela, sur pilotis.
Ky Soklim : Quand ces maisons modèles ont-elles été construites et à quoi servent-elles ? S’agit-il simplement de modèles témoins pour les locaux ou font-elles également partie de l’expérience touristique ?
Cette maison modèle a été construite vers l’année 2005 ou 2006. Sa vocation est essentiellement de proposer au public et en particulier aux Cambodgiens qui vivent à l’intérieur du parc d’Angkor de venir y jeter un œil. Aujourd’hui, certains habitants acceptent les règlements des autorités. Cette maison modèle n’est pas seulement limitée aux populations locales qui vivent ici. Elle est accessible aux touristes. À l’étage de cette maison modèle, nous avons également exposé l’infographie ainsi que d’autres modèles de maisons miniatures.
Ky Soklim : C’est un style de logement très attrayant, mais combien de touristes venaient le visiter avant la pandémie COVID-19 ?
Eh bien, nous avions pas mal de touristes locaux. Parfois, ils entraient pour prendre des photos ou trouver le temps de se détendre. Nous avons également reçu de bons retours de la part de touristes étrangers par nos guides touristiques — certains d’entre eux comprennent alors la façon dont vivent les Khmers et comment ils adaptent leurs constructions au climat et aux conditions naturelles.
Propos recueillis par Ky Soklim.
Publié avec l’aimable autorisation de Cambodianess. Version anglaise disponible ici
Photos additionnelles par Christophe Gargiulo
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