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Photo du rédacteurRémi Abad

Le Meilleur de 2023 & Parcours : Kong Thoung, guide de haute culture

Pendant d’interminables mois, leurs voix avaient cessé de résonner sous les galeries d’Angkor. Avec la reprise du tourisme et la levée progressive des restrictions sanitaires, les guides retrouvent une activité qui leur avait trop longtemps fait défaut. Kong Thoung est l’un d’entre eux, spécialisé dans l’accueil des visiteurs francophones venant découvrir Angkor et sa région.

Kong Thoung, guide de haute culture
Kong Thoung, guide de haute culture

C’est en arborant un large et franc sourire que Kong se présente à notre entretien. Depuis peu, son agenda, resté désespérément vide pendant toute une année, s’est enfin rempli. Entre deux excursions dans les temples, ce passionné d’histoire a accepté de décrire un métier qui lui tient particulièrement à cœur. « Passer une journée avec un couple de Canadiens, accompagner le lendemain un groupe de Français, puis des Tunisiens, avouez qu’il y a de quoi voyager tout en restant à Siem Reap ! » confie Kong en riant. « Surtout pour quelqu’un comme moi qui ne suis jamais sorti du Cambodge. C’est un bon moyen de connaître le monde à moindre coût. »

« Jusqu’à mon dernier souffle »

Décrire, expliquer et montrer toutes les facettes de son pays fait aussi partie des multiples satisfactions qu’il confie éprouver à travers son métier. Un métier qu’il n’aurait jamais pensé exercer lorsque, enfant, il arpentait les temples, subjugué par la grandeur qui prédomine en ces lieux. « Je me souviens très bien de la première fois où je me suis rendu à Angkor. C’était en 1994, en présence de mes parents et de mes deux sœurs. Depuis, j’y suis retourné inlassablement, avec des amis du collège tout d’abord, puis avec ma femme et mes trois filles, puis pour mon métier. Je suis né à Siem Reap, y ai toujours vécu et continuerai de travailler à Angkor jusqu’à mon dernier souffle. »

L’atout francophone

C’est un peu par hasard que cet ancien chauffeur de tuk-tuk a revêtu l’uniforme de guide. Issu d’une famille modeste, poursuivre de longues études n’était guère envisageable et Kong s’est très vite confronté au monde du travail. En possédant néanmoins un atout non négligeable : celui d’une bonne connaissance du français, langue dont il avait abordé les bases au collège et pour laquelle il possède de belles aptitudes. Détail qui n’échappe pas à l’une de ses passagères qui, devenue amie de la famille, propose à Kong de lui offrir un stage de perfectionnement à l’Alliance Française nouvellement créée. Maîtrisant après cela toutes les arcanes de la langue de Molière, Kong peut enfin se présenter, en 2016, à l’examen faisant de lui un guide officiel.

Beaucoup de candidats, très peu d’élus

« Les épreuves, organisées par le ministère du Tourisme, sont assez pointues. Elles sanctionnent une période de formation qui dure 6 mois, au cours de laquelle nous apprenons en détail l’histoire du pays, mais aussi tout ce qui se réfère aux temples. Pas seulement d’un point de vue historique, mais aussi religieux, architectural, archéologique… Nous sommes aussi testés sur notre pratique d’une langue étrangère, qui peut être l’anglais et le chinois pour les plus courantes, mais aussi l’allemand, l’espagnol, l’italien, le russe, le thaï, le vietnamien… et, bien sûr, le français. Nous sommes aussi interrogés sur notre motivation et la sélection se montre assez drastique : plus de 1 000 candidats concouraient dans toutes les catégories, 68 en tant que francophones. Sur ces 68 personnes, seules 7 ont été sélectionnées, et j’en faisais heureusement partie. Il y a de nos jours, en exercice, moins d’une centaine de guides parlant français et c’est un immense honneur d’être l’un d’entre eux. »

Heures fastes, heures sombres

Depuis 2016 et l’obtention de sa licence, Kong a guidé des centaines de visiteurs dans les temples d’Angkor, mais aussi dans les lieux les plus impressionnants du royaume, qui en compte un grand nombre.

« Il arrive parfois que les visiteurs me sollicitent pour des excursions au long cours : nous embarquons alors à bord d’un mini-van en direction de Battambang, Preah Vihear, Koh Ker, Banteay Meanchey, Kompong Thom… Plus proches de Siem Reap, les réserves ornithologiques de Prek Toal ou Pearaing, les villages flottants ou encore les monts Kulen sont aussi très prisés. »

Se forgeant une excellente réputation parmi ses clients, Kong a vu ses revenus s’effondrer suite à la pandémie, traversant avec sa famille des heures sombres. « Je me suis retrouvé sans activité du jour au lendemain. Seuls quelques rares groupes venant de Phnom Penh ont fait appel à mes services, et le nombre de clients en 2021 a été quasi nul. Ces moments ont été extrêmement difficiles à traverser, et nous avons dû vendre beaucoup de nos effets personnels pour pouvoir affronter la crise. Revoir des visiteurs constitue une incroyable bouffée d’oxygène. »

Angkor sans jamais se lasser

Pendant cette période d’inactivité, Kong est souvent retourné à Angkor, irrésistiblement attiré par la magie d’un lieu qui ne cesse de le fasciner. En lui demandant s’il ne s’en lasse jamais, le guide explique dans un éclat de rire : « Pas le moins du monde ! Comment se lasser de tels endroits, qui sont chargés d’histoire, de culture et de religion ? Il y a toujours quelque chose à découvrir ou à approfondir. L’année dernière, par exemple, je me suis focalisé sur l’étude du Ramayana, dont les différents épisodes sont omniprésents dans la culture cambodgienne et dans les temples. Je parle du Ramayana, mais les aspects architecturaux, cultuels, historiques ou, tout simplement, touchant à la vie quotidienne sont assez vastes pour remplir toute une vie de guide, croyez-moi ! Et il faut être en mesure de s’adapter à la diversité des centres d’intérêts de ses clients. »

« Cela fait aussi partie du métier : savoir discerner, en quelques minutes, ce qui va passionner une personne, l’intéresser ou, au contraire, la laisser indifférente. »

« Les visites en compagnie de mes clients durent plusieurs heures, voire plusieurs jours : il s’agit donc de se montrer flexible, en leur réservant à chaque fois une expérience unique et personnalisée. »

Moins de touristes, mais des séjours plus longs

Si elle demeure encore loin des années fastes, la fréquentation touristique bénéficie paradoxalement des dernières restrictions toujours en cours dans la zone ASEAN. Pour Kong, la provenance des vols, venus majoritairement de Singapour, contribue à un allongement des durées de séjour. « Autrefois, je veux dire avant le Covid, les visiteurs ne restaient en règle générale pas très longtemps à Siem Reap. Ils y venaient pour passer une poignée de jours, une semaine tout au plus, puis repartaient vers Phnom Penh, Bangkok ou Hanoï…»

« La nouvelle tendance est de découvrir réellement le Cambodge, en y restant souvent plusieurs semaines. »

C’est aussi l’occasion de se connaître chacun plus en détail, de partager de bons moments sans se presser comme cela était parfois le cas auparavant. Ceci dit, il faudra encore du temps, beaucoup de temps, avant que le tourisme ne retrouve son niveau antérieur. Trois à cinq années, dirais-je malheureusement. »

L'entraînement du guide

Au cours de sa carrière, Kong aura fait beaucoup de belles rencontres, restant en contact avec de nombreux clients devenus ses amis et qui désirent ardemment revenir au Cambodge. En attendant leur retour, il constate avec satisfaction que ses deux prochaines semaines sont réservées et qu’il célébrera le Nouvel an khmer de manière beaucoup plus sereine qu’en 2021. Reste un dernier détail : s'entraîner pour retrouver une endurance optimale. « Il n’est pas rare qu’un guide marche jusqu’à 7 ou 8 kilomètres par jour. Ce n’est pas particulièrement fatiguant, mais il s’agit tout de même d'avoir une bonne condition physique. » Une condition que Kong entretient en faisant beaucoup de vélo, qu’il enfourche dès sa journée terminée. Son parcours favori ? Les temples d’Angkor et leurs environs. Passionné, Kong Thoung ? Assurément !

Tel : 092 912 481

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