Réflexions sur le traitement « médiatico-international » du conflit cambodgien-thaïlandais
- Christophe Gargiulo

- 31 juil.
- 3 min de lecture
Alors que la frontière entre la Thaïlande et le Cambodge a embrasé l’actualité mondiale ces derniers jours, un constat frappe quiconque scrute la couverture médiatique internationale : le récit dominant expose les affrontements armés, les rivalités territoriales et les drames des réfugiés, mais passe sous silence la formidable solidarité sur le terrain et la voix de celles et ceux qui œuvrent pour la paix. Pourquoi cette invisibilisation ? À quelles logiques répond-elle ?

La violence fait la Une, la solidarité l’ombre
Dans le conflit actuel, la majorité des médias occidentaux braquent leurs projecteurs sur les échanges d’artillerie, les bilans macabres et les enjeux géostratégiques. Des mots comme “provocation”, “crise”, “invasion” sont omniprésents. Ces récits dramatiques, porteurs d’émotion et d’audience, écartent souvent le travail des ONG, l’engagement des bénévoles ou le courage tranquille des communautés touchées.
« Pourtant, le terrain bouillonne d’initiatives collectives : évacuation des populations, prise en charge des blessés, abris improvisés dans les temples bouddhistes, opération de distribution de vivres par des réseaux de moines, de volontaires et d’ONG cambodgiennes et étrangères. »
La diaspora cambodgienne, sur les cinq continents, s’engage aussi massivement en soutien logistique et financier. Cette capacité d’entraide, ce patriotisme teinté d’humanisme, sont rarement racontés hors presse locale ou spécialisée.
Qui interroge les artisans de la paix ?
Les grandes agences couvrent minutieusement chaque incident militaire mais publient peu d’interviews de personnalités engagées pour la désescalade ou la réconciliation. On cherche en vain la parole de moines pacifistes, d’activistes, ou de réfugiés eux-mêmes sur leurs espérances et leurs appels à la paix. Seules quelques voix discordantes, comme certains évêques, lancent dans l’indifférence des médias des appels vibrants à la fin de la violence, tandis que des chroniqueurs à contre-courant rappellent : “le peuple cambodgien est animé par un authentique patriotisme – à ne pas confondre avec le nationalisme qui pousse à la haine”. Cette nuance, essentielle, est peu relayée.
Pourquoi ce biais narratif ?
Le fil d’actualité international priorise l’événementiel, l’affrontement, la dramaturgie visuelle.
« Les logiques éditoriales et commerciales privilégient la crise et le choc, tandis que la solidarité, moins spectaculaire, se “vend” difficilement auprès d’audiences mondiales saturées d’images de guerre. Si on évoque les déplacés, c’est pour montrer leur misère et l’urgence humanitaire, rarement pour donner à voir comment une société, même meurtrie, réagit collectivement avec force et dignité. »
Les contraintes de temps, d’accès au terrain, mais aussi, parfois, la méfiance des gouvernements envers les correspondants étrangers limitent la diversité du traitement journalistique. Par ailleurs, la militarisation du discours sur les réseaux sociaux – où la polarisation et l’émotion l’emportent souvent sur la nuance – relègue davantage l’expression des solidarités au second plan.
Une société civile invisible… mais agissante
Pourtant, sur place, la pellicule des reporters locaux et des ONG montre un autre visage : celui de la mobilisation populaire, des chaînes de solidarité, de la résilience sociale et d’un patriotisme ouvert où la défense nationale s’accompagne d’un soutien aux plus vulnérables.
La société cambodgienne fait bloc entre marches, collectes, accueil des réfugiés et manifestations pacifiques, tandis que la diaspora amplifie le mouvement. Dans ce tumulte, les ONG, les moines, les étudiants, les travailleurs migrants inventent chaque jour, loin des feux médiatiques, mille formes de résistance pacifique.
La paix n’est pas une « non-histoire »
Le récit de la paix, du dialogue et de la solidarité mérite d’être raconté. Rendre visibles celles et ceux qui œuvrent sans bruit permettrait non seulement de lutter contre l’oubli, mais aussi de rappeler que, derrière chaque crise, brûle toujours la possibilité d’une fraternité retrouvée.







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