Phnom Penh & Rendez-vous de la CCIFC : Le Développement durable en question
- La Rédaction
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La Factory Phnom Penh accueillait hier le premier « Rendez-vous de la CCIFC » avec plusieurs intervenants : Caroline Bougon-Sirieix de Vinci Airports, Catherine Germier-Hamel de Millennium Destinations, Sarah Kolbenstetter de Little Green Spark, et enfin Frantz Vaganay de Sevea.

Parmi les temps forts de ce rendez-vous
Engagement environnemental et sensibilisation chez Vinci Airports au Cambodge
Caroline Bougon-Sirieix a présenté les ambitions environnementales du groupe dans le cadre de ses opérations au Cambodge. Selon elle, « il s'agit d'un véritable sujet corporate porté par le groupe Vinci, selon un effet de cascade qui s'étend jusqu'à nos sites au Canada ».

Elle a rappelé que la stratégie environnementale reposait sur le concept de Positive Mobility, articulé autour de quatre piliers :
Le bénéfice économique,
Le développement national,
La transition environnementale.
Au sein du pilier environnemental, trois axes majeurs structurent l'action : la transition climatique, l'économie circulaire et la préservation des ressources naturelles. Ces principes forment la base d'une politique transversale et cohérente appliquée à l'ensemble des aéroports du réseau Vinci.
Le projet de gestion des déchets s'inscrit dans cette logique, avec un objectif de zéro déchet en décharge d'ici à 2030, un défi considérable dans le contexte cambodgien où les infrastructures de retraitement restent très limitées. Lancé à la mi-2022, ce programme vise à réduire la quantité de déchets envoyés en décharge par des actions coordonnées : réduction à la source, tri sélectif, développement de filières de recyclage et inclusion sociale. Ce dernier volet consiste à intégrer les travailleurs issus du secteur informel, en leur offrant des conditions de travail décentes, une protection solaire, des installations sanitaires, et des espaces de tri aménagés.
Comme l'a souligné Mme Bougon-Sirieix, « il ne suffit pas d'acheter des poubelles, encore faut-il éduquer les gens à les utiliser ».

Le projet mise ainsi sur la formation continue, la sensibilisation et le leadership exemplaire au sein de la communauté aéroportuaire. L'initiative s'accompagne de campagnes d'éducation environnementale destinées aux employés et aux partenaires commerciaux, dans une démarche de transformation durable des comportements.
Elle a également évoqué le rôle du programme « Fresque du Climat », introduit fin 2022 en partenariat avec SEVEA, comme outil pédagogique de sensibilisation collective. Tous les collaborateurs de Vinci Airports au Cambodge sont désormais formés à cet exercice, et seize d'entre eux animent aujourd'hui des ateliers, aussi bien à l'aéroport que dans les écoles ou les provinces, afin de promouvoir la conscience écologique auprès des jeunes générations.
Précisions sur le solaire par M. Vaganay
Répondant à une question concernant la réglementation affectant les panneaux solaires, M. Vaganay expliquait : « Alors, effectivement, il y a eu du mouvement sur ce sujet. La réglementation à laquelle vous faites référence n'est pas toute récente : elle remonte en réalité à 2022, mais elle a connu plusieurs ajustements depuis. L'évolution la plus récente concerne surtout les entreprises qui souhaitent installer du solaire en toiture, ce qu'on appelle les installations photovoltaïques sur toit.
Je précise bien qu'il s'agit de solaire en toiture, car les grandes fermes solaires ne relèvent pas de cette même réglementation. Pour ces installations de toit, la logique a un peu changé. Désormais, si un particulier ou toute autre entreprise souhaite équiper son bâtiment de panneaux solaires, c'est possible, mais cela implique le paiement d'un tarif compensatoire à EDC, variable selon la puissance de l'installation.

Ce tarif est une sorte de contribution qui dépend de la taille du projet. La réglementation comporte bien sûr d'autres volets, mais celui-ci concentre actuellement les débats, car il est perçu comme un frein à l'investissement. Prenons un exemple : une entreprise qui produit son électricité solaire à un coût de 6 ou 7 cents le kilowattheure devra, en plus, verser à EDC entre 3 et 6 cents de tarif compensatoire. Autrement dit, l'avantage économique du solaire s'amenuise rapidement. Seules les toutes petites installations, inférieures à 10 kilowatts, échappent à cette obligation.
Mais 10 kilowatts, ce n'est pas énorme : cela convient à une maison ou à une très petite entreprise, mais pas aux structures plus importantes. C'est pour cela qu'aujourd'hui, cette réglementation freine le développement du solaire d'entreprise. Il faut aussi noter que le ministère de l'Énergie ne fait pas du solaire en toiture une priorité absolue. Son objectif est plutôt de laisser une marge de manœuvre aux entreprises exportatrices, notamment dans le textile, qui sont soumises à certaines exigences environnementales internationales. L'idée est de leur permettre d'investir pour produire une partie de leur consommation électrique, sans que cela leur coûte beaucoup plus cher que l'électricité achetée à EDC.
En résumé, le système existe, il fonctionne, mais il reste peu attractif économiquement pour la majorité des entreprises. Depuis la mise en place du tarif compensatoire, peu de nouvelles installations ont vu le jour, car beaucoup hésitent. Certains font leurs calculs, mais en dehors de contraintes spécifiques — notamment environnementales ou d'image — l'investissement solaire, dans les conditions actuelles, n'est pas encore réellement porteur. »
Une vision engagée pour un tourisme durable et inclusif
Mme Catherine Germier-Hamel, entrepreneure sociale et consultante-formatrice, s'est imposée comme une voix forte dans le développement et la promotion du tourisme durable, notamment en Asie du Sud-Est. Forte de ses expériences à la tête de Millennium Destinations et de Destination Mekong, elle incarne une approche pragmatique qui allie impact économique, responsabilité sociale et préservation environnementale.

Lors de sa présentation, elle a souligné l'importance d'aligner visions, valeurs et besoins de tous les acteurs : entrepreneurs locaux, ONG, institutions financières et éducateurs. Selon elle, ce modèle d'écosystème touristique repose sur un cadre pratique, une vision de terrain et un état d'esprit intégrant le développement socioéconomique avec l'inclusion sociale et la durabilité environnementale. Mme Hamel entend également valoriser particulièrement le capital d'impact, la formation professionnelle et le transfert de connaissances, essentiels pour guider les futurs leaders du tourisme durable. Son engagement en faveur d'expériences de voyage significatives montre comment créer des bénéfices économiques tout en respectant les cultures locales et en assurant un emploi équitable. Son intervention avait l'ambition de mettre en valeur un credo clair : un tourisme réfléchi, porteur de sens et durable.
En réponse à une question de l'auditoire concernant la volonté de s'attaquer au problème de la pollution plastique, Mme Hamel expliquait :
Quand le plastique révèle les paradoxes du développement
En réalité, poursuivait Mme Hamel, je voulais d'abord rappeler que le tourisme demeure la quatrième industrie du Cambodge. Le pays dépend largement des revenus qu'il génère : c'est, à bien des égards, une véritable industrie d'exportation.
Mais parallèlement, la pollution plastique — tout comme la pollution sonore et d'autres formes de nuisances — contribue à rendre la destination moins attractive. Il faut pourtant rappeler que le tourisme constitue une industrie modèle, propice à la mise en œuvre de nombreuses initiatives, campagnes et opérations liées au mode de vie, à la consommation durable et à la production responsable.
Certes, le tourisme reste un secteur complexe et fragmenté, mêlant une multitude d'acteurs, y compris ceux du secteur informel. Mais il existe bel et bien des moyens de mobiliser à la fois les touristes, les communautés locales et les différents ministères concernés.
Car le tourisme ne relève pas uniquement du ministère du Tourisme ; il implique aussi la construction, le transport, la communication et les investissements. C'est, en somme, une industrie capable de servir de modèle.
Pour répondre directement à la question : oui, le plastique est un problème, mais il n'est que l'arbre qui cache la forêt. Tout en reconnaissant son impact visuel et écologique, il faut rappeler que le plastique a aussi facilité l'accès à l'eau potable pour de nombreux Cambodgiens. Pratique et accessible, il reste un matériau utile dans un pays en développement.
Bien sûr, le plastique suscite la culpabilité, surtout chez les visiteurs venus de pays développés. Mais dans un contexte de pauvreté et d'inégalités persistantes, il convient de ne pas isoler la question environnementale. La protection de l'environnement fait partie d'un tout, où se croisent enjeux sociaux, culturels et économiques.
Il serait hypocrite, enfin, de promouvoir le Cambodge comme une destination d'écotourisme idéalisée. Il faut au contraire agir à tous les niveaux — environnemental, social et économique — avec lucidité et cohérence.
Élève appliqué...
La bonne nouvelle, c'est que le Cambodge se montre un élève appliqué. Il bénéficie de financements internationaux et, lorsqu'il atteindra un niveau de développement plus élevé, ces aides diminueront sans doute. Mais les projets menés avec le ministère du Tourisme, la Banque mondiale ou le ministère de l'Environnement traduisent une réelle volonté de progrès.
Si le pays s'efforce d'être un bon élève, c'est autant pour obtenir des financements que pour affirmer un leadership régional, notamment au sein de la région du Mékong ou de l'ASEAN. Tout n'est pas parfait, loin de là, mais un écosystème dynamique se met en place, porté par des acteurs convaincus.
La formation, la sensibilisation, le renforcement des compétences illustrent cette volonté politique tangible. Et, pour conclure sur une note d'espoir, le ministère de l'Environnement vient d'ouvrir des consultations en vue de politiques zéro plastique, en invitant le secteur privé à participer activement à la réflexion. »
Services de livraison
Concernant l'impact environnemental des services de livraison qui ont explosé durant la période du Covid, Sarah Kolbenstetter a partagé leurs difficultés à recueillir des informations fiables.
« Pour répondre à la question sur les services de livraison, je n'ai jamais vraiment obtenu de réponses. J'ai essayé à plusieurs reprises, mais la plupart sont restés silencieux », confie Sarah Kolbenstetter.
« Je pense qu'ils prennent conscience du problème, mais le système reste encore profondément dépendant aux matériaux à usage unique. »

Elle conclut : « Il y a peu de données disponibles, pourtant le sujet est crucial. Pour nos formateurs, ce serait intéressant d'en reparler dans un contexte adapté. D'autant plus qu'une certaine organisation est déjà en place. »
Concernant l'utilisation de générateurs dans les aéroports, Caroline Bougon-Sirieix a précisé :
« C'est assez simple, puisque les aéroports sont raccordés au réseau de l'EDC. Cela dit, des études ont été menées pour envisager l'installation d'une mini-ferme solaire destinée à alimenter l'aéroport. Dans le contexte évoqué par Frantz, il n'a pas été possible de déployer ce projet. C'est néanmoins une idée que nous gardons en réserve, tout en suivant attentivement les évolutions réglementaires à ce sujet, car, bien évidemment, elle s'inscrirait pleinement dans notre logique de préservation du site.
Un petit complément : aujourd'hui — et je pense que ceux qui vivent depuis longtemps au Cambodge l'auront remarqué — nous avons la chance de bénéficier d'un réseau électrique fiable. Ainsi, bien que de nombreux bâtiments, y compris les aéroports, soient équipés de générateurs à titre de secours, leur usage demeure très limité dans la pratique.
Je voulais aussi ajouter un complément sur la question du carbone, expliquait Caroline Bougon-Sirieix. À l'aéroport de Sihanoukville, vous ne le savez peut-être pas, mais une vaste mangrove s'étend juste à côté. C'est l'un de nos points de vigilance, car nous tenons à préserver cet écosystème, véritable acteur de la décarbonation. Cette mangrove ne peut pas être inscrite officiellement dans nos engagements, car la durée d'observation nécessaire dépasse celle de notre contrat avec l'État. Mais cela ne nous empêche nullement de veiller à ce qu'elle soit strictement maintenue dans son état actuel. »
Pour conclure, M. Vaganay avançait :
« Si l'on observe de plus près le mix énergétique du Cambodge, on constate que plus de 60% de l'électricité produite provient déjà de sources renouvelables ; le taux exact atteint 62,3%. Le gouvernement s'est fixé un cap de 70%, et je suis convaincu qu'il y parviendra. Quand on examine les investissements actuellement en cours, notamment dans le solaire, mais aussi dans des projets éoliens et de stockage d'énergie, tout indique que cet objectif est à portée de main.
Il faut bien garder à l'esprit — et je le rappelle souvent — qu'en matière de décarbonation, le Cambodge se distingue déjà. Il se positionne juste derrière le Laos : numéro 2, voire 3, parmi les pays de l'ASEAN. »