Phnom Penh : Des dizaines de milliers de personnes manifestent leur soutien à l'armée cambodgienne à la frontière thaïlandaise
- La Rédaction
- il y a 21 heures
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Ce matin, une vague de solidarité a déferlé sur Phnom Penh lorsque des dizaines de milliers de Cambodgiens de tous horizons se sont rassemblés au Centre des congrès et des expositions de Koh Pich.

Cette manifestation, une marche de solidarité organisée par l'Union des fédérations de jeunesse du Cambodge (UYFC), visait à affirmer l'unité nationale en faveur des efforts déployés par le gouvernement royal pour résoudre les différends frontaliers et à remonter le moral des troupes au front.
La marche a débuté au Centre des congrès et des expositions de Koh Pich, d'où les participants ont marché d'un pas résolu vers l'emblématique Monument de l'Indépendance. Une grande cérémonie y a été organisée, marquant à la fois l'aboutissement des événements de la journée et la réaffirmation symbolique de la fierté et de la cohésion nationales.
Avant le début du défilé, la foule a été inspirée par la diffusion de messages sincères récemment prononcés par le président du Sénat, Samdech Akka Moha Sena Padei Techo Hun Sen, et le Premier ministre, Samdech Moha Borvor Thipadei Hun Manet. Ces messages ont souligné l'importance cruciale de l'unité et de la résilience face aux défis territoriaux.

Soutien moral
Le Premier ministre Hun Manet, s'exprimant lors de la cérémonie de clôture du Congrès extraordinaire des scouts cambodgiens la veille, a expliqué la signification profonde de cette marche. Il a souligné que cet événement n'était pas seulement une manifestation du soutien du public, mais aussi l'expression vitale du lien indestructible qui unit le peuple cambodgien et ses défenseurs de première ligne. Le Premier ministre a insisté sur la nécessité d'encourager moralement les troupes stationnées le long des frontières du Cambodge, qui protègent sans relâche l'intégrité territoriale et la souveraineté de la nation.
Cette manifestation collective de patriotisme et de solidarité reflète l'engagement indéfectible du peuple cambodgien en faveur de la paix et de la sécurité de son pays, envoyant un message clair d'unité et de force dans le contexte des négociations frontalières en cours.
La région frontalière qui sépare la Thaïlande et le Cambodge est devenue le théâtre d'une confrontation diplomatique croissante, où d'anciens conflits territoriaux se heurtent à des manœuvres géopolitiques. À ce jour, la frontière de 820 kilomètres reste un point de tension entre deux voisins dont les relations se sont nettement détériorées depuis une escarmouche meurtrière le mois dernier.
La crise actuelle trouve son origine le 28 mai, lorsque des coups de feu ont éclaté dans le triangle d'émeraude, une région reculée et densément boisée où se rejoignent les frontières de la Thaïlande, du Cambodge et du Laos. L'affrontement, bref mais fatal, a coûté la vie à un soldat cambodgien, les deux camps s'accusant mutuellement d'avoir déclenché les hostilités dans ce territoire qui reste contesté. Depuis, l'incident a dégénéré en une confrontation diplomatique plus large qui menace de déstabiliser les relations entre les deux pays à majorité bouddhiste.
La guerre économique s'installe
Dans un contexte de tension dramatique, le Cambodge a mis en œuvre sa menace d'interdiction des importations de fruits et légumes thaïlandais, effective à partir du 17 juin à 9 heures. Cette interdiction, qui fait suite à un ultimatum de 24 heures lancé par le président du Sénat cambodgien Hun Sen, vise spécifiquement les produits agricoles, sans affecter les autres marchandises ni les déplacements de personnes. Cette mesure constitue une riposte à l'ajustement unilatéral par la Thaïlande des heures d'ouverture des postes-frontières, qui ont été réduites par rapport à l'horaire précédemment convenu, de 6 h à 22 h.
La Thaïlande a réagi par ses propres mesures restrictives, l'armée royale thaïlandaise renforçant les contrôles aux frontières et interdisant aux ressortissants thaïlandais de se rendre au Cambodge pour travailler dans les casinos et les lieux de divertissement. L'armée a invoqué des raisons de sécurité nationale et la sécurité des citoyens des deux côtés de la frontière pour justifier le renforcement des restrictions.
Impasse diplomatique et manœuvres juridiques
Le paysage diplomatique est devenu de plus en plus complexe avec la demande officielle du Cambodge à la Cour internationale de justice (CIJ) de régler quatre différends frontaliers spécifiques. Le Premier ministre Hun Manet a annoncé sur Facebook que le Cambodge avait choisi « une résolution pacifique fondée sur le droit international par le biais du mécanisme de la CIJ pour résoudre le différend frontalier », avec une lettre officielle remise à la Cour de La Haye.
Les zones contestées comprennent le Triangle d'émeraude, où s'est produit l'incident mortel de mai, ainsi que trois sites de temples : Ta Muen Thom, Ta Muen Toch et Ta Kwai. Ces sites abritent d'anciennes ruines angkoriennes qui font l'objet d'un litige depuis des décennies et représentent à la fois un patrimoine culturel et une souveraineté territoriale.
La Thaïlande a fermement rejeté l'approche de la CIJ, son ministère des Affaires étrangères exprimant sa déception face au refus du Cambodge de travailler dans le cadre des accords bilatéraux existants. Bangkok maintient qu'elle ne reconnaît pas la compétence de la Cour et préfère des négociations directes par le biais de mécanismes établis tels que la Commission mixte des frontières.
Posture militaire et fortification des frontières
Les deux pays ont renforcé leur présence militaire le long de la frontière contestée, créant une situation de tension qui rappelle les conflits passés. Le ministre thaïlandais de la Défense, Phumtham Wechayachai, a confirmé que le Cambodge avait rejeté les propositions de désescalade lors des pourparlers bilatéraux, ce qui a incité le gouvernement royal thaïlandais à mettre en œuvre des mesures de sécurité supplémentaires.
L'armée thaïlandaise a pris le contrôle de tous les postes-frontières le long de la frontière cambodgienne, invoquant les incursions répétées de civils et le renforcement militaire comme preuves d'intentions agressives. Dans le même temps, le Premier ministre cambodgien Hun Manet a souligné la posture défensive de son pays tout en affirmant que les forces armées restaient prêtes à se défendre contre toute agression.
Un nouveau cadre de gestion des crises
Consciente de la détérioration de la situation, la Thaïlande a créé le Centre d'opérations spéciales pour la gestion des situations à la frontière entre la Thaïlande et le Cambodge (SOC-TCBSM), dirigé par le vice-ministre de la Défense Natthaphon Narkphanit. Ce centre a pour objectif de rétablir la normalité le long de la frontière dans les meilleurs délais, bien que le Cambodge ait reporté sine die les réunions du Comité régional des frontières qui devaient aborder les questions de déploiement militaire.
Le coût humain des tensions politiques
L'escalade du conflit commence à peser sur les citoyens ordinaires dont les moyens de subsistance dépendent du commerce transfrontalier et de l'emploi. Les vendeurs sur les marchés, les travailleurs agricoles et les prestataires de services qui opèrent depuis des décennies de part et d'autre de la frontière sont désormais confrontés à l'incertitude et à des restrictions d'accès à leurs activités économiques traditionnelles.
La réduction des heures d'ouverture de la frontière et le renforcement des mesures de sécurité ont perturbé les habitudes commerciales et la vie quotidienne, touchant particulièrement les travailleurs cambodgiens employés dans les marchés et les lieux de divertissement thaïlandais à la frontière. La fermeture de postes de contrôle agricoles essentiels a également eu des répercussions sur le transport de fruits thaïlandais vers les marchés vietnamiens via le territoire cambodgien.
Contexte historique et implications
Les tensions actuelles reflètent des griefs historiques plus profonds, enracinés dans la délimitation des frontières à l'époque coloniale. Une grande partie de la frontière de 820 kilomètres a été établie pendant la domination coloniale française en Indochine, de 1887 à 1954, laissant certaines portions de la frontière mal définies. Les zones contestées ont connu des violences périodiques depuis 2008, qui ont fait au moins 28 morts au fil des années.
La décision de la CIJ de 2013, qui a attribué au Cambodge la zone contestée autour du temple de Preah Vihear, continue d'irriter les nationalistes thaïlandais, ajoutant une nouvelle couche de complexité aux négociations actuelles. Le rejet constant par la Thaïlande des mécanismes juridiques internationaux reflète ce ressentiment sous-jacent à l'égard des décisions judiciaires antérieures.
Alors que les efforts diplomatiques restent au point mort et que les deux parties campent sur leurs positions, la frontière entre la Thaïlande et le Cambodge représente un point chaud préoccupant dans ce qui est généralement considéré comme la région la plus stable d'Asie du Sud-Est. L'Association des nations de l'Asie du Sud-Est, fondée en partie pour prévenir de tels conflits territoriaux, n'est pas encore intervenue activement pour régler la crise, ce qui soulève des questions quant à sa capacité à gérer les conflits intra-régionaux.
Les prochaines semaines détermineront probablement si les voix pragmatiques l'emporteront sur le sentiment nationaliste, ou si cette frontière ancestrale continuera de servir de barrière entre deux voisins dont l'histoire commune et les intérêts économiques devraient unir plutôt que diviser.