La dynastie Shinawatra : Au cœur du tumulte thaïlandais et du conflit frontalier
- La Rédaction
- 30 juil.
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Dernière mise à jour : 31 juil.
Depuis plus de deux décennies, la famille Shinawatra incarne une puissance politique et économique majeure en Thaïlande. Issue de la minorité Hakka chinoise installée à Chiang Mai, la dynastie s’est imposée par l’ascension de Thaksin Shinawatra, magnat des télécommunications, devenu Premier ministre en 2001.

Après des années d’exil, Thaksin est revenu en 2023, accueilli par une justice clémente le libérant rapidement malgré ses condamnations, un apparent gage d’apaisement avec la monarchie. Pourtant, la famille reste la cible d’un harcèlement judiciaire acharné : Thaksin fait actuellement face à une accusation très risquée de lèse-majesté – un crime inculpé suite à des propos tenus en 2015, lors d’une interview à Séoul, qui pourrait lui valoir jusqu’à 15 ans de prison.
Sa plus jeune fille, Paetongtarn, à la tête du gouvernement depuis 2024, vient d’être suspendue de ses fonctions de Premier ministre par la Cour constitutionnelle pour une fuite téléphonique lors de la crise frontalière avec le Cambodge.
Cette vague de procédures s’accompagne d’une érosion accélérée de leur bastion politique : les Shinawatra, naguère adulés dans le Nord et le Nord-Est, font face à une contestation grandissante, y compris au sein du Parlement, tandis que l’armée leur est plus hostile que jamais.
Un rôle controversé dans le conflit frontalier avec le Cambodge
Le tumulte ne s’arrête pas à Bangkok : la résurgence du conflit frontalier meurtrier avec le Cambodge en juillet 2025 exacerbe la polarisation. Si l'amitié historique entre Thaksin et Hun Sen – ancien Premier ministre cambodgien – a longtemps garanti une diplomatie particulière, la fuite d’un enregistrement téléphonique a mis fin à la « fraternité » des deux clans, propulsant les familles Shinawatra et Hun sur le devant de la scène régionale.
Malgré la rhétorique, Thaksin dément toute responsabilité de sa famille dans le déclenchement du conflit, rejetant l’idée d’une querelle familiale. Il souligne que la crise a été alimentée par le nationalisme cambodgien et réaffirme la nécessité d’un dialogue entre États, excluant tout recours aux médiateurs internationaux, alors que le gouvernement Shinawatra est accusé de laxisme et de conflits d’intérêts, notamment après l’appel privé de Paetongtarn à Hun Sen pour « arrêter les hostilités ».
La réalité est plus venimeuse : la rupture familiale apparente s’est cristallisée autour d’accusations d’actes hostiles, de fuites orchestrées et de coups de communication. D’anciens liens – golf, conseils économiques, amitiés sulfureuses – n’ont pas résisté à la montée des intérêts nationaux, chacun instrumentalisant l’autre pour se consolider face à ses propres adversaires. Les événements récents ont été perçus tantôt comme l’ultime épisode d’une « guerre des familles », tantôt comme l’exemple d’États piégés par le poids de leurs alliances dévoyées.
La famille Thaksin Shinawatra demeure à la croisée des crises thaïlandaises : millionnaires déchus, catalyseurs de réforme démocratique pour les uns, menaces pour l’État profond pour les autres. Davantage contestés que jamais, bousculés par l’armée, la justice et la rue, entourés de controverses sur la gestion de la guerre frontalière, ils affrontent aujourd’hui la plus sévère remise en cause de leur pouvoir depuis 25 ans – un pouvoir désormais aussi fragile que la trêve suspendue sur la frontière cambodgienne.
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