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Journée Internationale de la Femme – Adana Titi : Le cancer m’a donné le temps, la solitude e

A l’occasion de la 108ème Journée Internationale de la Femme, nous remettons à l’honneur celles qui ont rendu les pages du magazine accueillantes, dynamiques et, bien entendu…féminines. Rappelons aussi que 45% des fans de Cambodge Mag sont des femmes.

Contexte : Il y a environ deux ans, Adana Titi, jeune étudiante Franco-Cambodgienne réalise un court-métrage au Cambodge pour la fondation Together1heart. Elle m’avait alors demandé de lui louer du matériel et de l’assister pour le tournage. Tout se passe merveilleusement bien les premiers jours. Un matin, elle me demande de tourner à sa place. ”…Je ne me sens vraiment pas bien, je dois aller à l’hôpital faire des analyses…”.

Adana en tournage

Adana en tournage


A son retour, Adana explique calmement qu’elle est probablement atteinte d’un cancer. Consternation, puis le début d’une longue bataille contre cette maladie. Aujourd’hui, Adana est sauvée, elle s’est battue, elle témoigne. Entretien :

CM : La dernière fois que nous nous sommes vus, tu partais te faire soigner après avoir appris la mauvaise nouvelle…Racontes

Oui, suspicion de cancer, mon père m’appelle, il me prépare…il me dit que je vais entrer dans un tunnel, que cela va être long…Mais espoir, au fin fond de ce tunnel, il y a une lumière. Il faut juste être patiente et méditer. C’est ce que j’ai commencé à faire.

CM : Comment se sent-on à ce moment-là ?

Le plus compliqué était l’incertitude, de savoir ou pas si j’étais atteinte d’un cancer était le plus compliqué. Après, quand on sait, il y a une attitude à adopter.

Pendant tout le long de ma maladie, je voyais plutôt les réactions des enfants. Ils vivaient presque normalement, ils vivaient, ils jouaient, courraient…Ils pleuraient aussi bien sur car c’est douloureux. Mais quand j’ai vu les adultes, beaucoup se lamentaient, se disaient : ‘’pourquoi moi, pourquoi ma vie, pourquoi maintenant ?

J’ai décidé alors de me comporter comme les enfants. Je vais surfer sur la vague…

CM : Comment se sont déroulés les premiers mois de traitement ?

Les deux premiers mois n’ont pas été faciles. J’ai dû subir beaucoup d’opérations. Il y avait aussi la pression de la chimiothérapie. A 21 ans, avec cette épreuve, on se pose des questions très compliquées.

J’ai gardé ma cicatrice, je l’aime beaucoup. Je n’ai pas envie de l’enlever (rires).

Franchement, je ne garde que des bons souvenirs. Cette expérience a été une super belle expérience.

Adana Titi

Adana Titi


CM : Tout n’a pas dû être facile cependant ?

Oui, j’ai eu une crise cardiaque à l’hôpital. Et à partir de là, tous les trois jours, durant ma chimio, j’avais la même douleur. Tous soirs alors, pendant six mois, je m’endormais en me demandant si j’allais me réveiller demain. Ça oui, c’était flippant. Tous les soirs je discutais avec mon père, je lui faisais part de cette douleur.

Qui t’accompagnait dans cette épreuve ?

Le traitement a duré en tout six mois, mais les deux premiers mois ont été particulièrement éprouvants. Je devais rester en permanence à l’hôpital IPC (Marseille), ensuite je pouvais sortir.

J’avais mon père avec moi avec des visites régulières de ma mère et de ma sœur. Mon père m’accompagnait dans la méditation tous les matins. Nous avions également de longues discussions, souvent philosophiques. Nous discutions beaucoup de la mort. C’était très beau.

J’ai aussi rencontré quelques patients assez incroyables. Vraiment, cette expérience a été magnifique malgré les souffrances physiques. Cela m’a donné à réfléchir sur la vie, cela m’a donné confiance en moi.

CM : Avais-tu envisagé la possibilité de ne pas t’en sortir ?

Le cancer m’a donné le temps et la solitude. Et cela m’a changé. Nous avons rarement le temps de nous confronter à nous-même. Et, là j’ai eu tout ce temps pour le faire. Je ne me posais pas la question de savoir si j’allais survivre ou non. Je suivais le cours de l’eau. J’avais appris à prendre du recul par rapport à la mort. Je me disais ‘’…si je pars, je dois partir, cela fait partie du cycle de la vie, c’est tout…’’. J’acceptais totalement l’idée de la mort.

CM : Tu n’as jamais eu peur ?

Les deux premiers mois, j’avais peur, comme je l’ai dit, principalement en raison de la crise cardiaque. De surcroît, la chimiothérapie procure une sensation étrange, on a vraiment l’impression de mourir. L’impression que le corps lâche…je bougeais à peine, j’avais du mal à respirer car mes poumons fonctionnaient très mal. J’étais prisonnière dans le corps d’une très vieille femme.

CM : Quand ca allait mieux, que faisais-tu de tes journées ?

Je passais mes journées à lire, à écrire et à mes futurs projets. Je méditais beaucoup. Je restais dans un appartement à Marseille. Je ne devais pas sortir, mon système immunitaire était trop bas. Pendant mon cancer, j’avais beaucoup d’idées. J’en parlais à mon père, et il me disait de chercher un rêve et de l’accomplir.

CM : Après six mois, les choses vont beaucoup mieux, tu décides alors de monter une exposition…

Avec cette exposition, je voulais partager mon histoire. J’ai écrit huit chapitres. Ce sont huit chapitres de l’évolution de ma compréhension de la vie. Je voulais faire un film au début. Mais c’était un peu compliqué. Mais, comme je sais dessiner, j’ai finalement opté pour une exposition.

CM : Où as-tu exposé ?

J’ai pu exposer à New York. Quand je suis arrivé dans la ville, je n’avais que six mois pour préparer cette exposition. Tout le monde me disait que c’était impossible. J’ai refusé cette éventualité. J’ai survécu au cancer, je pouvais réaliser un rêve…

En arrivant, j’ai eu la chance d’être accueillie chez Susan (Sarandon). Elle a voulu me donner ma chance et voir ce dont j’étais capable. Et elle m’a dit tout simplement : ‘’…fais le…’’. Elle ne m’a pas aidé, elle voulait voir si j’y arriverai.

Acceptance - Oeuvre d'Adana

Acceptance – Oeuvre d’Adana


Je pense que mon idée était bonne, et je m’y suis consacrée pendant six mois. J’étais plutôt fière de moi. C’était une exposition sur les sens. Le cancer m’a appris plein de choses, dont le temps. Les huit chapitres proposent une philosophie pour chaque dessin.

Dans chaque œuvre, j’ai intégré des cellules cancéreuses. Je voulais donner une perception différente du cancer. Je voulais quelque chose de très fort. Les huit thèmes vont de l’autodestruction à la métamorphose, et tout ce cycle de dessins est basé sur la compréhension.

CM : Est-ce que l’exposition a marché ?

L’exposition a super bien marché. Toutes mes œuvres ont été vendues. Aussi,mon père est venu, cela a été un moment très fort. Mon père n’est pas quelqu’un de démonstratif, il ne disait rien sur sa tristesse, mais je voyais qu’il était fatigué. Et, à la fin de l’exposition, la pression est enfin retombée, et un chapitre s’est clos…

Et, à la fin de l’exposition, la pression est enfin retombée, et un chapitre s’est clos…

Et, à la fin de l’exposition, la pression est enfin retombée, et un chapitre s’est clos…


Il a fait un super boulot de papa. Il m’écoutait durant ma maladie. J’étais vraiment heureuse d’avoir ces longues discussions qui ressemblaient parfois un peu à des séances de thérapie. Cela me permettait de voir des choses toutes simples avec une lumière différente.

Paradoxalement, quand j’avais le cancer, je me sentais quelque part heureuse. Je souffrais beaucoup mais j’étais heureuse.

CM : A l’évidence, cette épreuve t’a beaucoup rapprochée de ton père

Oui. Quand on passe des moments difficiles avec quelqu’un, la relation mûrit. C’était une période très difficile pour la famille. Nous avons perdu notre grand-mère et mon père a eu une crise cardiaque également. Il sera là, au Cambodge la semaine prochaine. Nous partirons ensuite à Cuba ensemble, en voilier.

CM : Tes projets ensuite ?

Je vais organiser des expositions un peu partout. Je trouve que l’histoire en vaut la peine. De plus, l’argent ne m’intéressait pas. D’ailleurs tout l’argent de la vente des tableaux est parti pour une fondation pour le cancer. Ce qui comptait, c’était la philosophie de ma démarche artistique.

Après Cuba, j’irai à Los Angeles, puis la Suisse, puis Paris. L’objectif est de pouvoir voyager, exposer mes œuvres et suivre mes études en ligne.

CM : Artiste donc ?

Je vais dans cette voix, oui, mais je vais continuer mes cours de sciences politiques. Et je suis toujours sur mon projet de court-métrage. J’y arriverai un jour ! (rires)

Propos recueillis par Christophe Gargiulo

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